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Critique

« The Batman » de Matt Reeves

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Batman, Gotham, Catwoman, Comic-books, Pinguoin, D.C.Comics, The Riddler

publié le par Yannick Hustache

Lâché depuis un moment par l’éternel rival Marvel en matière de succès critiques et publics d’adaptations super-héroïques au cinéma, D.C. Comics (via Warner) relance la franchise Batman - 3 volets annoncés - en reprenant les choses à zéro. Enfin pas tout à fait, même s’il pleut toujours à torrents dans la longue nuit de Gotham !

Alone in the dark

Sans refaire l’inventaire bien fourni des adaptations sur grand (et petit) écran du justicier de Gotham, on se rappellera à toute fin utile que c’est le Batman de Tim Burton qui lança en 1988 (!) véritablement, en mode blockbuster, les super-héros au cinéma.

Ni reboot intégral ni pièce montée ajoutée à un DC Universe cinématographique d’une cohérence perfectible (séries et films récents estampillés D.C. n’ont pas toujours l’air de se passer dans un univers partagé), The Batman tient davantage d’une relecture parallèle construite à partir d’éléments épars prélevés dans le riche vivier, tant filmé qu’animé de Batman, et inspirés évidement des récits BD fondateurs et ceux qui ont fait date par la suite.

À l’entame de The Batman, Gotham est agitée par une élection maïorale toute proche, le pouvoir politique est contesté et les rumeurs et accusations de corruption des élites vont bon train. Le maire sortant, candidat à sa propre succession, est assassiné chez lui par un mystérieux agresseur masqué qui laisse derrière lui énigmes et indices signés, adressés à la police mais également et surtout à son auxiliaire particulier – enfin plutôt celui du commissaire Gordon - tant ce vengeur sans légitimité officielle suscite la méfiance voire une franche hostilité chez les policiers, sentiment partagé depuis le simple péquin jusqu’au sommet de la hiérarchie.

L’homme cagoulé mystérieux (surnommé plus tard The Riddler) promet d’autres exécutions à venir, et par elles de punir les élites qui ont trahi la ville, se sont emparés de tous les leviers de pouvoirs, nouant des alliances avec la pègre, et ont bâti des fortunes sur les trafics illégaux en tous genres et sur le détournement de fonds initialement prévus - via un vaste plan d’aide - pour combattre la pauvreté endémique qui frappe une bonne partie de ses habitants. L’homme se proclame héraut d’un peuple opprimé, radicalisé qui n’a plus d’autre option que de prendre les armes et se faire justice lui-même.

Dans le Batman de Matt Reeves (issu du monde de la S.F. et connu pour son Cloverfield et les épisodes deux et trois du préquel de la saga de La Planète des singes) l’homme chauve-souris est déjà à l’œuvre depuis deux-trois ans et l’évocation de l’évènement traumatique originel de Bruce Wayne (l’assassinat de ses parents dans les rues de la ville) se fait de façon allusive, dans le sentiment de désarroi partagé (mais non exprimé) entre le jeune fils du maire, après la découverte du corps mutilé de son père, et le souvenir toujours vif du drame qui fit du riche héritier de la dynastie Wayne un orphelin confié aux bons soins d’un majordome.

-La compagnie Wayne semble n’exister qu’en hors champ et Bruce Wayne (ici campé par Robert Pattinson) parait mener une vie de reclus à l’écart du monde, bien qu’habitant dans une sorte de palais gothique flanqué au sommet d’une tour surplombant la métropole pluvieuse, et non plus un manoir verrouillant l’accès d’un réseau de grottes où (les) Batman avait coutume d’installer son quartier général. — -

Plus encore que dans toutes les autres adaptations cinématographiques vues à ce jour, la césure entre Bruce Wayne censé brider les rennes d’un empire financier et industriels et son alter-ego nocturne n’a semblé aussi marquée. La compagnie Wayne semble n’exister qu’en hors champ et Bruce Wayne (ici campé par Robert Pattinson) parait mener une vie de reclus à l’écart du monde, bien qu’habitant dans une sorte de palais gothique flanqué au sommet d’une tour surplombant la métropole pluvieuse, et non plus un manoir en périphérie verrouillant l’accès d’un réseau de grottes où (les) Batman avait coutume d’installer son quartier général.

