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Portrait

Pierre Boulez

Pierre Boulez

Pierre Boulez (1925 - 2016)

Montbrison (1925) - Baden-Baden (2016)

Sommaire

boulez

 

Repères biographiques:

 

Avoir 20 ans en 1945, c'était vouloir tourner le dos à l'immense gâchis de la guerre, vouloir oser toutes les utopies, toutes les audaces, toutes les ruptures avec un monde ancien pour rebâtir un univers nouveau. Dans une France musicale dominée par le néo-classicisme de Stravinsky, il fallait un chef de meute pour bousculer l'ordre établi. Ce fut le rôle de Pierre Boulez.

A la limite de la plaine du Forez, Montbrison se niche aux pieds des monts du Forez qui forment une frontière géographique entre l'Auvergne et la Région Rhône-Alpes. C'est dans cette petite ville de 7000 habitants, située entre Lyon et Clermont-Ferrand, que naît Pierre Boulez, le 26 mars 1925. Fils d'un ingénieur qui assure la direction technique d'une aciérie, Pierre Boulez développera son approche musicale dans un univers bourgeois : apprentissage du piano, concerts en amateur avec des notables de la ville, participation à la chorale du séminaire local. Ses professeurs le décrivent comme un élève studieux et appliqué, ne faisant guère de place à autre chose que le travail. Et ses camarades de classe le jugeront autoritaire…

En 1943, il arrive au Conservatoire de Paris et s'inscrit dans la classe d'Olivier Messiaen qui représentait, dans l'atmosphère confinée de l'établissement, une fenêtre ouverte vers l'ailleurs, vers tout ce que l'enseignement dédaignait ou méprisait : les musiques extra-européennes, Bartók et l'École de Vienne. Il y apprend bien vite à mesurer les limites des us et coutumes de la musique occidentale tonale. En 1945, il rencontre René Leibowitz qui l'initie à l'écriture sérielle. Mais Boulez ne se laisse pas abuser par les limites de l'enseignement de Leibowitz "…il y avait autre chose dans la musique sérielle que le seul maniement des seules séries de hauteurs sonores…"

es plus diverses, apprenant sur le tas la direction d'orchestre. C'est aussi grâce aux tournées internationales de la troupe que Boulez peut prendre du recul vis à vis du monde musical français, nouer de fructueux échanges avec d'autres artistes et découvrir des exemples concrets d'organisations réussies de concerts. C'est de ces expériences que vont naître au sein du théâtre de Jean-Louis Barrault, le 13 janvier 1954, les Concerts du Domaine Musical. Soutenu par du mécénat privé, il peut, en toute indépendance, présenter le travail d'une nouvelle génération de musiciens.

Ces quelques traits biographiques marquent la naissance de ce que seront les terrains sur lesquel Pierre Boulez réalisera son activité profesionnelle: l'organisateur, l'interprète et le créateur.

Pierre Boulez, l'organisateur:

Tout au long de sa vie, Pierre Boulez a toujours été un formidable créateur de nouvelles institutions. Après avoir lancé une vitrine pour les œuvres des jeunes de sa génération, Boulez sent la nécessité de la création d'un centre de recherche fondamentale propre à tirer la musique des "bricolages" dans lesquels elle se débat. La création, voulue par Pompidou, d'un centre culturel qui serait à la fois centre de création, offre à Boulez l'occasion de fonder l'Institut de Recherche et de Coordination Acoustique/Musique (IRCAM). L'Ircam est le plus gros centre de recherche scientifique au monde entièrement dédié aux technologies pour la création musicale. En relation étroite et permanente avec le monde des compositeurs, des scientifiques y mènent des recherches fondamentales sur les apports des mathématiques, de l’acoustique, de l’informatique et de la physique, appliqués à la création musicale. Leurs travaux, relatifs à l’acoustique instrumentale, à l’analyse et la synthèse des sons, aux représentations numériques des structures musicales, au temps réel, à l'acoustique des salles, au design sonore, à la musicologie, aux métadonnées musicales et au génie logiciel appliqué au traitement du son suscitent des échanges suivis avec la communauté scientifique internationale.

