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Critique

« OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire » de Nicolas Bedos

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satire, James Bond, espionnage, colonisation, OSS117, Pierre Niney, Jean Dujardin

publié le par Yannick Hustache

Janvier 1981, la tension électorale monte et la France va peut-être élire son premier président de gauche depuis l’avènement de la Ve République. Mais pour Hubert Bonisseur de La Bath, alias OSS 117, serait-ce l’heure de la préretraite depuis que ses chefs préfèrent envoyer sur le terrain africain le sémillant et prometteur OSS 1001 ? Lequel disparait dès son arrivée en mission, et les services secrets français se voient contraints de ressortir leur vieil atout…

Les temps changent

À l’aube de la nouvelle décennie, Hubert est un survivant vieillissant qui s’ignore. De fait, le service qui emploie ce 007 « à la française » (au générique, on s’y croirait) est passé au matricule en mille, et c’est au plus jeune mais inexpérimenté OSS 1001 (Pierre Niney) qu’on confie la tâche de sauvegarder les intérêts de la France en Afrique noire. Et ce malgré une mission « réussie » en Afghanistan, envahi depuis peu par les Soviétiques et leurs impitoyables agents du KGB.

Et Hubert, passé "dans l'administration" et colloqué à demeure, de se fondre sans trop de problèmes dans l’équipe de proto-geeks chargés de numériser les kilomètres d’archives du service, son humour lourdingue s’avérant étrangement soluble dans le jargon abscons des développeurs informatiques de l’époque…

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OSS 1001 ne donnant finalement plus signe de vie, les services secrets français se voient contraints d’envoyer OSS 117 à sa recherche dans une ex-colonie française, et « accessoirement » d’aider le président dictateur local d’un pays jamais nommé, mais ami de la France, à conserver son siège face à une nébuleuse rebelle qui tente de s’organiser contre lui. Un mouvement derrière lequel se trouve la trouble (et troublante) Zéphyrine (Fatou N'Diaye). Briefé sur « la nouvelle manière de se comporter avec nos amis africains ( "de grands enfants si susceptibles") », OSS 117 ne tarde pas à se mettre au travail et rencontre, presque à son arrivée (triomphale), le président et ses doubles, tout en ne remarquant évidemment pas qu’il est filé dès sa descente d'avion. Bien sûr, ce charmeur invétéré de profiter aussitôt de ce que la vie trépidante d’un « espion » peut offrir de meilleur, ici, dès son arrivée, des charmes de la gérante de l’hôtel (Natacha Lindinger). Mais... rien à faire, la panne de matelas, ça n’arrive pas qu’aux autres, surtout quand on a déjà ?? ans (chut, ceci est un secret d'État) !

Obélix au Congo

Si les décennies n’ont absolument eu aucune incidence sur l’évolution de sa grille de lecture du monde (que du contraire !) bloquée quelque part dans les dernières heures de l’empire colonial français, définitivement, Hubert Bonisseur de La Bath conserve toujours une bonne part de ses « qualités exceptionnelles d’agent secret » qui lui ont permis de survivre : une baraka pas possible qui lui fait échapper aux pièges les plus inattendus, sournois et finement préparés de ses adversaires, et dont il n’a lui-même pas toujours conscience.

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Mais aussi de façon plus originale, avec une sorte de talent d’improvisation mimétique instantané (dans ce film), alors qu’un serpent ultra-venimeux a été déposé dans sa chambre la nuit, notre super-agent se métamorphose instantanément en joueur de flute – ou plutôt de silencieux – ! De même, Hubert tirera de son expérience de « geek des sous-sols » (voir plus haut), les enseignements qui vont lui permettre de retourner contre eux la "haute technologie française" volée par les rebelles ! Sans oublier qu’Hubert Bonisseur de La Bath est aussi un roi de l’évasion, qu’aucun lien ni nœud, aussi serré ou compliqué soit-il, ne retient bien longtemps. Et qui, couplé à l’effet de surprise qu'un agent surentrainé « qui aime se battre » (voir premier film) peut apporter, lui offre un autre avantage (décisif) sur ses adversaires quand il s’agit de se tirer des traquenards les plus vils !

À la différence de son « équivalent anglais », pur produit d’un moule sociétal britannique presque immuable, mais qui sait analyser et se fondre dans son époque, OSS 117 (pour rappel, le personnage originel est un très sinistre épigone de Bond, créé par le prolifique Jean Bruce dans les années 1950) est un cabotin hâbleur et bavard qui ne comprend jamais vraiment (c’est peu dire !) la nature des enjeux et encore moins l’étendue et la complexité des rouages des complots multiples et autres opérations secrètes où il fourre les pieds ! Même quand il revoit sur le terrain africain l’homme de main russe, « transformé » en machine à tuer après avoir été défiguré et mutilé dans une explosion provoquée par ses soins en Afghanistan, il faut à OSS 117 toute la sagacité et les explications de son jeune « subalterne » pour réaliser que les évènements sont étroitement liés.

A buddy spy movie !