Alfred (l’Anglais Andy Serkis, fidèle de Reeves), actuel majordome claudicant (une ancienne blessure) et ancien ami de son père a fort à faire pour faire exister Bruce Wayne en tant que personnalité publique (il est un mystère pour la presse et les médias), à tenter de le ménager physiquement et de préserver un peu de ce qui lui reste d’humanité, lui qui ne sort de son domaine privé aux airs de cathédrale gothique qu’à la nuit tombée sous les oripeaux d’une sentinelle qui inspire la peur. Drapé de costume sombres, l'aspect cadavérique, Pattinson campe un Bruce Wayne torturé comme jamais, tout droit sorti des ambiances glauques et industrielles du Nine Inch Nails des 90’s et de son leader Trent Reznor à qui il fait penser, et même si c’est « Something In The Way » de Nirvana réenregistré (autre icône de cette décennie) qui résonne par deux fois en quasi début et toute fin du film.

Enfin, autour de ce Gotham aux reliefs menaçants d’une grosse pomme fusionnée dans la démesure avec la capitale anglaise au temps où elle était encore une cité industrielle, il ne semble y avoir aucun autre personnage que l’on pourrait qualifier de super-héroïque sur lequel Batman peut compter. Pas de Superman, de L.D.J. et pas (encore) de Robin à l’horizon. La police de Gotham s’avérant tout aussi corrompue que le reste du corps social, la chauve-souris ne peut se fier qu'au commissaire Gordon (Jeffrey Wright) en tant qu’allié.

Bat-débutant et Techno-Bat

Plus tout à fait novice mais encore le fin limier qui a toujours une longueur d’avance de pas mal récits BD, le Batman de Reeves instille la peur et la terreur à celles et ceux qui « théoriquement » la font régner. Il utilise certes quelques gadgets (pince-câble, grenades à fumigène…), mais il ne semble pas encore très assuré lorsqu’il doit s'élancer (au moyen d’une sorte d’aile-volante) dans les airs, entre les hautes tours de la cité. Il évolue en moto durant une bonne partie du film avant de s’afficher au volant d’une batmobile plus proche d’une stock-car ‘70’s blindée que d’un concentré de technologies (bien qu’elle possède elle aussi son lot de gadgets) au profil futuriste. Revêtu d’une armure blindée (seul héritage visible du passage peu glorieux du tâcheron Zack Snyder sur la franchise) qui certes, amoindrit les coups qu’il reçoit (son corps est tuméfié de traces de combats) et le protège des balles, mais ne lui offre guère l'agilité des techniques de combats furtives et aériennes vues chez Nolan et limite quelque peu sa méthode de combat qui se résume à « foncez dans le tas ». On se demande d’ailleurs comment Bruce Wayne arrive à changer aussi rapidement de tenue…

Lorsque débute l’enquête du meurtre du maire, on ne sait si « ce » Batman a déjà eu maille à partir avec des adversaires plutôt exceptionnels. Malgré d’évidentes qualités de détectives prompt à repérer les moindres détails essentiels à la poursuite de ses investigations, il semble néanmoins marquer un temps de retard sur The Riddler, qui annonce fièrement à la barbe du justicier depuis la prison (Arkham, évidemment) où il a été enfermé depuis sa « capture » volontaire, que son ultime carte maitresse va seulement être jouée.

Si on devine que Bruce Wayne peut s’offrir en secret des technologies de recherche, de reconnaissance faciale et de surveillance dernier cri de par les abondantes ressources de la compagnie reçue en héritage, The Batman compte quelques belles séquences d’utilisations malines et peu vues jusqu’ici de ces nouvelles technologies. Batman porte ainsi des lentilles caméra invisibles qui certes, changent la couleur de ses pupilles (pratique) mais enregistrent quantité de détails prêts à être passés au crible selon moult techniques de pointe et moyens d’analyse. C’est également par un semblable procédé (l’œil caméra) que Selina Kyle - future Catwoman - alliée momentanée du détective, part ausculter l’antre secrète du club tenu par le Pingouin où se terrent les plus inavouables secrets de la ville dans l’une des plus impressionnantes séquences du film. Paradoxalement, l’habillage informatique version darknet qu’utilise The Riddler renvoie à l’informatique du début de l’internet et celui-ci met par ailleurs un point d’honneur à envoyer ses missives en lettres manuscrites.

