Compte Search Menu

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies permettant d’améliorer le contenu de notre site, la réalisation de statistiques de visites, le choix de vos préférences et/ou la gestion de votre compte utilisateur. En savoir plus

Accepter
Focus

Interview de Zoe Boekbinder (1) : Les femmes et les personnes non-binaires dans l'industrie musicale

Zoe Boekbinder soleil guitare
Sa voix chaleureuse semble filtrer d’un vinyle sans âge. Son jeu de guitare vogue sans faiblesse, soigneusement égrené façon 'fingerpicking'. Tandis que ses mélodies inoubliables parlent au cœur de ses auditeurs, Zoe Boekbinder transmet des histoires souvent engagées pour la justice et le respect des droits humains.

Une interview en 3 chapitres :

  1. Les femmes et les personnes non-binaires dans l'industrie musicale
  2. Prison Music Project
  3. Racisme et politique


- PointCulture : Bonjour Zoe, d’où viens-tu ? Où habites-tu actuellement ? Par quels pronoms t’identifies-tu ? Comment décris-tu ta musique ?

- Zoe Boekbinder : Je viens d’Ontario au Canada. J’ai grandi en Californie du Nord et j’habite à la Nouvelle Orléans en Louisiane. Mes pronoms sont they/them/their*. Je suis chanteur·euse folk. J’écris des chansons qui racontent des histoires et très souvent elles traitent des problèmes sociaux et politiques.

*une des traductions possibles en français : iel, iels

- Tu t’identifies par les pronoms neutres they/them (une des traductions possibles en français : iel, iels). Peux-tu nous parler des difficultés que les gens, même bien intentionnés, peuvent avoir pour utiliser ces pronoms quand ils parlent de toi ?

- Beaucoup de gens sont irrités lorsqu’ils doivent se servir de mes pronoms. J’entends des gens être maladroits et essayer d’éviter entièrement l’emploi des pronoms. C’est marrant parce qu’en anglais on utilise « they » comme pronom singulier dans beaucoup de contextes. Je me souviens avoir eu des difficultés quand j’ai appris leur existence. Parfois j'utilise encore des mauvais pronoms pour une personne… alors que je sais ce que c’est quand on m’attribue un genre erroné. Je comprends que c’est difficile. Je ne me sens pas offensé·e tant que les gens font de leur mieux. Je crois que ça doit être beaucoup plus compliqué en français où tous les adjectifs doivent être accordés.

Zoe Boekbinder - they them hat

En quarantaine avec quelqu’un·e qui oublie ton pronom ?

- Penses-tu qu’il y a un déséquilibre en termes de genres dans l’industrie de la musique ?

- Absolument oui ! J’ai vu ça dès le début. Mes capacités sont constamment mises en doute et en question parce que je ne suis pas un homme. Il y a beaucoup moins de femmes qui travaillent dans l’industrie musicale, surtout comme auteures-compositrices, productrices, manageuses, ou techniciennes d’enregistrement. Ça commence tout doucement à changer et ça me donne vraiment de l’espoir. Les interprètes féminines ont des carrières plus courtes parce que l’apparence physique est un facteur bien plus important. C’est quelque chose qui m’a toujours énervé·e parce que mon apparence n’a jamais été celle qu’on attendait de moi – je ne suis certainement pas assez féminin·e – et maintenant j’ai 36 ans, ce qui est jeune pour un homme !

- Y a-t-il des obstacles supplémentaires pour les femmes ou les personnes LGBTQ en comparaison avec les collègues cis-masculins ? Si oui, que fais-tu pour surmonter ces obstacles ?

- Je ne suis pas sûr·e de les surmonter. Je ne sais même pas s’il y a un moyen de le faire.

- Que conseilles-tu aux femmes et les personnes LGBTQ pour s’établir dans cette industrie musicale patriarcale ?

- Lutter farouchement

- Dans ta newsletter de décembre tu annonces que tu es en train de travailler sur un nouvel album fait exclusivement par des femmes et des personnes non-binaires. Si ce n’est pas un secret, peux-tu nous en parler un peu plus ?

- Oui ! Je pense que le titre sera Matrilineal, mais ça peut encore changer. En 2019 j’ai été invité·e à l’Université de Lausanne en Suisse pour parler de l’inégalité dans l’industrie de la musique. Avant cette conférence j’ai fait une recherche pour disposer de chiffres pour soutenir ce dont j’ai témoigné pendant toute ma carrière. J’étais véritablement choqué·e par les statistiques. Elles étaient encore pires que ce que je croyais. Pour ma part, j’ai toujours beaucoup travaillé avec des femmes. Mais j’ai surtout travaillé avec des hommes car il y en a plus. Ils sont plus faciles à trouver. Je voudrais créer de l’espace pour les femmes et les personnes non-binaires dans cette industrie et la meilleure façon d’agir est de les payer pour faire un travail ! Une fois que j’ai commencé à chercher, j’en ai trouvé plein avec qui j’avais envie de bosser. C’est très passionnant de voir la communauté musicale à travers ce prisme.

Bandcamp de Zoe Boekbinder

- En quoi le processus de création est-il différent de ton dernier album Shadow (2018) ?

Zoe Boekbinder : "Shadow"

- Shadow était principalement enregistré et produit par moi-même. Je n’avais jamais produit mes propres chansons avant, du coup ça m’a fait peur. Je me suis planqué·e dans le studio de mon ami pendant un mois. En même temps j’étais en train de rénover ma maison que je venais d’acheter et aussi je préparais une tournée en Europe. Je crois que j’ai vieilli de dix ans cet été-là.

Ce prochain album ne sera pas fait dans une telle précipitation. Je travaille lentement maintenant. À cause de la pandémie, mes chansons ont fait des allers-retours entre chez moi, la productrice et des ami·e·s musicien·ne·s. C’est sympa de prendre son temps. Dans un second temps j’irai au studio, mais pour le moment j’explore les possibilités de chaque chanson. Cette fois-ci le processus de création est paradoxalement à la fois plus solitaire mais aussi beaucoup plus collaboratif.

Patronage

Si Zoe Boekbinder est capable de se focaliser sur son activisme musical indépendant, c’est notamment grâce à ses patron·ne·s.

- C’est quoi le patronage ?

- Le patronage est un moyen d’amplifier la voix d’artistes qui transmettent des messages auxquels vous adhérez. L’industrie musicale est en grande partie gérée par des hommes riches, hétéros et blancs. Pour qu’un·e artiste puisse passer un message de manière indépendante, iel a besoin du soutien de son audience. Un moyen très simple de soutenir Zoe Boekbinder est de souscrire un abonnement mensuel. Un geste simple et récompensé par de chouettes cadeaux !

Devenez patron·ne et soutenez Zoe Boekbinder à partir de 1€ par mois

Zoe Boekbinder live au PointCulture Liège


Interview (par e-mail) : Roxana Černický et Pierre-Charles Offergeld

Classé dans

En lien