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Îles (2) : Des naufragés

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Tout au long de l'été, chaque vendredi – jour de la semaine pas du tout choisi au hasard ; hommage à Daniel Defoe et tous les Robinson – PointCulture vous emmène en expédition littéraire, musicale et cinématographique sur les îles. Cette semaine, nous partons à la rencontre des naufragés qui se sont réfugiés sur une île. Les chutes de pluies torrentielles de ces derniers jours font malheureusement écho à notre médiagraphie...

Sommaire

Les plus belles histoires commencent toujours par des naufrages. — Jack London

Robinsonnades, histoires d’un naufragé sur une île déserte

Quand Daniel Defoe a publié son roman Robinson Crusoé en 1719, il n’imaginait pas qu’il créerait un nouveau genre littéraire nommé « robinsonnade ». L’histoire a marqué les esprits : un Anglais, Robinson Crusoé, fait naufrage sur une île déserte près de l’embouchure de l’Orénoque au Venezuela. Il y vivra pendant 28 ans et y fera la connaissance d’un « sauvage » qu’il nommera Vendredi. Au cours des siècles suivants, de nombreux auteurs s’inspirent de ce récit et écrivent leur propre version, de Johann David Wyss (Le Robinson suisse, 1812) à Jules Verne (L’Île mystérieuse, 1874-75), de William Golding (Sa Majesté des mouches, 1954) à Michel Tournier (Vendredi ou les Limbes du Pacifique, 1967). Le cinéma n’est pas en reste et le sujet a inspiré de nombreux films, en commençant par une réalisation de Georges Méliès en 1902, Les Aventures de Robinson Crusoé. Divers longs-métrages ont été tournés au fil du temps ; parmi ceux-ci on peut citer Mr Robinson Crusoe (1932) de A. Edward Sutherland, un des seuls rôles parlés de Douglas Fairbanks, Les Aventures de Robinson Crusoé (1954) de Luis Buñuel, Swiss family Robinson (1960) de Ken Annakin, Man Friday (1975) de Jack Gold, Robinson Crusoe (1996) de Rod Hardy et George Miller avec Pierce Brosnan, Robinson Crusoé (2003), un téléfilm de Thierry Chabert avec Pierre Richard, ou encore Robinson Crusoé (2016), un dessin animé de Vincent Kesteloot et Ben Stassen. (ASDS)

Méliès, 1902

Cast Away - Robert Zemeckis - 2000

La vie de Chuck Noland est trépidante. Chargé de régler les problèmes liés à la productivité dans les équipes FedEx du monde entier, cet employé modèle saute d’un avion à un autre pour galvaniser les troupes. Entre sa vie professionnelle et sa vie de couple, pas le temps de souffler. Difficile même de trouver une date pour son mariage avec la jolie Kelly Frears (Helen Hunt). Et lorsque sa compagnie lui enjoint de se rendre en Malaisie en plein réveillon de Noël, nulle hésitation. Hélas, au cours du voyage, l’avion croise une terrible tempête et s’abîme en mer. Réfugié dans un canot de sauvetage, Chuck dérive jusqu’à une île déserte, où s’étend une longue plage de sable fin bordée de palmiers, en bordure d’une forêt et au pied d’une montagne volcanique.

Commence alors la robinsonnade proprement dite. Toute cette partie du film se déroule sans la moindre musique, renforçant ainsi le sentiment de solitude. Chuck Noland va devoir apprendre à trouver de l’eau, à pêcher, à se soigner, à se chausser, à s’abriter, à faire du feu, à espérer, à se résigner… et surtout, à vivre seul. Son seul compagnon sera le ballon Wilson sur lequel il aura peint un visage afin de le rendre plus humain. Cette relative présence lui permettra d’échapper à la folie de la solitude totale dans laquelle il devra vivre quatre ans. Durant cette période, ses tentatives d’échapper à l’île ont été vaines. Mais lorsqu’un panneau rigide s’échoue sur la plage, il confectionne un radeau muni d’une voile et parvient à sortir de la barrière de corail qui encercle l’île. Il sera récupéré après plusieurs jours d’errance en pleine mer. De retour dans le monde des hommes, Chuck Noland ne sera cependant plus tout-à-fait le même, ayant appris de cette aventure une autre philosophie de la vie.

