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Des révoltes qui font date #31

21 novembre 1990 // Démission de Margaret Thatcher

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Politique, Grande-Bretagne, Margaret Thatcher, Tory, Conservatisme, Neo-libéralisme, trahison

publié le par Benoit Deuxant

Margaret Thatcher, à la fois la femme la plus admirée et probablement le monstre le plus haï de son époque, a pourtant été élue et réélue avec une fatale régularité entre 1979 et 1990, écrasant sur son passage toute tentative d’opposition à sa politique néolibérale et ultra-conservatrice.

Ni les grèves des mineurs paralysant le pays pendant plus d’un an, ni les grèves de la faim des membres de l’IRA provisoire emprisonnés, ni les émeutes accompagnant la poll-tax, n’entameront sa ténacité ; et la détermination dont elle fera montre dans son opposition à l’URSS, ou dans la guerre des Malouines, lui vaudront le surnom de Dame de Fer. Première femme à accéder au poste de Premier ministre du Royaume-Uni, issue d’un milieu social modeste, elle fera une carrière flamboyante, dans un parti au départ peu enclin à tolérer une femme, et de surcroît une femme aux idées aussi radicales. Tout son règne durant, elle divisera l’opinion entre les supporters de sa politique de redressement économique à tout prix, et les victimes de ses coupes sombres dans les dépenses publiques, et des multiples privatisations qui vont démanteler le pays.

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Le coup fatal qui mettra un terme inattendu à son emprise sur le pouvoir ne viendra pas de ses nombreux ennemis, mais de son propre parti. C’est pourquoi, après dix minutes de considérations générales sur sa carrière, le film de William Karel nous enferme dans le camp conservateur, aux côtés de ses anciens amis et collaborateurs, et, jusqu’à la fin du documentaire, plus aucune remise en question de son idéologie ne sera émise. Nous ne quitterons plus le clan des partisans de sa politique, qu’ils défendront jusqu’au bout comme sévère mais juste, et indispensable pour sauver le pays de la ruine.

Toutefois, malgré le soutien inconditionnel qu’ils apporteront à sa « révolution conservatrice » et à son anti-socialisme pathologique, beaucoup d’entre eux entreront en conflit avec la personnalité inflexible de Thatcher ; son autoritarisme violent et les humiliations continuelles qu’elle infligeait aux membres de son cabinet, les rabaissant publiquement à la moindre incartade, vont pousser quelques-uns d’entre eux à la rébellion. Le coup d’envoi de cette révolte viendra de son plus fidèle collaborateur, Geoffrey Howe, et déclenchera des élections anticipées au sein du parti conservateur.

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Le film, s’il semble refuser de prendre parti, présente Margaret Thatcher comme une victime et tente de prendre la mesure d’un personnage extrêmement complexe. Il rappelle son amitié avec François Mitterrand, qui lui trouvait « les yeux de Caligula et les lèvres de Marilyn Monroe », et avec Mikhaïl Gorbatchev, montré comme « apprenant les mécanismes de la démocratie ». Il parle brièvement de son association avec les théories politiques, économiques et militaires de Ronald Reagan mais montre avant tout les rapports personnels, plus qu’idéologiques, entre elle et ses confrères. Rétrospectivement, on peut se demander si ce film, sorti en 2008, ne traite pas ce personnage de femme forte déchue comme il n’aurait jamais traité un homme dans les mêmes circonstances. Il rejoint le voyeurisme des médias cherchant à capturer une image d’elle en train de « craquer » tout en célébrant sa force de caractère.

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Aveuglée par sa propre puissance et menée en bateau par des consultants-charlatans qui lui prédisaient une victoire facile, Maggie va commettre erreurs sur erreurs, et se montrer trop fière pour faire campagne. Cela lui coûtera de se voir destituée, à sa propre stupeur comme celle de la population britannique. Poignardée dans le dos par ses proches comme César en son temps, elle laissera le parti et le pays aux mains de l’insipide John Major, qui ne trouva jamais la même fermeté qu’elle dans la direction du parti et ne pourra empêcher le Parti conservateur de s’effondrer, victime de luttes internes. Il permettra l’avènement au pouvoir du New Labour Party, Parti travailliste light, qui poursuivra avec le sourire le travail de sape sociale initiée par les conservateurs.

(Benoit Deuxant)

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