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Focus

Arts, culture et confinement (6) : Marie-Paule Kumps entre attente et écriture

Marie-Paule Kumps - photo Christophe Vanderborght.jpg
Paulo alias Marie-Paule Kumps n’est pas seulement connue du grand public pour son rôle de Mamy Nelly dans l’émission jeune public « Ici Bla Bla ! » mais aussi parce que cette dernière sévit, depuis plus de 30 ans, sur les planches de tous les théâtres du pays avec, le plus souvent, des rôles grinçants à l’humour ravageur et vitriolé.

Cette ancienne élève de l’Insas, à la fois actrice, autrice et metteuse en scène est toujours électrisée par plusieurs projets en même temps et son agenda chargé n’est pas seulement le témoin de son succès sinon la preuve de l’énergie et de la passion qu’elle déploie à endosser toutes ses casquettes. Aujourd’hui, elle se livre sans ambages sur les conséquences que cette grave crise sanitaire porte sur son travail théâtral : une confession, à son image, extravertie mais surtout simple et sincère, loin de tout égocentrisme.


- Jean-Jacques Goffinon (PointCulture) : Vous avez toujours plusieurs projets en ébullition sur le feu… Quelle est l’ampleur de l’impact de la pandémie que nous traversons sur vos activités artistiques ?

- Marie-Paule Kumps : Le corona m’a complètement mise à l’arrêt ! Mon métier est évidemment public dans la plus grande partie de son temps. Je jouais en tournée un spectacle que j’adore : Tailleur pour dames de Feydeau, revisité par Georges Lini, c’était un grand bonheur !

Nous avions une vingtaine de dates en Communauté française, nous en avons presté quatre, je pense… Ensuite – et en même temps – ce qui nous arrive souvent, à nous les acteurs : je répétais un spectacle qui me tenait extrêmement à cœur : Larguez les amarres !, un texte que j’ai écrit autour d’un événement personnel… Je le porte depuis plus de trois ans, entre le moment où j’ai commencé à écrire, celui où David Michels, le directeur des Galeries m’a dit être partant pour le créer dans sa maison, et les répétitions, qui avaient commencé depuis une bonne semaine. La création est prévue pour le 22 avril… Je crains que ce ne soit sérieusement compromis. Ça amène beaucoup de tristesse…

- On parle de plus de deux ans de travail pour certains projets ? Vont-ils être reportés, tomber à l’eau ?

- La création de Tailleur pour dames remonte à deux ans ; c’était difficile de trouver des dates qui conviennent à toute la troupe pour monter cette tournée… Heureusement le spectacle avait déjà eu une très belle vie (série à l’Atelier Théâtre Jean Vilar à Louvain-La-Neuve, longue série au Théâtre du Parc à Bruxelles, et déjà quelques dates de tournée).

Quant à « Larguez les amarres », l’écriture a mis deux ans (au total, pas non-stop !) pour arriver à un texte bien « affiné ». Il y a déjà eu quelques lectures avec les comédiens, et plusieurs longues séances de travail avec Pietro Pizzuti qui s’occupe de la mise en scène ; les acteurs avaient tous étudié l’entièreté de leur partition (ce qui n’est pas rien) et les répétitions avaient commencé depuis une dizaine de jours.

- Cela entraine évidemment des coûts, du chômage pour certains ?

- Pour mes répétitions, je serai payée une semaine ; ensuite, les autres comédiens de la distribution se sont inscrits au chômage (nous avions deux périodes de répétitions espacées de quelques jours, la seconde ne démarre donc pas). Pour ma part, je ne peux pas m’inscrire au chômage puisque pour la tournée de Tailleur pour dames je suis déjà en chômage temporaire suite au coronavirus. Si je pouvais cumuler sur une petite période deux contrats, je ne peux évidemment pas pour une même période cumuler deux demandes de chômage ! Après la dernière date qui était prévue pour la tournée, je m’inscrirai au chômage comme habituellement à la fin d’un contrat, c’est à dire, le 4 avril ; mon contrat pour Larguez les amarres, lui, devait courir jusqu’au 17 mai. Normalement, j’enchaîne ensuite avec la reprise de Ménopausées au Théâtre de Poche à Bruxelles du 19 mai au 20 juin… Mais cela non plus n’est pas sûr… En conclusion, tout cela a un énorme impact financier, bien entendu.

