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Médiagraphie volcans

éruption du volcan Unzen Hugendake - Gallica-fr - domaine public
Au moment où deux films sur les volcans ('Fire of Love' de Sara Dosa et 'Heimaland' d'Ischa Clissen et Dorus Masure) sortent sur nos écrans, quelques perles de nos collections pour voyager de l'Italie à la Papouasie-Nouvelle-Guinée et de l'Islande à la Nouvelle-Zélande en compagnie de Björk, Roberto Rosselini, Peter Jackson, des B-52s ou de Felix Mendelssohn...

Sommaire

Björk : « Black Lake » (Vulnicura, 2015)

Extrait de l’album Vulnicura dans lequel Björk revient sur sa rupture avec Matthew Barney, Black Lake a bénéficié d’un clip long d’une dizaine de minutes produit par le MoMA dans le cadre de la rétrospective consacrée à l’artiste en 2015.

La chanteuse y apparaît tout d’abord serrée dans un fourreau imitation lave. Prisonnière de la montagne, ses lamentations se détachent avec peine d’une mélodie minimale parcourue d’ondes sismiques et de lointains craquellements. Plus que la souffrance, ce qu’on entend dans cette construction sonore aussi limpide que pleine de sous-entendus, c’est la force de destruction que représente l’amour déçu, son ardeur comme une menace.

Soudain tout vole en éclats. Bleu azur, l’éruption survient sous une pluie d’étincelles. Bleu, c’est aussi la couleur de l’onde de magma qui jaillit entre les blocs de roche. Puis, peu à peu, le calme revient. Parée d’ailes, victorieuse et légère, Björk resurgit au milieu d’un champ couvert de mousses où se distingue encore, par endroits, le relief serpentin des coulées noires, solides à présent.

Entré en éruption quelques années après le tournage, le massif volcanique islandais de Fagradalsfjall est loin de jouer le seul rôle de décor dans le récit de la fin d’un amour. Bien que la symbolique du volcan colle parfaitement au sujet en ce qu’il offre indéniablement un exemple de destruction créatrice, Black Lake n’en fait pas davantage un mode imaginaire sur lequel se vivent les émotions.

Björk personnifie l’Islande, chose que tout le monde sait, leurs qualités expressives s’échangent et se renforcent, en partie sous l’effet d’un exotisme des confins du Nord. À une terre de glace et de feu où la végétation se cale au ras du sol correspond l’anatomie étrange que se donne l’artiste aidée en cela par la technologie, mais aussi la spiritualité, les deux faisant ici bon ménage. Björk, c’est la voix d’un paysage sans demi-mesure, sans dehors ni dedans – l’un étant le miroir de l’autre. Il est certain que le volcan comme métaphore est une image galvaudée. Il fallait toute l’aura de l’artiste, son passeport islandais, pour rendre au phénomène sa valeur d’intensité narrative. [CDP]


Peter Jackson : Le Seigneur des Anneaux : Le Retour du Roi (2003)

En matière de volcans de fiction, difficile de faire l’impasse sur la Montagne du Destin, pierre angulaire de l’inénarrable saga de J. R. R. Tolkien, Le Seigneur des Anneaux. A l’occasion de son adaptation sur grand écran par le réalisateur Peter Jackson, c’est le mont Ngauruhoe qui a servi de décor naturel pour les besoins d’un film essentiellement tourné en Nouvelle-Zélande. Ses flancs lisses et symétriques, particulièrement cinégéniques, ont été retenus afin de matérialiser cet élément-clé de l’univers de l’écrivain britannique, singularisé dans la version livresque par un escarpement sans commune mesure et, surtout, par une absence de végétation caractéristique : de fait, rien ne s'épanouit en pays de Mordor.

Repoussoir absolu du Hobbit moyen, la Montagne du Destin est pourtant la destination vers laquelle sont inexorablement happés Frodon Sacquet et Sam Gamegie, accompagnés – pour le pire davantage que pour le meilleur – par Smeagol alias Gollum. Le volcan est donc ainsi étroitement lié à ce qui apparait comme le principal arc narratif du récit, à savoir l’acheminement et la destruction de l’anneau de pouvoir par une âme dépourvue de vices telle que celle de Frodon. Forgé grâce à son feu, l’anneau procède du volcan autant qu’il lui devra sa fin : l’alpha et l’omega de cette fresque de fantasy relèvent donc, en réalité, moins du premier que du second protagoniste.