Mais comme la musique n'a pas d'existence hors de l'exécution, l'Ircam devait s'adjoindre un instrument capable de donner une traduction sonore des résultats des recherches de l'institut et offrir une histoire de la musique du XXe siècle. L'Ensemble Intercontemporain sera créé spécialement pour cette tâche. Sa vocation sera de donner des concerts, mais il devra aussi assurer un rôle de formation en donnant au public les moyens de connaître les techniques instrumentales et le travail d'orchestre qu'implique le répertoire contemporain.

Pierre Boulez, l'interprète:

Pierre Boulez n'a jamais visé la carrière de chef d'orchestre. Elle s'est imposée à lui par hasard et par nécessité. Sa formation s'est faite sur le tas, par le travail lent et obstiné avec les musiciens de la fosse du Théâtre Marigny. Plus tard, en raison de la carence de chefs d'orchestre acceptant de diriger des concerts consacrés à la création d'œuvres nouvelles, Boulez est bien obligé de se jeter à l'eau. Un coup du sort, la maladie d'Hans Rosbaud, oblige Boulez à reprendre sa place de chef. Au début, on appelait Boulez pour familiariser les orchestres avec la musique récente. Mais comme on ne vend pas les abonnements de concert uniquement sur des créations, Boulez a dû se mettre au "grand répertoire".

Sa brillante prestation pour le Wozzeck de Berg à l'Opéra de Paris entraîne son engagement à Bayreuth d'une part, pour Parsifal en remplacement de Hans Knappertsbush subitement décédé et à Londres d'autre part, avec l'Orchestre de la BBC. George Szell, qui dirigeait fréquemment le Concertgebouw d'Amsterdam, entend parler de lui et l'invite régulièrement à la tête de son Orchestre de Cleveland. Et bien vite, c'est au tour de l'Orchestre Philharmonique de New York de l'engager comme directeur musical. Avec cet orchestre, il lancera les concerts Rugs, concerts inspirés des Proms de Londres et destinés à élargir le public de la musique classique. Parti de la musique contemporaine, Boulez vit l'histoire de la musique à reculons. Au grand répertoire, il apporte une précision absolue, une recherche de la perfection objective. " Pierre Boulez est le dieu total de la direction d'orchestre ; il possède toutes les qualités qu'on attend d'un chef : la musicalité, la rigueur, la chaleur, la courtoisie, et, par dessus tout, l'intelligence. Il a une oreille absolue, sans équivalent. […] Il s'efforce constamment d'aider les musiciens ".

" A le voir diriger à mains nues, à voir cette simplicité du geste et de l'allure, cette souplesse, ce calme aimable et respectueux, on comprend en quoi Pierre Boulez n'est pas un chef d'orchestre comme les autres : il ne cherche jamais à utiliser les musiciens pour parvenir à ses fins. Son art est tout à fait opposé à celui d'un Sergiu Celibidache, grand chef, mais qui met ses troupes dans un état d'insécurité tel qu'il engourdit chez ses musiciens toute velléité d'expression musicale individuelle. "

On admire la direction de Boulez en premier pour sa clarté, pour la lisibilité des plans sonores, la précision de sa rythmique, la fluidité du discours. Sa formation de compositeur lui donne une perspicacité rare pour mettre en évidence la structure et la forme d'une œuvre. Elle stimule son imagination dans son travail esthétique.

La carrière d'un chef de renom est indissociable de l'enregistrement sonore. Commencée chez Lucien Adès, un éditeur français passionné de musique contemporaine, la carrière discographique de Boulez s'inscrit dans le prolongement du Domaine musical. Les œuvres de Boulez y côtoient les noms de Stockhausen, Varèse ou Pousseur. Un concert fameux au Théâtre des Champs-Élysées est immédiatement suivit par l'enregistrement, pour la Guilde du Disque, d'un Sacre du Printemps de Stravinsky qui fera figure de référence. La carrière de Boulez se développant, la firme CBS (ancêtre de Sony Classical) l'engage pour l'enregistrement de Wozzeck. L'idée de Boulez était de réaliser pour l'éditeur américano-japonais " une encyclopédie sonore des grandes oeuvres du vingtième siècle ; pas une chose énorme à acheter en une seule fois, mais une sorte de série dans laquelle les mélomanes auraient pu puiser peu à peu selon leurs désirs ".

