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Critique

"#salepute", un film de Florence Hainaut et Myriam Leroy (2021)

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D’après des études compilées par l’European Women’s Lobby, 73% des femmes dans le monde auraient déjà subi des cyberviolences. Et parmi elles, Myriam Leroy et Florence Hainaut, les deux journalistes (et plus), autrices et réalisatrices de ce documentaire qui s’attaque à une forme d'agression systémique sociétale massive qui touche la moitié connectée de l’humanité ! Édifiant

« #être une femme » versus 2021

Des femmes, relativement jeunes ou quasi retraitées, blogueuses (Manonolita) ou habituées des scènes et plateaux, connues de notre petit paysage médiatique belge, originaires de contrées proches (France, Allemagne…) ou plus lointaines (l’une des interlocutrices qui étudie le phénomène depuis des années est Australienne, une autre est une présentatrice de télévision indienne) témoignent en plans relativement rapprochés du ou des types de harcèlements en ligne dont elles ont fait (et font) les frais. Et pas qu'un peu !

Mais la réalité des témoignages impose rapidement son implacable constat : il n’est toujours pas bon pour une femme de « l’ouvrir » en 2021 (ou 2022) et de sortir de sa (gentille) « case figurative » pour embrasser un propos politique, féministe, revendicatif, ou plus simplement assumer la liberté d’exister médiatiquement par et pour elle-même. Un phénomène qui a même touché l’Autrichienne Natascha Kampusch, séquestrée 8 années durant, et accusée d'engranger gloire et un maximum de dividendes de son drame passé !

À l’ère d’Internet et des réseaux sociaux, c’est une épouvantable épidémie de misogynie, de haine de genre (et de classe) et de menaces non voilées en ligne qui pleuvent sur les femmes tout autour de la planète. Certaines cochant deux cases ou plus dans le répertoire jamais clôturé des discriminations : exemples de combinaisons non exhaustives ; femme + noire ; femme + lesbienne, femme + musulmane... Et bien des harceleurs ne se contentent pas de poster quelques « doux messages douteux » à l’adresse de leur(s) cible(s) désignée(s), les uns font preuve d’une constance presque maniaque dans l’insulte (basique), souvent à caractère bassement (bêtement) sexuel, inondant les espaces d’échanges de leur fiel, quand d’autres mènent de véritables raids numériques seuls ou en meute et vont jusqu’à la menace d’agression physique envers elles et/ou leurs proches, les assortissant parfois de photos/vidéos capturées dans les topographies et lieux habituels fréquentés par leur(s) victime(s). Pour les deux réalisatrices de ce film, ça fait plus de 15 ans qu’un petit groupe de harceleurs (et l'un en particulier, visé par une plainte au tribunal) ne les lâche pas d’une semelle.

Un phénomène d’ordre systémique

Ce que d’aucuns leur renvoient comme « un risque du métier » inhérent à leur exposition numérique et médiatique, le harcèlement en ligne est un phénomène qui frappe potentiellement 27 fois plus de femmes que d’hommes (sources : l’European Women’s Lobby, 2017), une forme de discrimination pleinement systémique, le marqueur d'une société qui peine à s'extirper du patriarcat . Il apparait aussi que le portrait type du cyberharceleur révèle qu’il est majoritairement un homme (on y trouve bien quelques femmes !) au profil socio-économique plutôt favorisé (chefs de familles, patrons, notable…), régulièrement (très) à droite sur l’échiquier politique et surtout se sentant pousser des ailes vengeresses derrière l’anonymat qu’offre le Net, alors que la moitié d’entre eux vit dans l'entourage de sa/ses victime(s).

Humoristes, blogueuses, présentatrices ou intervenantes de programmes radio, télé, numériques (…) témoignent de leurs propres expériences de cyberharcèlement, des incompréhensions, peurs et souffrances endurées, et des conséquences sur la suite de leurs parcours ou au sein de leur vie privée. Certaines finissent par renoncer sans pour autant retrouver la sérénité, d’autres adoptent des stratégies d’évitement, de moindre exposition et continuent, la peur au ventre.

Un cadre juridique inadapté.

Pris de cours face aux développements exponentiels des technologies numériques et des réseaux sociaux, aucun pays n’a jusqu’ici réussi à développer une législation et une jurisprudence adaptées, qui réponde de manière satisfaisante aux dévoiements et effets pervers de ses nouveaux usages. Aucune loi ne protège les victimes de violence en ligne en Belgique. Les plaignantes potentielles doivent mener un véritable parcours de combattante pour être entendues. Un « sacerdoce » qui commence dès le dépôt de la plainte (exceptionnellement prises en compte), se heurtent à l’incurie d’un système judiciaire exsangue et peu au fait (ni formé) des usages d’une réalité digitale largement dérégulée et où les fournisseurs d’accès ont clairement d’autres priorités que celle de la surveillance/régulation des contenus.

Pourtant, selon l’Allemande Anna-Lena Von Hodenberg, directrice d’une association allemande d’aide aux victimes de cyberharcèlement, le sexisme en ligne est une menace pour la démocratie en ce qu’elle tend à écarter du débat public les voix d’une de ces composantes essentielles, bientôt monopolisé par celles (?) et ceux qui crient le plus fort pour que rien ne change !

#salepute, de Florence Hainaut et Myriam Leroy (2021)

Belgique - 2021 - 57 min

Texte : Yannick Hustache

Crédits photos : TV5, Les Grignoux

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Agenda des projections:

28 / 03/2022 : centre culturel de Durbuy

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