‘On a toujours été sur la même longueur d'onde. Blockhead te pond toujours quelque chose qui colle avec l'humeur, la vibration, il va chercher des samples de toutes origines, les rassemble au mieux... Bref, tout ce que j'attends de lui, et en plus de cela, c'est toujours créatif, ce n'est jamais cliché. Il représente une vraie source d'inspiration pour moi quand j'arrive au stade de l'écriture.' nous confiait Aesop Rock lors d'une interview en 2006.

Les deux compères sont toujours restés cul et chemise depuis la fin des années 90, quand ils unissaient leurs talents aux services d'un hip hop à la couleur musicale inédite au sein d'une scène indépendante pourtant débordante de créativité. A cette époque, Blockhead signait quelques éclairs de génie sur chacun des premiers albums du MC, parmi lesquels des titres comme Daylight ou None Shall Pass - considérés comme le gratin de sa discographie - sur lesquels les moins de 30 ans n'ont peut être jamais eu l'occasion de tomber. Bien que souvent dans l'ombre de son vieux pote, le producteur allait lui aussi récolter les fruits du travail accompli en signant un peu plus tard sur le label Ninja Tune, alors vitrine incontournable de l'electro hip hop. Du win-win comme on a tendance à le dire dans le cadre de collaborations fructueuses...

Si les deux acolytes ont ensuite longtemps pris leurs distances, chacun en quête d'accomplissement personnel, ils se retrouvent aujourd'hui à l'occasion de Garbology : un premier véritable album commun dont la genèse remonte à janvier 2020, à la suite du décès d'un ami proche d'Aesop Rock. Noyer son chagrin aura donc ramené le Mc - connu pour son vocabulaire le plus riche du rap game - sur les rails de l'écriture, à défaut de la production dont il ne se sentait plus capable à l'époque. Les vrais potes étant toujours là quand tu en as besoin, Blockhead s'est naturellement collé à la tâche alors même que l'idée d'un album n'avait pas encore effleuré l'esprit du duo.

L'osmose évidente des deux hommes, renforcée par un contexte de confinement qui leur aura au moins permis de ne pas s'éparpiller, a fait le reste. En résultent 14 titres très personnels, très sensibles aux problématiques écologiques, pour lesquels Blockhead est allé puiser sa matière première dans la musique ancienne, comme pour finir de faire de la notion de recyclage un fil rouge garantissant l'homogénéité de l'album. Ajoutez à cela des sujets redondants comme la mort et l'isolement, abordés d'un angle plus ou moins surréaliste voire mystique, et vous comprenez très vite que Garbology ne sera pas le disque pour faire décoller vos soirées.

D'autant que ce nouvel album surprend par ses beats épurés, quasi absents parfois (Jazz Hands, All The Smartest People), comme par son parti pris mélanco-nostalgique soufflant dans la même direction que le flow nasillard et millimétré d'un Aesop Rock généralement plus mémorable dans le contraste et l'ambivalence. Miraculeux s'ils étaient signés par quelqu'un d'autre, Wolf Piss, Oh Fudge, où More Cycles ne sont malheureusement que des banalités pour lui. Le bougre a fait de nous des fans trop gâtés, que voulez vous...

Bien que marqué par quelques coups d'éclat à la fois lyriques et musicaux qui ne sont pas sans rappeler un (désormais) lointain passé (Legerdemain, Difficult, Abandoned Malls), Garbology pète trop souvent l'ambiance de par son manque de contraste. Comme pris dans un cercle vicieux, Aesop Rock et Blockhead ont beau se montrer irréprochables d'un point de vue purement technique, leurs choix artistiques transforment trop souvent ce disque en épreuve dès lors qu'il ne compte plus que sur le débit rythmé du MC (Flamingo Pink, Fizz, The Sea). Autant dire qu'on n'attendait beaucoup plus de cette collaboration. Autant désormais qu'un prochain album qui viendra à n'en pas douter gommer cette frustration.

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