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Des révoltes qui font date #25

Mars 1965 // Marches pour la liberté de vote des Afro-Américains dans le sud des États-Unis

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Le 25 mars 1965, près de vingt-cinq-mille individus, femmes et hommes de toutes origines ethniques et sociales, parviennent finalement au Capitole de Montgomery après une marche de près de quatre-vingt kilomètres depuis la ville de Selma. Une contestation pacifique qui exhorte le président Lyndon Johnson à signer le Voting Rights Act, lequel rend prohibitives les discriminations raciales entravant l’exercice du droit de vote aux États-Unis.

À des fins de contextualisation, on rappelle que la procession qui arrive finalement à Montgomery, capitale de l’État d’Alabama, apparaît comme l’ultime tentative d’une série de trois marches de protestation s’étant déroulées en ce mois de mars de 1965. La première, réaction à l’assassinat de l’activiste Jimmy Lee Jackson et tuée dans l’œuf dès son départ de la ville de Selma, survient un dimanche désormais tristement célèbre : le « Bloody Sunday ». Pour cause, les quelques centaines de manifestants parties prenantes de cette initiative y sont durement réprimés par les forces de police, ainsi que par une foule hostile, voyant là une occasion d’exprimer sans fard leur xénophobie sous couvert de l’intervention des autorités. Le film de cet épisode, pris sur le vif et diffusé à la télévision, contribue largement à rallier l’opinion au mouvement pour les droits civiques et s’avère déterminant dans sa réussite future.

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Absent de cette entreprise avortée – par ailleurs essentiellement composée d’individus afro-américains –, le pasteur Martin Luther King mène, deux jours plus tard, un second cortège dont les rangs se voient drastiquement grossis des soutiens les plus hétéroclites, indignés par la vue des images de ce dimanche resté dans les annales. Du reste, l’homme providentiel déçoit une part de ses admirateurs par son volte-face, ne faisant pourtant qu’obéir à une injonction de justice. C’est finalement un juge de district, le dénommé Frank Minnis Johnson Jr., connu pour ses décisions retentissantes en faveur de la déségrégation, qui tranche en faveur des militants du mouvement : ceux-ci sont autorisés à défiler en vertu de leur droit à pétitionner sur leurs griefs auprès du gouvernement Johnson.

Ainsi, le 21 mars, quelque trois-mille-cinq-cents individus passent définitivement le pont Edmund-Pettus de Selma en direction de Montgomery, parcourent vingt kilomètres par jour et dorment dans les champs, en un véritable pied-de-nez à la politique ségrégationniste du gouverneur d’Alabama de l’époque, George Wallace. Ils sont près de vingt-mille de plus à leur arrivée à destination, quatre jours plus tard. Moins de cinq mois ayant suivi cette démonstration de force pacifique, le Voting Rights Act, une loi civique fédérale considérée comme l’une des plus importantes et efficaces dans la lutte contre les discriminations raciales, est adoptée par le Congrès américain et signée par le président Lyndon Johnson.

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Cet épisode décisif de la lutte pour les droits civiques est relaté, au cinéma, par la très engagée Ava DuVernay, réalisatrice ayant marqué la décennie avec, n’en déplaise à certains, deux productions originales Netflix : 13th, un documentaire abouti sur le système carcéral américain, au sein duquel les inégalités raciales n’en paraissent que plus exacerbées, ainsi que l’une des mini-séries les plus encensées par la critique en 2019, When They See Us, directement inspiré d’un fait divers ayant vu cinq adolescents afro-américains accusés à tort de l’agression et du viol d’une joggeuse de Central Park, trente ans plus tôt. Ces deux réalisations s’inscrivent donc logiquement dans la droite lignée de Selma, film de fiction basé sur les événements historiques ayant eu lieu en Alabama au mois de mars 1965.

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En réalité, Selma se présente sous la forme d’un biopic sur la personne de Martin Luther King, laquelle est abordée par Ava DuVernay sous l’angle particulier des événements historiques ayant précédé et suivi l’ultime marche à travers l’État d’Alabama. Tentaculaire, le film dépeint les interactions complexes ayant eu cours entre le leader charismatique, interprété par un très convaincant David Oyelowo, et un panel de protagonistes avec lesquels il entretient les relations les plus diverses, depuis sa femme Coretta Scott King (Carmen Ejogo) au président Lyndon B. Johnson lui-même (Tom Wilkinson). Parallèlement, Ava DuVernay prend le parti de mettre au jour les arcanes du pouvoir de l’époque, mettant en scène les tractations à l’œuvre entre le président des États-Unis et John Edgar Hoover, le premier directeur du Federal Bureau of Investigation (FBI), convaincu de l’accointance du mouvement pour les droits civiques avec le communisme. Quant à Lyndon Johnson, s’il voit d’un bon œil la popularité de King et de sa non-violence au détriment de Malcolm X, il apparaît comme un être de peu d’initiatives, voulant à minima éviter que l’histoire associe son nom au ségrégationniste George Wallace.

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Alors que le quinzième amendement de la Constitution des États-Unis est ratifié dès 1870, octroyant légalement aux citoyens afro-américains le droit de vote, plusieurs États du Sud dont l’Alabama y font encore obstacle huit décennies plus tard. Ainsi, le film d’Ava DuVernay tente de restituer l’atmosphère caractéristique de ce moment charnière, cette époque aujourd’hui révolue où les tentatives de dissuasion étaient la norme dans une ville telle que Selma : condition de parrainage pour s’inscrire sur les listes électorales, perception d’un impôt spécifique, examen censé prouver l’alphabétisation, publication de l’identité des individus inscrits rendant ceux-ci vulnérables aux représailles du Ku Klux Klan… Pratiques de rigueur, on le rappelle, dans une ville dont la population est à plus de 50% afro-américaine… pour seulement 2% de votants.


Texte : Simon Delwart
Photos des événements historiques de mars 1965
Images extraites du film d'Ava DuVernay

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