Le tournage s’est déroulé sur l’île volcanique Monuriki, située dans l’océan Pacifique et appartenant à la république des Fidji. (NR)

L’Île mystérieuse - Jules Verne - 1874-1875 (Hetzel)

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Fuyant les prisons sudistes, un groupe hétéroclite s’échappe en ballon durant le siège de Richmond, à la fin de la guerre de Sécession. Il sera malheureusement pris dans un ouragan qui les fera échouer sur une île déserte, que les naufragés nommeront Lincoln. Composé de cinq personnes, l'ingénieur Cyrus Smith, son domestique Nab, le journaliste Gédéon Spilett, le marin Pencroff et l'adolescent Harbert, le groupe va survivre en faisant autant appel à leur ingéniosité et leurs connaissances scientifiques qu’à leur bravoure et leur courage. Mais l’île n’est pas aussi déserte qu’elle ne semble et une présence mystérieuse vient troubler leur petite colonie. Ils feront alors la connaissance du capitaine Némo, personnage créé par Jules Verne six ans plus tôt dans Vingt Mille Lieues sous les mers.

La première partie du livre, consciemment inspirée de Robinson Crusoé de Daniel Defoe, est un véritable manuel du naufragé, célébrant la débrouillardise et le bricolage inspiré. Très didactique, il met en pratique les connaissances en botanique, en chimie et en physique des personnages affrontant la nature hostile et les éléments. La seconde partie les confronte à un autre naufragé, qu’ils découvrent sur une île voisine. La troisième voit le roman changer de ton et abandonner la robinsonnade classique pour plonger dans l’univers de science-fiction pour lequel Jules Verne est plus connu.

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L'Île mystérieuse - Champreux et Bardem 1973

Le roman a été de nombreuses fois adapté à l’écran. Une première version en 1925, tournée par le cinéaste américain Lucien Hubbard, prenait de très nombreuses libertés avec l’histoire. Une adaptation télévisée de 1973, réalisée par Jacques Champreux et Juan Antonio Bardem sous forme de coproduction italo-hispano-française (six épisodes, plus tard résumés maladroitement dans un film d’1h40), sera un peu plus fidèle au livre et optera pour une flamboyante esthétique steampunk pour la technologie avancée du capitaine Némo (joué par Omar Sharif), en parallèle avec l’exotisme luxuriant du campement des naufragés. (BD)

Sa Majesté des mouches - Peter Brook - 1963

Adapté du roman éponyme de William Golding (Lord of the Flies), le film de Peter Brook met en scène une bande de gamins livrés à eux-mêmes sur une île déserte, quelque part dans le Pacifique. Tous ces jeunes garçons, âgés de 6 à 12 ans et issus de la haute société anglaise, ne sont « techniquement » pas des naufragés mais les seuls survivants d’un crash d’avion.

Sans adultes, le groupe tente de s’organiser selon leurs représentations des schémas sociaux. Les premières tensions apparaissent : Jack, le plus âgé d’entre eux, le plus grand – et le plus sûr de lui – se propose comme chef, mais c’est Ralph qui emporte la majorité des votes. Une blessure d’amour-propre qui ne sera jamais acceptée.

Bien que l’obéissance à des règles simples proposées par Ralph, qui se veut rassembleur et égalitaire, soit la seule force qui leur permettrait de surmonter cette épreuve, Jack opte pour une attitude plus agressive et s’autoproclame chef du groupe des chasseurs (il est le seul à posséder un canif). Comme tout despote, il entretient la crainte, crée des tensions et détourne ceux qui hésitent encore à le suivre des vrais enjeux collectifs, préférant les plaisirs immédiats, la chasse et les festins (des porcs sauvages).

La majeure partie du groupe, séduite par ce chef charismatique, rejoint sa « tribu ». Les visages et les corps couverts de peintures, les garçons plongent progressivement dans la barbarie.

La vision pessimiste qui s’exprime dans le roman de William Golding – l’idée selon laquelle la nature profonde de l’homme peut facilement le faire sombrer dans la sauvagerie pure – est parfaitement adaptée à l’écran par Peter Brook, jusqu’au noir et blanc, voulu à la fois pour une question de budget, et pour balayer toute référence à un pseudo-lyrisme de gamins dans une nature sauvage et paradisiaque. À travers l’histoire d’enfants ordinaires et reconnaissables, vivant une situation peu commune mais plausible, on peut y voir le mythe de la création du genre humain – bien qu’il n’y ait que des garçons, les auteurs les voient comme des représentants de l’humanité – et une référence, bien que cruelle, à un grand mythe anglais qu’est Robinson Crusoé. (MR)