Vengeance biblique ou justice des hommes ?

The Batman se déroule sur une unité de temps bien précise, une semaine exactement. Du 31/10 au 06/11. Il s’ouvre le soir d’Halloween et son défilé de déguisés carnavalesques au sein desquels se sont glissés quelques malfrats tout heureux de pouvoir rester anonymes au milieux d’une foule costumée (et parmi eux, grimé en Joker, se cache sans doute le futur Robin) et se clôture sept jours plus tard, après qu’un déluge provoqué par le plastiquage des digues ait noyé la ville, dans une espèce de processus de création divine inversé et donc de destruction de l'homme par l’homme.

À de très rares exceptions près, le film a lieu la nuit, ou plus exactement entre le coucher et le lever de soleil et sous la météo diluvienne qui rythmait les journées et saisons de la série Gotham.

L’enjeu de ce film de près de trois heures parait double : faut-il détruire de fond en comble une ville gangrenée par le mal ou tenter de la sauver malgré elle ? Et question subsidiaire proche de celle qui sous-tendait le cycle Nolan, qu’est-ce qui différencie un « héro » autoproclamé du bien d’un « champion » issu du peuple, prêt à tout pour réaliser sa « justice ». Entre un nanti qui fait régner l'ordre pour des raisons connues de lui seul et les actions nihilistes de ceux qui n’ont plus rien à perdre, l’ambiguïté est à son point d’incandescence.

Le destin mêlé des trois personnages principaux pris dans tourmente d’une ville condamnée est ainsi éloquent tout au long du film. Entre un Bruce Wayne/Batman qui tente de se profiler comme un protecteur de la ville (et qui ne tue pas) et non plus comme un vecteur de peur indistincte; une Selina Kyle consumée par un irrépressible désir de se venger - du meurtre de sa meilleure amie, de son géniteur putatif, ex collaborateur de la famille Wayne et parti lié à la pègre – et qui ne trouve son salut que dans l’exil. Et enfin un Riddler binoclard et grassouillet (fantastique Paul Dano dans une incarnation du Sphinx bien différente de toutes celles vues à ce jour) qui mettra toutes les ressources de son intelligence supérieure aux seuls fins d’une éradication totale de Gotham, et ce pour des motifs revanchards purement personnels (il est lui aussi orphelin mais abandonné au centre d’un scandale qui a éclaboussé les Wayne, une sorte de doppelganger 2.0 de Bruce).

Nouveau cycle

Plus qu’un énième épisode d’une histoire qu’on connait par cœur The Batman replace habilement D.C. Comics dans la course mêlant habilement les fils d'un récit complexe (peut-être un peu trop) aux personnages suffisamment élaborés (mention très bien à John Turturro/ Carmine Falcone et à Colin Farrell/ Oswald Cobblepot/ Pingouin, méconnaissable), parsemés d’indices pour la suite (on devine qui sera le prochain « vilain ») et qui multiplie habilement les clins d’œil malins/hommages aux adaptations précédentes (surtout à Burton et Nolan). Les scènes d’action, bien dosées offrent du neuf (ci plus haut) mais souscrivent néanmoins à l’exercice obligé de la course de voitures un peu vaine d’autant que le film aurait pu être amputé d’une bonne demi-heure pour lui éviter le sentiment de trop-plein. Reste l’erreur de casting de Zoé Kravitz (Selina Kyle/Catwoman) qui a bien du mal à jouer de son pouvoir de séduction féline interlope parce que trop systématiquement repliée en boule de colère de petit chat sauvage sortant ses griffes à la moindre contrariété et incapable de faire ronron ! Impardonnable !

On attend la suite !

The Batman un film de Matt Reeves

États-Unis, 2022, 2h56

Texte: Yannick Hustache

Crédits photos: Cinébel, Ecran Large et Paris Match

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Agenda des projections:

Sortie en Belgique le 1er mars 2022, Distribution Warner Bros

Le film est programmé dans la plupart des salles en Belgique.

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