Durant les années 70 et 80, paraissent de nombreux et passionnants disques consacrés à Debussy, Ravel, Schoenberg, Webern, Berg, Varèse, Stravinsky, Falla, Scriabine et Bartók. Parmi une cinquantaine d'enregistrements, on est peut-être surpris de découvrir le nom de Berlioz, mais entre agitateurs d'idées, on se comprend très bien (DB3096), étonné par la présence de Beethoven (pour une 5e symphonie surprenante, avec un scherzo en staccato, mais malheureusement l'enregistrement, non réédité en CD, est une rareté absolue et surtout le nom de Haendel pour la Water Music et les Royal Fireworks Music dans des interprétations "classiques" de cette musique baroque car Boulez rejette les interprétations "à l'ancienne".

Au tournant des années nonante, Boulez enregistre pour Erato de la musique contemporaine [Kurtag, Birtwistle, Grisey, Carter, Dufourt , Donatoni  avec l'Ensemble Intercontemporain, et pour Deutsche Grammophon le répertoire du XIXe et du XXe siècle. Une bonne partie du répertoire paru chez CBS est réenregistré, parfois en mieux, parfois pas. Mais surtout, le répertoire s'élargit, en prenant de nouvelles œuvres chez ses compositeurs favoris [la Symphonie des psaumes de Stravinsky, Cantata profana de Bartók ou le Concerto pour piano de Scriabine. Par contre, ce qui est la grande originalité du répertoire de Pierre Boulez, c'est l'enregistrement progressif de l'œuvre symphonique de Gustav Mahler, des lieder et le Das Lied von der Erde.

Boulez semble abonné aux anniversaires auxquels des organisateurs veulent donner un parfum de provocation. Le cinquantième anniversaire de la création du Sacre du printemps de Stravinsky fut prétexte à un concert mémorable au Théâtre des Champs Elysées. Le centenaire de la création du Ring de Richard Wagner donna lieu à une production mythique (en CD ou en DVD) qui secoua tout le monde de l'opéra. Et à l'occasion du centenaire de la mort d'Anton Bruckner, Boulez fut invité à diriger la Philharmonie de Vienne dans la 8e Symphonie, à quelques pas du tombeau du compositeur dans l'abbaye de Saint Florian.

Pierre Boulez, le compositeur:

Il est impossible de résumer en quelques lignes l'apport de Boulez. L'École de Vienne (Schoenberg, Berg, Webern), Messiaen, Debussy et Stravinsky sont les principales sources occidentales de sa musique. La découverte des musiques non européennes lui a permis de se libérer des conventions de l’Occident. Même si dans le Marteau sans maître, le xylophone est utilisé comme substitut du gamelan et que la percussion évoque l'influence de la musique africaine, ou que l'emploi des steeldrums rappelle celle des caraïbes dans Sur Incises, Boulez réfute tout exotisme imitatif. Obsédé par la volonté de ne laisser que des œuvres parfaites, Boulez modifie, réorchestre ou repense certaines de ses œuvres au cours des années. Ainsi les trois versions de Pli selon pli disponibles dans nos collections montrent trois états différents de la partition. Notations, partition pour piano seul, connaît un nouveau développement au travers d'un travail d'orchestration et d'amplification.

Pour qui veut se lancer dans l'aventure de la découverte du compositeur, je conseillerais de débuter par Rituel, In memoriam Bruno Maderna. L'austère monde sonore et les effets rituels n'ont pas d'équivalent dans la musique de Boulez. L’irrésistible effet d’un refrain des instruments à vent en expansion constante, accompagné par un large éventail de percussions, vous prend à la gorge.

Repons est probablement la partition la plus achevée de Boulez. Il y confronte son langage naturel avec les technologies développées au sein de l’Ircam. Au milieu de la salle se place un ensemble de percussionnistes, entourés par un orchestre de chambre, eux-mêmes entourés par le public. Ces derniers sont entourés par huit solistes et une série de haut-parleurs. Repons dévoile un territoire musical riche et étrange ouvrant sur une nouvelle échelle de l’espace et de l’énergie. La trajectoire est d’une élégante simplicité. Partant d’un monde acoustique pur, l’œuvre va s’enrichir d’effets électro-acoustiques. L’aspect de départ se transforme en un paysage irréel fait de multiples textures où s’entrecroisent les sons réels et les résonances merveilleuses des sons électroniques.

