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Neptune Frost, le coltan comme coton

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« Neptune Frost » est une proposition complexe, à la fois film musical (drame musical plutôt que comédie musicale), dystopie afrofuturiste et objet esthétique non-identifiable. Situé dans un futur proche, dans un village secret du Burundi, il présente une galerie de personnages insolites, embarqués dans une entreprise de hacking radicale.

Sorti sur les écrans en 2021, le projet remonte à plusieurs années auparavant, lorsque le musicien/écrivain Saul Williams cherche avec son épouse, l’actrice et réalisatrice Anisya Uzeyman, une forme pour développer les thèmes qu’il explore dans ses albums Martyrloserking (2016) et Encrypted and Vulnerable (2019). Après avoir envisagé une adaptation en bandes dessinées puis en spectacle musical, c’est finalement l’approche cinématographique qui sera retenue. Au travers d’une narration chantée, adaptée quasi littéralement de morceaux tirées des deux albums, traduits en swahili, en kinyarwanda, en kirundi et en français, en plus de la version originale anglaise, le film imbrique une série de sujets d’actualité : le néocolonialisme économique, l’instabilité politique, l’intersexualité, etc.

Il fait se rejoindre plusieurs personnages qui chacun illustre une facette de ces thèmes. Neptune est un/une androgyne en fuite qui découvre l’entrée de Digitaria, un village habité par un collectif de hackers, protégé des forces de l’Autorité, la dictature policière au pouvoir, par un champ de force. Il/elle y retrouve Matalusa (version africaine de son « Martyr Loser »), un ouvrier échappé d’une mine de coltan. On retrouve ici les thèmes abordés dans une chanson comme « The Bear/Coltan As Cotton », où Saul Williams traçait une analogie directe entre l’exploitation du coltan, ce minerai indispensable à la fabrication de nombreux composants électroniques, dont le trafic entretient les conflits meurtriers qui ensanglantent la région du Congo, du Burundi et du Rwanda, et le coton, dont la culture a couté la liberté et souvent la vie à des centaines de milliers d’esclaves africains.

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Si la narration du film peut désarçonner le spectateur, son esthétique décalée poursuivra le travail de désorientation. Situés quelque part entre les néons fluorescents du cyberpunk et l’art contemporain africain, les superbes costumes de Cédric Mizero et les décors, en accord direct avec la thématique, font la part belle au recyclage de composants informatiques et de circuits électroniques, de plastique et de métaux rares. Les vêtements du designer rwandais ont ici le même pouvoir ambigu que les œuvres des Kongo Astronauts ou de Freddy Tsimba. Ils parlent d’une autre Afrique, moderniste, futuriste, éloignée des clichés traditionnels

Variations lo-fi sur les technologies de pointe, reconfiguration magique des réseaux de communication mondiale, l’histoire est avant tout celle d’une revanche du continent africain, et des rebelles et des marginaux de celui-ci, sur les pouvoirs qui emprisonnent l’Afrique, et le reste du monde, dans une logique militaro-capitaliste. Comme les hackers et les spationautes rastafaris de William Gibson, le Collectif de hackers, armé de ses seules connaissances et de ses pouvoirs de pénétration et d’infiltration de la toile, rend à l’occident la monnaie de sa pièce. Ils cherchent à reconstruire une nouvelle utopie sur les ruines de leurs exploiteurs. (BD)

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Le film sera présenté au cinéma Nova le 8 décembre 2022 à 21h, dans le cadre du festival Africa is/in the future.

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