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Focus

Arts, culture et confinement (7) : Jean-Marie Marchal (CAV&MA, Chœur de chambre de Namur)

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Jean-Marie Marchal est le directeur du Centre d’art vocal et de musique ancienne, le CAV&MA. Il est aussi membre du Chœur de chambre de Namur. Nous lui avons posé quelques questions sur la manière dont la pandémie actuelle a touché son quotidien d'homme et d'artiste mais aussi celui des institutions musicales dont il s'occupe.

- Pointculture : À cause des mesures de confinement et de distanciation, il vous a fallu annuler ou postposer des concerts. Pouvez-vous nous dire concrètement en quoi la pandémie de coronavirus a touché les activités et projets de CAV&MA ?

- Jean-Marie Marchal : Pour résumer la situation, actuellement six concerts ont été annulés, en Belgique, en France et en Suisse, quatre autres, programmés en mai, sont clairement menacés, les festivals d’été se posent chaque jour plus de questions (une dizaine de concerts sont concernés), et il y a même de possibles annulations envisagées pour la saison suivante (certains organisateurs, faute de recettes sur la fin de la saison 2019-2020 se disent en manque de moyens pour réaliser pleinement les projets envisagés en 2020-2021).

Au final, je crains donc être assez lourdement impacté, dès à présent mais aussi à plus longue échéance. Si les festivals d’été renoncent, le total des annulations en 2020 correspondra à 40% d’une année normale.


- Depuis combien de temps travailliez-vous sur les événements qui ont dû être annulés ? Espérez-vous les postposer ou devez-vous malheureusement en partie les annuler complètement ? Qu’en est-il, à l’heure actuelle du maintien du Festival musical de Namur ?

- Un cas n’est pas l’autre, certains projets étant négociés plus d’un an à l’avance alors que certaines reprises de programmes dans le cadre de festivals peuvent encore se conclure quatre à six mois avant la date du concert.

Je crains que la plupart de ces annulations soient définitives. Dans l’un ou l’autre cas, on nous parle de « volonté de reprise ultérieure » mais sans rien de concret jusqu’ici. — Jean-Marie Marchal

Quant au maintien du Festival musical de Namur 2020, nous sommes actuellement en phase de préparation, certes perturbée mais tout de même effective. Une décision sera éventuellement prise en mai, en fonction de l’évolution de la situation en général. Tout le monde est en attente, comme en témoigne le fait que nous ne vendons plus de places depuis la mi-mars.

- Tout cela a un coût très certainement, implique des conséquences financières néfastes ? A quel point celles-ci sont-elles préoccupantes pour CAV&MA ? Pensez-vous que l’organisme pourra survivre financièrement par ses propres moyens ou la situation risque-t-elle de nécessiter une aide extérieure extraordinaire ? Et dans ce cas, à quel type d’aide pensez-vous ?

- Oui, les conséquences sont évidemment néfastes, et le secteur dans son ensemble devra être soutenu pour éviter la bascule. Mais j’ai tendance à m’inquiéter davantage encore pour les artistes, et tout particulièrement les jeunes qui n’ont pas encore accès au statut d’artiste. Dans le monde des musiciens free-lance, c’est une véritable catastrophe. Via la Feas [NDLR: Fédération des employeurs des arts de la scène], nous tentons de sensibiliser notre ministre de tutelle à propos de cette situation des plus préoccupantes, qui touche l’ensemble des arts vivants. Discussions et contacts sont en cours, mais les décisions concrètes n’arrivent qu’au compte-gouttes.

Je suis bien informé sur la situation que vivent aujourd’hui nos collègues français, car la France est notre principal marché à l’exportation. J’y constate que les choses avancent bien plus vite et bien plus concrètement. Peut-être payons-nous ici encore la complexité institutionnelle belge…

- D'autres franges de la population (sans domicile fixe, personnes âgées, personnes seules, etc.) vivent la crise actuelle de manière encore plus aiguë. Avez-vous entendu parler ou envisagé vous-même des initiatives culturelles pour venir en aide à ces groupes fragiles de la société ?

Nous sommes parfaitement conscients de cette situation ô combien préoccupante. Lorsqu’il faut faire preuve de solidarité, les artistes ne sont généralement pas les derniers à s’investir, bien au contraire, mais dès lors qu’on ne peut ni se déplacer ni se réunir, les possibilités d’action directe se réduisent à néant. Pour l’instant, seul le contact virtuel est permis.

En conséquence, et nous ne sommes pas les seuls, nous mettons à la disposition du public nombre de concerts et de spectacles en vidéo. Nous travaillons par exemple à ressortir des archives des concerts donnés au Festival musical de Namur en l’église Saint-Loup. Depuis plusieurs années, nous enregistrons en effet tous les concerts en tant qu’archives. Nous avons l’occasion de les dépoussiérer aujourd’hui. C’est une manière de garder le contact en attendant des jours meilleurs. Nous envisageons aussi de faciliter l’accès aux concerts pour les publics fragilisés dès que nous serons en mesure d’en organiser, de sorte à pouvoir fêter réellement ensemble la fin de cet épisode dramatique.


- Au-delà de ses côtés handicapants ou inquiétants, pensez-vous que cette période de confinement forcé peut aussi déboucher, sur le plan personnel, sur des éléments positifs, comme dégager du temps pour prendre du recul, pour régler des chantiers en attente depuis très longtemps, reprendre des lectures ou la pratique d’un instrument… ?

- Nous continuons à travailler depuis nos domiciles, non seulement pour gérer toutes les annulations et leurs multiples conséquences, pour assurer sans délai tous les suivis administratifs indispensables, mais aussi pour se mettre en ordre de bataille pour être très performants dès que le brouillard se lèvera ! Cela dit, il est vrai que ce travail se gère aujourd’hui différemment, de manière généralement plus cool. Vous pouvez plus facilement alterner périodes de concentration et pauses au jardin, vous avez l’occasion de vous familiariser davantage avec des outils informatiques qui vous faisaient peur jusqu’ici, et l’occasion vous est donnée d’aborder des dossiers non urgents et plus ou moins rébarbatifs dont vous aviez tendance à repousser l’étude de semaine en semaine. C’est aussi l’occasion d’écouter ces disques qui traînent sur votre bureau depuis un certain temps. Il y a donc moyen de prendre des distances sans être désœuvré pour autant. Au final, oui, il y a matière à positiver, en espérant tout de même un retour pas trop tardif à la normale.

site du CAV&MA

Propos recueillis par Nathalie Ronvaux - Questionnaire de Philippe Delvosalle

Photo de bannière: © Lino Bennardo - www.cavema.be