Au bord de la mer bleue - Boris Barnet - 1936

Au sud de la Caspienne, en Azerbaïdjan soviétique… Il était une île. — carton de la séquence d'ouverture

Par un montage crescendo de plans de mer (aux vagues de plus en plus sauvages), de mouettes, du soleil et de nuages, puis de deux marins agrippés à deux « bouts de bois » (une grosse planche de leur bateau sinistré et un petit târ, luth en forme de double cœur) au milieu de la tempête, Boris Barnet ouvre par une séquence à la fois simple, sensible et lyrique son second film sonore. La musique se pose, la mer se calme, les deux marins sont secourus… Typique de l’inclination de Barnet d’imbriquer des éléments de comédie et de burlesque dans les séquences a priori dramatiques, un des marins proteste contre les chatouilles que lui fait le pêcheur qui le saisit sous les aisselles pour le sauver et le hisser dans son bateau !

Aliocha, on a fait onze fois naufrage ensemble, on a essuyé des tempêtes, jamais eu peur… Mais dire ‘Tu me plais’ à une femme, alors là, j’ai peur. — Youssouf

À terre, sur l’île – une sorte de communauté matriarcale utopique, un kolkhoze où les femmes ont pris la place des jeunes hommes partis à l’armée – Aliocha le blond et Youssouf le brun tombent amoureux d’une même femme, Macha (interprétée par Elena Kouzmina, actrice d’autres films de Barnet mais aussi de La Nouvelle Babylone de Kozintsev et Trauberg), amoureuse quant à elle d’un troisième homme, un de ces jeunes marins partis au loin. Au-delà de cette intrigue simple – et peu propagandiste ! – l’ancien boxeur et acteur devenu cinéaste réussit à tourner une œuvre, légère mais aussi profonde, touchant aux fondements de la relation des hommes à la nature et des hommes et des femmes entre eux. Pour le spécialiste du cinéma soviétique Bernard Eisenschitz, le film correspond « à ce que pourrait être ou représenter Barnet, ce que pouvait être son envie de montrer, d'être dans cette sorte de bonheur où la nature n'est pas dévoreuse mais généreuse, une nature riche, où les morts reviennent, où les hommes, les corps peuvent s'épanouir. » [PD]

Il faut vraiment avoir un cœur de pierre pour bouder les films de Barnet — Jean-Luc Godard

L'Île de béton - J. G. Ballard - 1974 (Calman-Lévy)

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Quelque part en périphérie de Londres, une voiture fait une embardée et quitte l’autoroute pour s’écraser en contrebas. Le conducteur, Robert Maitland, est légèrement blessé mais vivant. Il escalade le remblai mais ne parvient pas à attirer l’attention des automobilistes pour demander de l’aide. Personne ne s’arrête et il risque sa vie à rester là. Il comprend rapidement qu’il lui faut se résoudre à redescendre, et à se réfugier dans le no man’s land entre les voies et les bretelles où il est naufragé, Robinson sur une île de béton. Il va devoir lutter pour survivre, avec pour seules armes le contenu de ses poches, et pour seul horizon les égouts et les bas-côtés de la mégalopole.

Relecture hallucinée du mythe de Robinson, plongeant un homme moderne dans la régression vers la sauvagerie. Entre résignation et combat pour la subsistance, Maitland oubliera rapidement son but premier, s’échapper, pour s’adapter à son nouveau territoire, y grappillant sa nourriture dans les poubelles, les carcasses de ferrailles, les déchets de la civilisation. Parabole acerbe d’un monde capitaliste illusoire et fragile, qui peut sombrer à tout instant dans la barbarie, le livre est à la fois l’histoire d’une chute et celle d’une possible renaissance. (BD)

L'Odyssée de Pi - Ang Lee - 2012

Adapté du roman fantastique de l’écrivain Yann Martel, L’Odyssée de Pi relate l’invraisemblable tandem que constituent Piscine Molitor Patel, fils d’un propriétaire de zoo de la ville indienne de Pondichéry, et un tigre du Bengale dénommé Richard Parker.

C’est lors de leur migration vers le Canada, par voie de mer, que la famille Patel fait naufrage avec toute leur ménagerie. À la dérive dans un canot de sauvetage, l’adolescent doit à la fois sa survie et ses tribulations à un Richard Parker pour le moins effarouché : après l’avoir protégé d’une hyène tapie dans leur embarcation de fortune, c’est le garçon qui hérite bientôt du statut de proie. En ce sens, le propos du film réalisé par Ang Lee s’axe donc sur la relation qui lie l’être humain et une nature sauvage réputée indomptable.