Pli selon pli, inspiré par la poésie de Mallarmé, est l’œuvre vocale la plus ambitieuse de Boulez. Deux pièces orchestrales de plus grande ampleur (Don et Tombeau) entourent trois improvisations où se dévoilent les images du poète. La fantastique sculpture des lignes vocales, les sonorités de percussions métalliques, les explosions éruptives d’énergie montrent Boulez dans son langage le plus typique.

Les trois sonates pour piano illustrent le Boulez des années de sérialisme intégral. L’écriture des deux mouvements de la Première sonate pour piano, écrite par un compositeur âgé de 21 ans, et la Deuxième sonate, de deux ans plus tardive, avec ses lignes déchiquetées et ses explosions de rythmes, sonne comme l’assaut d’un nouveau monde sonore dans la musique classique occidentale. Dans la Troisième sonate, Boulez expérimente le principe de la forme ouverte, c’est-à-dire une œuvre où le déroulement des différentes parties de la partition est laissé à l’initiative de l’interprète.

Ce dossier a été réalisé par

Benoit van Langenhove
PointCulture de Louvain-la-Neuve

avec la collaboration d'Agnès Creteur et de Pierre Watillon 
Service des collections

Pierre Boulez, discographie - Compositeur:







Pierre Boulez, discographie - Chef d'orchestre:

















Pierre Boulez, DVD et Documentaires: 






Pierre Boulez, bibliographie:

Pierre Boulez, auteur

  • BOULEZ, Pierre et GOLEA, Antoine, Rencontre avec Pierre Boulez , Juillard, 1958
  • BOULEZ, Pierre, Relevés d'apprenti, Gallimard, 1966
  • BOULEZ, Pierre et VERMEIL, Jean, Conversations de Pierre Boulez sur la direction d'orchestre , Edition Plume, 1989
  • BOULEZ, Pierre et CAGE, John, Correspondance, Christian Bourgois, 1991
  • BOULEZ, Pierre et SCHARFFNER, André, Correspondance 1954-1970, Fayard, 1998
  • BOULEZ, Pierre et SAMUEL, Claude, Eclats 2002, Mémoire du livre , 2002
  • BOULEZ, Pierre, L'écriture du geste, Christian Bourgois, 2002
  • BOULEZ Pierre, CHEREAU Patrice, PEDUZZI Richard, SCHMIDT Jacques, avec la collaboration de Sylvie de NUSSAC et des textes de François REGNAULT, Histoire d'un "Ring", Bayreuth 1976-1980 , Laffont, 1980
  • BOULEZ, Pierre et DELIEGE, Célestin, Par volonté et par hasard, Le Seuil, 1975
  • BOULEZ, Pierre, Le Pays fertile : Paul Klee, Gallimard, 1989
  • BOULEZ, Pierre, Penser la musique aujourd'hui, Gallimard, 1987
  • BOULEZ, Pierre, Points de repère I : Imaginer, Christian Bourgois , 1995
  • BOULEZ, Pierre, Points de repère II : Regards sur autrui, Christian Bourgois , 2005
  • BOULEZ, Pierre, Points de repère III : Leçon de musique, Christian Bourgois , 2005
  • BOULEZ Pierre, Leçons de musique : deux décennies d'enseignement au Collège de France (1976-1995), Christian Bourgois, 2005
  • BOULEZ Pierre et MEÏMOUN François, Entretien avec Pierre Boulez : la naissance d’un compositeur, Ed. Aedam musicae, 2010
  • BOULEZ Pierre et AKOKA Gérard, Entretiens de Pierre Boulez avec Gérard Akoka : composition, direction d’orchestre et interprétation, Minerve, 2015

 

Livres sur Pierre Boulez

  • GOLEA, Antoine, Vingt ans de musique contemporaine, de Messiaen à Boulez, Seghers, 1962

  • JAMEUX, Dominique, Pierre Boulez, Fayard, 1990

  • MESTON, Olivier, Eclat de Pierre Boulez, Michel de Maule, 2003

  • PUCHALA Veronique, Pierre Boulez à voix nue, Symétrie et France-Culture, 2008

  • STEINEGGER Catherine, Pierre Boulez et le théâtre : de la Compagnie Renaud-Barrault à Patrice Chéreau, Mardage, Wavre, 2012
  • BARBEDETTE Sarah (sous la direction de), Pierre Boulez. Catalogue de l’exposition du Musée de la musique, Paris, Actes Sud, Philharmonie de Paris, 2015

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