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Focus

Manu Luksch: artiste au milieu des caméras de surveillance

Manu Luksch - portrait - photo Andreas Simopoulos (creative commons)

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publié le par Alicia Hernandez-Dispaux

L'artiste, chercheuse et vidéaste londonienne, Manu Luksch interroge la notion de progrès en technologie ainsi que celle du contrôle dans l'espace public, du temps, de l'autonomie et de l'identité dans un monde toujours plus connecté.

Espace urbain et vidéosurveillance


Un citoyen lambda qui se balade dans les rues de Londres est filmé environ trois-cent fois par jour. Depuis les années 1990, la ville s’est dotée d’un système de vidéosurveillance ayant la plus forte densité de caméras au monde. Les chiffres restent approximatifs allant de 65.000 à 500.000 caméras placées uniquement dans la capitale. Si cette mesure est avant tout sécuritaire (elle a pour objectif de dissuader la criminalité et la délinquance), il n’y a qu’un pas à franchir pour aboutir au contrôle social et aux questions d’ordre éthique qu’il soulève, qui plus est, dans un contexte actuel fragilisé par les actes terroristes et la paranoïa de l’autre.

Les CCTV (closed circuit television, appellation pour la vidéosurveillance dans le monde anglo-saxon) sont partout mais il est frappant de constater que nous nous y sommes accommodés, à tel point que nous ne remarquons plus la présence des caméras dans l’espace public. Bien qu’elle soit méconnue, il existe en Angleterre une législation qui garantit aux individus un accès à leurs traces numériques afin de favoriser la protection de la vie privée. Grâce à cette loi, selon laquelle toute société de surveillance a pour obligation de fournir les images sur lesquelles le demandeur apparait (contre une rétribution de dix livres et après demande écrite), Manu Luksch a pu mener à bien son projet Faceless.

Faceless ou sans visage : ni identité humaine ni identité urbaine

Manu Luksch a étudié à l’Académie des Beaux-Arts de Vienne et à l'Université Chulalongkorn de Bangkok. Sa démarche artistique questionne l’impact des nouvelles technologies sur notre mode de vie. Comment modifient-elles notre rapport à l’autre ? Comment s’immiscent-elles dans notre rapport à l'espace urbain et aux structures politiques qui régulent notre société ? C’est subtilement que Manu Luksch joue ainsi avec « les limites de l'autorisation et de l'injonction, les seuils et contraintes de l'espace public et les traces des données qui s'accumulent en réseau numérique. »

This is the story of a woman haunted by an echo of a memory, a  dislocated dream in which the past telescopes into in the future. — -

Ainsi débute Faceless, réalisé entièrement à partir d’enregistrements de caméras de contrôle repérées dans la ville. Ce moyen métrage de science-fiction est narré par l’actrice londonienne Tilda Swinton. La femme dont elle nous raconte l’histoire est l’artiste elle-même. Manu Luksch apparaît vêtue de blanc parmi la multitude dont l’anonymat est préservé à l’aide de pastilles apposées sur chaque visage. Par l’observation de ce flux continu de personnes devenues une masse informe, la vidéaste nous place dans la peau du voyeur, ce qui ne fait que renforcer le sentiment de contrôle et la vraie nature de la surveillance. Par cette dernière, le processus de déshumanisation est enclenché puisqu’elle stoppe tout dialogue.

Quel est donc ce souvenir par lequel l’héroïne du film se dit hantée ? Serait-ce le désir de nouer un lien avec les autres ? A l’écran pourtant, pas de visage et encore moins de vécu puisque la fragmentation du temps a annihilé toute notion linéaire (la date et l’heure des visuels de caméra de surveillance affichent des sauts dans le temps), tuant sur son passage la notion d’histoire (et la continuité narrative) et la notion d’identité. En d’autres termes, « la vidéosurveillance est présentée comme un double de la réalité sans identité ». La ville, elle aussi, trouble par sa neutralité. Dépourvue de tout signe distinctif, ses couloirs, ses parkings finissent par nous inquiéter.  

L’œuvre Faceless porte en elle des éléments clés du travail de Manu Luksch. Parmi ceux-ci, le flou des limites entre le récit linéaire et le récit hypertextuel ainsi que l’association entre des éléments post-produits et d’autres auto-générés. Dans cette perspective, le film est une sorte de ready-made où les images de vidéosurveillance sont élevées au statut d’œuvre d’art par le film de fiction. Plus encore, il s’agit probablement pour Manu Luksch de se réapproprier, par le biais de la création artistique, l’espace urbain et son image.


exposition Hybrid Landcsapes - Digital Catapult Centre - afficheHybrid Landscapes (3 avril 2017 – 31 mars 2018)

Actuellement en cours au Digital Catapult Centre,  présente les œuvres de onze artistes utilisant des techniques diverses. Leur point commun ? L’utilisation et la subversion des technologies numériques afin de poser sur elles un regard critique et de s’interroger sur leur implication sociale et culturelle, tout en offrant des points de vue complémentaires et alternatifs.

Manu Luksch y présente son installation vidéo « Code / City 2017 », qui a pour sujet le développement urbain en regard du lien entre Big Data et villes intelligentes.

 

Alicia Hernandez-Dispaux

- photo du bandeau: Andreas Simopoulos
(creative commons - courtesy of Onassis Cultural Centre-Athens)


exposition collective
Hybrid Landscapes

Digital Catapult (London office)
101 Euston Road
London
NW1 2RA

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