Depuis le début des années 1990, la ville de Bristol au sud-ouest de l'Angleterre est une des villes les plus influentes dans le milieu de la musique électronique. Cité multi-culturelle elle engendre de nombreux musiciens et DJ qui développent une scène urbaine et alternative foisonnante. La ville est qualifiée de berceau du trip-hop (genre musical au rythme lent et planant, don le nom est la contraction de abstract et de Hip-Hop) et a également beaucoup apporté à la drum and bass, au dubstep et au graffiti.

C'est donc dans un contexte musical et artistique en plein ébullition et en plein essor que Adrian Nicholas Matthews Thaws alias Tricky sort son premier album solo en 1995, après avoir collaboré aux deux premiers disques de Massive Attack (Blue Lines et Protection) Nommé Maxinquaye en référence à sa mère Maxine Quaye, décédée lorsqu'il était enfant (soit-disant demi-soeur du chanteur Finlay Quaye), il y collabore avec sa compagne de l'époque, la chanteuse Martina Topley-Bird (qui depuis a entamé une brillante carrière solo) qui est présente sur la quasi-totalité des plages , il fait également appel à Alison Goldfrapp (la chanteuse de Goldfrapp). Howie B, un autre grand nom du trip-hop vient également lui prêter main forte sur le très tribal "Ponderosa". Il participe également aux parties vocales, plus en parlant et en murmurant de sa voix rauque qu'en chantant, un peu à la manière de Gainsbourg. Tricky utilise largement la technique du sampling (échantillonage et "recyclage" de morceaux) en puisant dans des styles très divers (rap, rock, soul, reggae...), allant même jusqu'à utiliser un morceau du groupe rock Smashing Pumkins sur "Pumpkin". Ou encore sur " brand new you're retro " il mêle la ligne de basse de " bad " de Michael Jackson à "mind terrorist" de Public Enemy. Mais le titre le plus connu est sans nul doute "hell is round the corner", réutilisant la version instrumentale de la quasi-totalité du morceau " Ike's rap II " de Isaac Hayes (Portishead utilisa le même sample un an auparavant sur leur album Dummy ) et sur lequel il reprend des paroles qu'il avait écrite pour" eurochild " de Massive Attack (il réitère avec celles de " karmacoma " sur " overcome ).

Sur les douze plages que compte ce premier album, Tricky crée véritablement sa propre identité sonore et un climat glauque et lascif aux odeurs de souffre et àla tension quasi-sexuelle. Le climat est même parfois inquiétant, voire menaçant évoquant la folie et la paranoïa. Il se place en précurseur et invente un nouveau son qui sera qualifié par la presse de révolutionnaire, NME élira même Maxinquaye album de l'année 1995. Faisant preuve d'une maturité étonnante pour un premier disque à la fois troublant, délicat et précurseur, Tricky parvient la difficile tâche de créer un objet tout aussi complexe qu'accessible,peut-être grâce à la sincérité qui s'en dégage. [I.K]