Au-delà de la cohabitation complexe qui rythme les nuits et les jours de cette paire dépareillée, c’est cette lutte perpétuelle avec les éléments qui tient en haleine le spectateur jusqu’à l’entrée en scène de l’île mystérieuse, celle à laquelle fait directement référence Ang Lee en montrant le jeune Piscine Molitor Patel, bien des années plus tôt, absorbé par la lecture du célèbre ouvrage de Jules Verne. Un monde à part qui signe la croisée des chemins pour Pi et ce fauve que l’adolescent pensait son ami… (SD)

Lost - J. J. Abrams, Damon Lindelof et Jeffrey Lieber - 2004-2010

Le vol 815, reliant Sydney à Los Angeles, explose en plein vol. Les débris atterrissent sur une île isolée du sud de l’océan Pacifique, une île non cartographiée, et il y a septante survivants (et un chien). Ces naufragés du ciel découvrent peu à peu le monde qui les entoure. Au cours des 121 épisodes que compte cette série américaine, le mystère s’épaissit lorsque les protagonistes remarquent un certain nombre de choses très bizarres sur l’île : une activité magnétique intense, des ours polaires rôdant dans la jungle tropicale, un nuage de fumée agissant comme un monstre, d’étranges et malveillants habitants indigènes surnommés les « Autres », des bâtiments abandonnés appartenant au projet Dharma qui avait effectué des expériences scientifiques dans les années 1970 et 1980… Les temporalités sont multiples et entraînent un certain trouble, et il y a un duel constant entre science et religion. Cette série, rassemblant des éléments de romans et de films, de Sa Majesté des mouches à Seul au monde (Cast Away), ainsi que de l’émission de téléréalité Survivor, a captivé les esprits des téléspectateurs six ans durant, créant une mythologie très discutée parmi les fans. (ASDS)

(La série complète est présente à PointCulture, sous les références VL5961 à VL5977, VL5985 à VL5987 et VL1028 et VL1029).

To Kyma – Sauvetage en mer Égée - David Fontseca et Arantza Diez - 2017

Derrière l’expression « crise migratoire » se cache une cruelle réalité, bien tangible. Les journaux, les médias parlent du mouvement migratoire le plus important depuis la Seconde Guerre mondiale. Du côté officiel, on théorise, on fait couler beaucoup d’encre mais il n’y a pas – beaucoup – d’émotion dans les textes. On parle de flux, on donne des chiffres de façon très globale et anonyme. Ce film militant, tourné au cœur de l’action, montre que derrière certaines abstractions, il y a une réalité bien tangible, avec de vraies personnes en détresse et d’autres qui les secourent comme elles le peuvent.

Proactiva Open Arms est une petite ONG fondée par des secouristes catalans qui se sont installés sur l'île grecque de Lesbos pour sauver des vies de la noyade en mer Égée. Du fait de sa position géographique, l’île (située à moins de 15 kilomètres des côtes turques) se trouve en première ligne pour l’accueil des réfugiés. Les activistes de cette ONG, toutes et tous des bénévoles, travaillent jour et nuit – et par tous les temps – pour aider les réfugiés qui traversent la mer, et veillent à ce qu’ils arrivent sains et saufs sur l’île. Toutes ces personnes désespérées qui tentent leur chance pour l’Europe prennent des risques qu’ils ne pouvaient pas imaginer lorsqu’elles ont quitté leur pays : elles sont mal équipées, mal protégées, voyagent en surnombre sur des embarcations vétustes, portent des faux gilets de sauvetage (inefficaces en cas de naufrage et qu’on leur a vendu comme des vrais), etc.

Le film suit les combats quotidiens de cette petite ONG et de quelques autres bénévoles et montre les différentes épreuves qui attendent les réfugiés sur l’île – les conditions « d’accueil » inimaginables –, une fois leur traversée réussie.

Note : To Kyma est une auberge, devenue le centre des journalistes et des bénévoles, qui y ont formé une petite famille. (MR)

Une médiagraphie de l'équipe rédactionnelle de PointCulture : Anne-Sophie De Sutter, Philippe Delvosalle, Simon Delwart, Benoit Deuxant, Marc Roesems et Nathalie Ronvaux.


Un feuilleton estival en 8 épisodes

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