- D'autres franges plus défavorisées de la population vivent la crise actuelle de manière encore plus aiguë. Avez-vous rejoint certaines initiatives pour venir en aide à ces groupes fragilisés?

- Je fais très humblement partie de « l’opération thermos » ; j’attends les instructions pour notre prochaine intervention qui sera un peu modifiée. Sinon, j’essaie d’être présente pour mes proches, je suis allée porter des choses nécessaires à des proches qui en avaient besoin. C’est très, très peu…

- Pensez-vous que ce confinement forcé peut dans une certaine mesure déboucher aussi sur des choses positives ?

- J’ai l’immense chance d’avoir de nombreux moyens à ma disposition pour mettre, dès maintenant, ce temps à profit. Et oui, bien entendu, j’en ai déjà profité pour faire des choses sans cesse reportées comme un nettoyage, des rangements, des paiements, des réponses à apporter, etc.

Mais je ne veux pas "bourrer" cette vacance avec des obligations. C’est l’occasion de s’étonner… Je me méfie des gens qui cherchent à bon marché du sens à ce qui nous arrive… Respirons, regardons… Quant à l’avenir général, je ne me prononce pas. J’en ai ras le bol de ces articles vides remplis de pronostics (souvent alarmants) sur l’avenir, rapidement pris pour des vérités et qui nous empêchent de nous mettre nous-mêmes en face à face avec nos vies et ce que nous souhaitons/pouvons en faire. — Marie-Paule Kumps

- Comment vous êtes-vous occupée ces derniers jours ? Qu’avez-vous écouté, regardé, lu ? Êtes-vous jusqu’ici très dépendante d’Internet, des contenus en ligne ou arrivez-vous aussi « à décrocher » ?

trois livres féministes pour le confinement, Marie-Paule Kumps

- Je fais beaucoup de choses très plaisantes… Liste non exhaustive : je lis des ouvrages féministes ! J’ai terminé En finir avec la culture du viol de Noémie Renard (éditions Les Petits Matins), j’ai également lu Les Sentiments du Prince Charles de Liv Strömquist, une BD très chouette (éditions Rackham), je termine « Sociologie du genre » d’Isabelle Clair (éditions Armand Colin), et je me réjouis d’attaquer la pile de romans qui git sous mon bureau…

Je lis de la poésie de Hafez de Shiraz (poète perse du 14ème siècle), j’écoute des podcasts (Les Couilles sur la table de Victoire Tuaillon, Ça peut pas faire de mal par Guillaume Gallienne, tous les deux sur France Inter), un podcast qui s’appelle Entre de Brune Bottero chez Louie Media) ; je regarde la série Mad Men, déjà vieux c’est vrai mais génial ; des documentaires très variés, je vais me promener virtuellement dans des musées, récemment le musée Frida Khalo à Mexico ; je regarde des opéras, gratuits en ligne sur le site du Met (Metropolitan Opera of New-York), je suis des cours de yoga mis en ligne par le studio dans lequel je suis inscrite, je partage un temps délicieux avec mon compagnon…

Je fais des lessives, des rangements et autres joyeusetés domestiques… Je marche loin des autres, je fais du vélo ; je lis le journal et suis l’actu ; j’appelle mes proches… Et j’écris, j’écris, j’écris…


Espérons que, dès le 19 mai, nous la retrouverons, tout aussi touchante et énergique, sur la scène du Théâtre de Poche en compagnie de Dominique Pattuelli et Serge Demoulin pour la reprise du spectacle Ménopausées, succès de la saison dernière.

interview (par e-mail) : Jean-Jacques Goffinon

photo de bannière : (c) Christophe Vanderborght / BIY - Brussels Is Yours

site Marie-Paule Kumps

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