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Et dans la désormais trilogie (provisoire) OSS 117, Alerte rouge en Afrique noire est le premier film de la série où son partenaire est un (jeune) homme, et de ce fait, un inévitable et redoutable rival. Car le bleu-bite de service – OSS 1001 – est à la fois l’incarnation de ce qu’il n’est plus tout à fait (un homme au top de ses capacités physiques), et l’exemple de ce qu’il n’a jamais été (un esprit vif et brillant mais capable d’empathie et de se fondre au besoin des missions dans tous les tissus sociologiques des théâtres d’opération successifs). À peine arrivé (et arrêté…), Hubert fait sauter la couverture patiemment mise en œuvre par son devancier sur la mission, et ne tarde pas à entrer dans une espèce de compétition très puérile « à qui pissera le plus loin », ou à qui est le plus mâle des agents au service de la France ! Et pas facile pour Hubert de voir un jeune blanc-bec, métrosexuel en diable (« habillé comme une fille », dixit Hubert) le remplacer avantageusement dans le lit de la patronne de l’hôtel ou à faire étalage de prouesses physiques sous le soleil africain sans même transpirer (incroyable et bédéesque course-poursuite entre les deux hommes en pleine savane !). L’admiration initiale d’OSS 1001 pour « le fameux » OSS 117, taillée en brèche par les forfanteries, tics (il tire au pistolet contre toute logique d’efficacité balistique) et erreurs, voire absences de jugement de ce dernier, ne tarde pas à se muer en exaspération, puis en colère et même en mépris… et en désir de vengeance !

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Politiquement frenchy incorrect

Réalisé par Nicolas Bedos, Alerte rouge en Afrique noire reprend, avec une jolie réussite (et sans les deux-trois légers coups de mou du précédent Rio ne répond plus, il y a déjà 13 ans de cela), les ingrédients qui ont fait le succès d’une désormais très attendue franchise cinématographique humoristique. Une manière (façon Astérix à nouveau) de se moquer gentiment des travers, débats et questions qui agitent l’époque actuelle par le prisme du décalage temporel et de l’autodérision « franchouillardesque » (une discipline à laquelle nos amis d’outre-Quiévrain s’adonnent tout de même avec une relative parcimonie).

La bien nommée « arrogance à la française », le racisme, le sexisme, l’homophobie, la colonisation et les amitiés politiques postcoloniales en prennent pour leur grade, par un Jean Dujardin, plus génialement incompétent et drolatique que jamais dans ses petits costumes proprets et bien trop serrés, qui plonge de bon cœur et à pieds joints dans tous les traquenards qu’on lui tend. Et là où Michel Hazanavicius – réalisateur des deux premiers films – restait gentiment allusif dans sa manière de s’emparer et jouer des clichés les plus éculés, Nicolas Bedos, dont c’est la troisième réalisation, sans jamais non plus verser dans la satire corrosive, amène une pointe d’acidité supplémentaire bienvenue. Et d’y injecter quelques pincées d’humour absurde du plus bel effet : l’affaire des doubles présidentiels et... on sait enfin en quelle langue causer, en cas de mauvaise rencontre avec les fauves de la savane, et avoir une petite chance d'en réchapper !

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Sans y toucher, et peut-être même « à l’insu de son plein gré » (Virenque, dans les Guignols), Bedos prête à notre champion giscardien quelques très impromptus et infiniment discrets accents et traits de quelqu’un qui serait plutôt « de gauche » et bisexuel (déjà suggéré dans le premier). Si d’entrée, OSS 117, de retour d’Afghanistan, salue le personnel féminin du bureau d’une petite tape sur les fesses et relit Tintin au Congo dans l’avion qui le mène vers sa mission ; puis, arrivé sur place, il applique à la lettre les recommandations de son chef, refuse qu’un groom indigène s’occupe de ses valises, et plus tard fait part de son incompréhension à voir une femme noire (Zéphyrine) diriger efficacement une rébellion, et la couvrant de compliments les plus éculés sur l’ardeur sexuelle des Africaines dans la chaleur de leur intimité…, Hubert Bonisseur de La Bath, à son retour en France, au lendemain de l’élection présidentielle de 1981, a peut-être enfin appris quelque(s) chose(s) de la société dans laquelle il évolue (on laisse la surprise) !

À vérifier au prochain numéro… vengeance oblige !

OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire : un film de Nicolas Bedos

France - 2021 – 1h56 – VO st. NL


Texte : Yannick Hustache

Photos : Athena Films


Agenda des projections :

Sortie en Belgique le 4 août 2021, distribution : Athena Films

En Belgique francophone, le film est programmé dans les salles suivantes :

Bruxelles, Le Stockel

Bruxelles, UGC Toison d'Or

Bruxelles , Kinepolis Bruxelles

Bruxelles , UGC De Brouckère

Rixensart, Ciné Centre

Jodoigne, Cinéma l'Étoile

Louvain-la-Neuve, Cinéscope Louvain-la-Neuve

Braine-l'Alleud, Kinepolis Imagibraine

Waterloo, Wellington

Mons, Imagix Mons

Tournai, Imagix Tournai

Charleroi, Pathé Charleroi

Huy, Kihuy

Liège, Kinepolis Liège

Liège, Sauvenière

Liège, Palace (Liège)

Verviers, Pathé Verviers

Stavelot, Versailles

Malmedy, Moviemills

Waremme, Les Variétés

Habay-la-Vieille, Le Foyer

Hotton, Plaza Hotton

Tamines, Cinéma Caméo (Tamines)

Namur, Cinéma Caméo

Namur (Jambes), Acinapolis

Gedinne, Ciné Gedinne

Nismes, Ciné Chaplin

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