Quatre + trois + un = huit. Le compte est bon. Huit musiciens sur scène et sur ce disque : comme le titre l'indique, deux groupes (The Thing, trio post-free-jazz suédois et Cato Salsa Experience, groupe de rock énergique norvégien) et une légende (le saxophoniste free afro-américain Joe McPhee).

"Two Bands and a Legend" est essentiellement un disque de reprises, surtout rock : Who the Fuck de P.J. Harvey, The Witch des Sonics, I Can't Find my Mind des Cramps... Même la vieille baudruche délavée de Louie Louie de Richard Berry, tant de fois affadie, radotée et ânonnée en roue libre depuis 1956, arrive à être ramenée à la vie par une salvatrice injection d'adrénaline. La manière dont le riff le plus connu de l'histoire du rock'n'roll arrive à rester suspendu en forme de point d'interrogation pendant les septante secondes d'une magnifique intro déstructurée où les saxophones de Joe McPhee et de Mats Gustafsson se laissent aller à une sorte de danse nuptiale, tendre et complice, qui ne brûle pas les étapes, ainsi que la façon dont la chanson se diffracte en un long break de gouttelettes de theremin, ouvrent de nouveaux horizons à un classique qu'on craignait définitivement bloqué dans le cul-de-sac d'une certaine routine. Ce flirt de Mats Gustafsson, Paal Nilssen-Love et Ingebrigt Håker Flaten (alias The Thing) avec le rock n'est pas un gimmick ou une idée de producteur. Nés entre 1964 et 1974, ces trois musiciens évoluant dans les sphères d'un certain jazz contemporain décomplexé sont aussi des " enfants du rock ". C'est là que que s'incrustent leurs racines : "Richard Wayne Penniman (aka Little Richard) hit me in the stomach when I was seven years old, all that screaming and all those saxophones and swinging drums, but most of all the energy in the voice, the dedication. Oh, my soul!" (Mats Gustafsson sur www.jazzweekly.com). [PhD]