Menée à son terme dans le troisième et dernier opus de la saga, Le Retour du Roi, la trame qui mène les deux Hobbits et leur guide vers cette représentation Tolkienienne de l’enfer est dès lors prépondérante : c’est au sein de ce trio de personnages que se montrent, saillantes, les qualités psychologiques du film de Peter Jackson. En effet, pas franchement mises en évidence par l'aspect géopolitique de l’œuvre qui voit faire front humains, elfes et Ents contre l’armée de Sauron en une opposition militaire assez classique, ces dernières se manifestent par la mise en scène du jeu de dupe singulièrement retors auquel se livrent Sam et Smeagol en vue d’obtenir les faveurs de Frodon. Aussi, la quête qui mène le groupe jusqu’au bord du cratère rend presque caduques les intrigues parallèles – lesquelles en deviennent même secondaires – puisque celles-ci dépendent toutes sans exception de la destinée de l’anneau... d’où le nom du volcan! [SD]


Werner Herzog : La Soufrière (1976)

En août 1976, des phénomènes annoncent une éruption du volcan La Soufrière sur l’île de Basse-Terre, archipel de la Guadeloupe (Petites Antilles françaises). Des scientifiques sont sur place et on craint que la montagne entière n’explose avec une force d’au moins cinq ou six bombes atomiques. On évacue 75.000 habitants des environs de la montagne ; toute la partie sud de l’île.

Cet événement fascine brusquement Werner Herzog lorsqu’il lit dans le journal qu’un pauvre paysan vivant sur la pente du volcan avait refusé qu’on l’évacue avec le reste de la population. Il décide de partir le jour-même avec deux cameramen. Le lendemain, la petite équipe se retrouve à Basse-Terre, une localité de 17.000 habitants, complètement abandonnée (y compris des gardiens de l’ordre) parce que considérée comme la plus menacée. Ce no man’s land apparaît comme un rêve (ou un cauchemar) de cinéaste, précisément ce que recherche Werner Herzog : des décors fantômes, post-apocalyptiques, des animaux errants ou morts de faim ; une sorte de science-fiction qui ne se vit que très rarement.

Bien que La Soufrière soit un documentaire, le film s’annonce dès le début comme « Un reportage de Werner Herzog ». Un film pris sur le vif (les caméras, toujours à l’épaule, ne se posent jamais), dans lequel le cinéaste se met en scène à la manière d’un journaliste aventurier, voire un trompe-la-mort, prêt à risquer sa propre vie – ainsi que celles de ses deux opérateurs – pour capter des images incroyables, en train de vivre et relater les événements tels qu’ils se déroulent. Le film est également sous-titré : En attendant une catastrophe inévitable.

Le silence et l’abandon de la ville étaient tels que la curiosité nous prit d’aller découvrir l’endroit qui était à l’origine de tout cela. C’est-à-dire le cratère du volcan lui-même. — Werner Herzog

Sur le chemin, il y a des rencontres avec trois personnes isolées (dont celui qui fut le « déclencheur » de l’aventure), des sortes d’ermites, qui ont décidé de ne pas partir… Et, curieusement, les gesticulations de l’équipe de tournage (observées plus tôt dans le film) deviennent presque dérisoires comparées à la quiétude de ces hommes faisant preuve d’un fatalisme imperturbable…

L’exploit n’a pourtant pas lieu ; Werner Herzog et ses opérateurs ne peuvent atteindre le cratère en raison des émanations toxiques. Restent pourtant les images d’une ville fantomatique et de fumerolles, et l’idée d’un paysage qui entre dans un état d’extase extraordinaire (en opposition à la vie « normale » d’une île tropicale), avec ses gaz toxiques, ses événements sismiques, ses tremblements de terre.

