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Focus

Arts, culture et confinement (3) : Benoît Vanden Bemden (musicien, Les Muffatti)

Benoît Vanden Bemden

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publié le par Anne-Sophie De Sutter

En cette période de confinement, comment vivent les artistes ? Quelques questions à Benoît Vanden Bemden, musicien classique jouant de la contrebasse ancienne et du violone dans divers ensembles (Les Muffatti, Masques, Ricercar Consort).

- Anne-Sophie De Sutter (PointCulture): Vous avez dû annuler ou postposer des concerts. Pouvez-vous nous dire concrètement en quoi la pandémie de coronavirus a touché vos activités et vos projets artistiques et culturels ?

Benoît Vanden Bemden (musicien): Oui, entre le 18 mars et fin avril, tout est annulé.

Avec mon orchestre les Muffatti, nous aurions dû être occupés cette semaine à enregistrer notre prochain disque. A la fin du mois de mars, nous avions un concert à Bozar et fin avril, une tournée de trois concerts en Bolivie également annulés.

D’autre part, je joue avec l’ensemble Masques pour lequel j’ai eu quatre concerts annulés et Ricercar Consort avec lequel j’avais aussi quatre concerts.

Au total, j’ai donc 12 concerts et un enregistrement annulés en un mois et demi (presque trente jours de travail).

D’autre part, je suis aussi enseignant à l’académie de musique de Woluwe-Saint-Lambert, où j’ai la chance de transmettre ma passion dans ma spécialité, la contrebasse ancienne (baroque, classique) et le violone (une sorte de grande viole de gambe).

- Quand aviez-vous commencé à travailler sur les événements qui devaient avoir lieu dans les derniers jours et/ou les semaines à venir ? Espérez-vous les postposer, les remettre à plus tard (quand ?) ou devez-vous malheureusement en partie les annuler complètement ?

Ça dépend vraiment du projet, pour certains concerts, je n’avais pas encore commencé à regarder les partitions, mais pour d’autres, le travail était commencé, et particulièrement pour l’enregistrement des Muffatti, ce sont des mois de travail en amont.

Certaines dates seront perdues à jamais, mais d’autres pourront probablement être reportées. Avec Les Muffatti et Bozar, on est en contact régulier pour essayer de reprogrammer notre concert, peut-être même encore avant l’été. L’enregistrement est reporté et nous cherchons une période de répétitions et enregistrement qui convient aux musiciens essentiels et on espère que cela conviendra à la plus grande majorité d’entre eux. On espère reprogrammer la tournée en Bolivie, mais ce ne sera probablement pas cette année.

Pour les concerts avec Masques et Ricercar, certains vont être reprogrammés, encore faudra-t-il que je sois disponible aux dates qui seront proposées.

- Tout cela a un coût très certainement, implique des conséquences financières néfastes ? A quel point celles-ci sont-elles préoccupantes pour vous ? Pensez-vous pouvoir vous en sortir sur vos propres moyens ou la situation risque-t-elle de nécessiter une aide extérieure extraordinaire ? (si oui, à quel type d’aide pensez-vous) ?

Les pertes sont énormes, dans la musique, un projet annulé est un projet non payé !

J’ai calculé que de mi-mars à fin avril, c’est presque 6000€ brut que je ne vais pas toucher. C’était une période très chargée avec plusieurs contrats qui payaient plutôt bien. Par comparaison, janvier-février ont été plutôt calmes, je n’avais que quatre concerts et un enregistrement, soit trois fois moins !

La bonne nouvelle, c’est que je vais continuer à toucher mon salaire de professeur d’académie, mais ce n’est pas gras puisque je ne donne que 3/24, je vous laisse calculer le salaire.

Et pour les pertes, j’ai bien peur que le seul revenu de remplacement sera mon très maigre « statut d’artiste » à l’ONEM (que je n’ai d’ailleurs plus touché depuis des années puisque je travaille chaque mois), et non pas le chômage économique Corona auquel les travailleurs « normaux » devraient avoir droit. Donc au lieu de 4200€ (70% du salaire brut), je ne toucherai qu’environ 800€ pour cette période. Je ne vais pas mourir de faim, mais il ne faudrait pas que cette période se prolonge trop. Ce serait super si nos ministres pouvaient se pencher sur notre cas particulier (mais qui est celui de beaucoup de free-lances qui ne sont pas indépendants mais salariés au projet).

- D’autres franges de la population (sans domicile fixe, personnes âgées, personnes seules, etc.) vivent la crise actuelle de manière encore plus aiguë. Avez-vous pris vous-même ou avez-vous entendu parler d’initiatives du milieu artistique ou culturel pour venir en aide à ces groupes fragiles de la société ?

C’est évident que je ne suis pas le plus à plaindre, j’ai encore un maigre revenu et je ne vis pas seul. Mais il ne faudrait pas que la situation se prolonge au-delà de ce printemps.

Très honnêtement, jusqu’à présent, mon premier souci a été de faire en sorte que mes projets tiennent le cap. Et les emplois qui y sont liés : pour les Muffatti, nous avions un total de 229 jours de travail pour 32 musiciens, et la plupart n’auront pas droit au moindre revenu de remplacement. C’est ce public fragilisé vers lequel s’est portée toute mon attention jusqu’à présent, faire en sorte que, dès la sortie de crise, ils puissent à nouveau vivre de leur travail de musicien.

- Au-delà de ses côtés handicapants ou inquiétants, pensez-vous que cette période de confinement forcé peut aussi déboucher dans votre cas sur des éléments positifs, par ex. dégager du temps pour prendre du recul, pour régler des chantiers en attente depuis très longtemps… ? (ou autres) ?

C’est évident que c’est une période inédite, je n’ai jamais eu autant de temps devant moi. D’un côté, c’est vertigineux parce que je ne sais pas par quoi commencer et la procrastination me guette, mais c’est aussi super motivant. Ce n’est que lorsqu’on sortira du confinement que je pourrai faire le point.

- Comment avez-vous occupé ces premiers jours de vie confinée, qu’avez-vous écouté, regardé, lu ? Êtes-vous jusqu’ici très dépendant d’Internet, des contenus en ligne ou arrivez-vous aussi à « décrocher », à écouter des disques, lire un livre, jouer d’un instrument… (ou autre) ?

Les journées passent heureusement très vite. Tout d’abord, avec mes collègues des Muffatti, nous avons énormément de choses à gérer pour postposer les projets annulés et en profiter pour faire tout ce qu’on n’a pas le temps habituellement : mettre de l’ordre dans les archives, poster de nouvelles vidéos, améliorer notre site internet, … Bref, faire le grand ménage de printemps !

D’autre part, j’ai la chance d’avoir un jardin, il sera en parfait état cette année.

Ensuite, je me suis lancé dans le tricot et j’étudie tous les jours l’espagnol !

Enfin, j’ai enfin du temps pour me retrouver face à mes instruments, faire du travail de fond, mais aussi, et c’est une première, j’ai commencé à enregistrer une vidéo.


Les Muffatti, Ensemble Masques, Ricercar Consort


Crédit de la photo de bannière: Yves Dethier

Propos recueillis par Anne-Sophie De Sutter, via mail