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Des révoltes qui font date #08

1789-1799 // Révolution française

Francois-Joseph Gossec : "Marche lugubre" (partition)
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La prise de la Bastille, évènement fondateur de la Révolution française, ne fut que le premier épisode d’une longue série de bouleversements, de crises, de retournements, de réformes, d’innovations qui ont marqué l’histoire de l’Europe entière et dont nos institutions sont encore aujourd’hui redevables. Parallèlement au déroulement politique, les arts furent particulièrement sollicités pour favoriser la propagation des idées révolutionnaires dans la population, qu’il fallait éduquer et rassembler. Et la musique, dans tout ça ?

Pendant la Révolution française, qui dura une dizaine d’années, la musique, comme les autres arts, a été un outil très prisé de soutien idéologique et populaire. Fêtes de la Fédération, hommages aux héros et martyrs, glorification des victoires militaires, mais aussi grandioses cérémonies dédiées à de nouveaux cultes, le calendrier des fêtes révolutionnaires n’a eu de cesse de s’étendre, dans le dessein de propager les idées nouvelles et de fortifier le sentiment d’appartenance nationale de la population, encore largement attachée à ses racines provinciales. Ce faisant, ces festivités affirmaient aussi un idéal nouveau, celui de procurer à tous les citoyens l’accès à la culture.

Indispensable à ces réjouissances, la musique devait être à la hauteur de l’enjeu : jouer en plein air et pour une foule immense. Chargés de composer odes, hymnes, cantates, marches, souvent à la hâte pour répondre à une actualité fébrile, les compositeurs délaissent les genres destinés aux salles de concerts et aux salons au profit de ces musiques galvanisantes. S’inspirant des orchestres d’harmonie militaires, ils vont favoriser les instruments à vent et les percussions, beaucoup plus sonores que ceux à cordes frottées, dont la voix serait inaudible passé les premiers rangs. Hymnes, cantates et oratorios nécessitent, eux, des chœurs monumentaux, parfois formés de plusieurs centaines de chanteurs.

Pour alimenter ces grands ensembles, il fallait donc organiser l’enseignement musical. Une école municipale destinée aux instrumentistes de la Garde nationale est fondée à Paris en 1792. L’année suivante, toujours à Paris, l’Institut national de musique est créé et subsidié par la Convention nationale. Il est placé sous la direction d’un des compositeurs les plus représentatifs de la Révolution française : François-Joseph Gossec. À ces deux établissements, le Conservatoire de musique se substituera en 1795, avec à sa tête Gossec – toujours–, Méhul et Cherubini, tous trois très actifs dans la création musicale.

Cette période offre une production musicale prolifique mais inégale, due à des compositeurs confirmés ou à de nouveaux venus, voire à des amateurs, mais toujours porteuse d’un élan propre à communiquer la ferveur patriotique. Pour cela, de grandes règles régissent l’écriture des pièces de circonstance afin d’en faciliter l’exécution par des musiciens et des chanteurs amateurs : lignes mélodiques simples, peu ornementées ; orchestration brillante, souvent portée vers la monumentalité ; rythmes binaires, carrés, évoquant le pas militaire ; textes virils, syllabiques pour être bien compris et prononcés par de vastes formations chorales… Au-delà de ces prescriptions générales, les œuvres pouvaient être ambitieuses. Le style, l’instrumentation, l’élargissement de l’orchestre, les innovations harmoniques seront adoptés et développés à l’époque romantique.

Musique & Révolution – Erato – 1990

Ce généreux coffret de quatre CD recueille les principaux témoignages musicaux de ces fêtes civiques. Catalogue non-exhaustif, il compile hymnes, éloges funèbres, chants patriotiques ou marches militaires exécutés tout au long de la décennie révolutionnaire. Ces œuvres jalonnent l’histoire et nous permettent de suivre la succession des grands évènements et l’évolution des idées révolutionnaires.

Sur le plan religieux, par exemple, le Domine Salvum de Gossec exprime encore l’attachement des Français à la royauté et au catholicisme : Dieu, sauve le peuple – Dieu, sauve la loi – Dieu, sauve le Roi. Il n’en sera plus question après l’abolition de la monarchie (21 septembre 1792). De l’épisode de la déchristianisation naîtra le culte de la Raison (10 novembre 1793), du revirement qui s’ensuivit, celui de l’Être suprême (8 juin 1794).

De même, les hauts faits militaires, les actes de patriotisme, le culte aux martyrs, les deuils nationaux auront leurs hymnes et leurs odes. Charles-Simon Catel, élève de Gossec, François-René Gebauer, Luigi Cherubini, Giuseppe Maria Cambini ou encore Étienne Nicolas Méhul, qui s’assura la postérité avec son Chant du départ, se sont prêtés à l’exercice avec enthousiasme. Mais le plus renommé de tous est sans conteste François-Joseph Gossec. Déjà actif sous l’Ancien Régime, il est nommé musicien officiel de la Révolution. Sa Marche lugubre (1790) est une des pages maîtresses des célébrations funèbres. Écrite pour rendre un hommage aux citoyens morts lors de la mutinerie de Nancy, elle est tout en majesté. Sobre, solennelle, elle est aussi remarquable pour l’équilibre de ses timbres. C’est dans cette marche que le tam-tam intègre pour la première fois l’orchestre.

Une anthologie qui s’écoute comme une leçon d’histoire !

Nathalie Ronvaux

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