Jonas Mekas est né en 1922, dans un village lituanien. Fuyant, en compagnie de son frère Adolfas, les nazis et les soviétiques à la fin de la seconde guerre mondiale il débarque à New York en 1949 après avoir séjourné dans plusieurs camps pour personnes déplacées en Europe. Pour survivre, les deux frères exercent divers petits métiers (dans la boulangerie, la confection, le nettoyage... ). Six mois après leur arrivée, ils achètent en seconde main une petite caméra 16mm avec laquelle Jonas se met à filmer la communauté lituanienne de New York et qui va changer le cours d'une vie, désormais inséparable du cinéma. Au cours de la décennie suivante, Mekas fonde une revue (Film Culture), une coopérative de distribution de films underground (la Filmmakers Cooperative) et une cinémathèque expérimentale (l'Anthology Film Archive) et s'impose par son activisme tenace et fédérateur comme une des figures tutélaires de l'underground américain.

Se définissant comme "filmeur" plutôt que comme cinéaste ("I'm a filmer, not a filmmaker"), Mekas a inventé avec son "Ciné-journal" une forme cinématographique qui se pose à la fois comme document, autobiographie, poème visuel et récit lyrique. Inséparable d'une caméra qui devient comme un véritable troisième oeil, filmant comme il vit et vivant comme il filme, on a pu dire de ses films qu'ils opéraient comme des filtres qui ne garderaient que l'essentiel: quelques instants disparus, quelques fugaces moments de bonheur. Même si ses films sont montés dans la caméra, ils sont cependant caractérisés par une incontestable inventivité plastique et rythmique (contraste entre des accélérations frénétiques ou saccadés et des moments de respiration plus apaisés).

A la charnière des années soixante et septante, suite à la mort tragique et prématurée de John F. Kennedy, le tuteur et professeur d'histoire de l'art de son fils, John Jr. Kennedy, demanda à Mekas d'initier l'enfant et son cousin au maniement de la caméra. Mekas passa ainsi plusieurs étés aux côtés de Jackie, John Jr. et de leur famille. Ce film rend compte de ce que le cinéaste se remémore comme "des étés de bonheur, de joie et de continuelle célébration de l'amitié. Des petits fragments de Paradis".