Sur un mode étrangement grandiloquent et ironique (superbes images d’émanations de gaz, musique classique pompeuse), Werner Herzog conclut avec une certaine autodérision : « Pour nous, le tournage de ce film avait quelque chose de pathétique. Ainsi, tout se termina dans l’inanité et le ridicule le plus complet. Cela devenait un reportage sur une catastrophe inévitable qui n’eut jamais lieu. » [MR]


Roger Donaldson : Dante’s Peak (1997)

Quand le volcanologue Harry Dalton (Pierce Brosnan) arrive dans le petit village de Dante’s Peak, il est inquiet. De nombreux signes montrent en effet que le volcan tout proche, en sommeil depuis très longtemps, pourrait entrer en éruption très bientôt. Son chef, Paul Dreyfus, n’y croit pas vraiment mais envoie malgré tout une équipe plus complète sur place. Il refuse cependant d’alarmer la population locale. Dalton s’est entre-temps rapproché de la maire, Rachel Wando (Linda Hamilton) et de ses enfants.

Ce ne serait pas un film catastrophe si le volcan n’explosait pas, et c’est ce qu’il fait, impliquant de nombreuses scènes très prenantes, comme celle où Dalton, Wando, sa belle-mère (qui n’avait pas voulu quitter sa maison) et les enfants fuient en canot sur un lac donc l’eau est devenue acide et qui troue petit à petit le fond de l’embarcation. Il y a aussi de nombreuses scènes invraisemblables : Dalton roule sur la lave, explosant les pneus de son pick-up, mais continue une fois le passage critique dépassé à avancer comme si de rien n’était sur les routes du village enseveli sous la cendre. Il explique aussi à quelle vitesse un nuage pyroclastique évolue (jusqu’à 700 km/h) mais il arrive à fuir avec son véhicule, la nuée de cendres et gaz le talonnant.

Malgré ces aberrations, l’éruption du volcan a été reconstituée avec soin, y compris les signes annonciateurs. Le nuage de cendres semble bien réel, de même que les coulées de lave. Quand les scientifiques du film vont explorer le cratère du Pic de Dante, ils sont réellement dans le Mont Saint Helens (état de Washington) qui a connu une éruption catastrophique le 18 mai 1980. L’Institut d’études géologiques des Etats-Unis a d’ailleurs loué la reconstitution qui est montrée dans le film, la considérant comme très proche de la réalité.

Le film a eu de mauvaises critiques au moment de sa sortie, mais les années 1990 avaient connu pléthore de films catastrophe, et Dante’s Peak était celui de trop. Le revoir aujourd’hui est malgré tout assez intéressant (même avec les invraisemblances), tout particulièrement quand on s’intéresse aux volcans. [ASDS]


The B-52s : « Lava » (1979)

The B-52s - "Lava"

My body's burnin' like a lava from a Mauna Loa
My heart's crackin' like a Krakatoa
Krakatoa, east of Java, molten bodies, fiery lava

Fire, fire, burnin' bright
Turn on your love lava
Turn on your lava light
Fire, oh volcano, over you
Don't let your lava love turn to stone
Keep it burnin'
Keep it burnin' here at home

Oooo Hot Lava
Oooo Hot Lava

My love may be as high as the highest volcano
But the altitude is way too high
Well it gets so cold when you look at me that way---yeah
I just wanna have that hot lava
Lovin' me away

My love's mountin'
My love's eruptin' like a red hot volcano
Fire, oh volcano, over you
I gotta lotta lava love locked up inside me

My love's a lava bomb
Knock you in the head
Knock you in the head
Kick you in the lava bed
Over you, hot lava
Don't let your lava love turn to stone
Keep in burnin'
Keep it burnin' here at home

Oooo it's so hot
It's burnin' up in here
Oooo look out, it's about to erupt
Oooo my body's burnin' like a lava from a Mauna Loa
My heart's crackin' like a Krakatoa

Hot fire, red-hot fire
Lava, ohh, hot lava
Hot lava, red-hot lava
Hot lava, re-e-ed, hot lava
Oh hot lava

I'm gonna let it go
Let it flow like Pompeii or Herculaneum
Let it sizzle, let it rise
Don't let your lava love flow turn to stone
Keep it burnin'
Keep it burnin' here at home

I'm gonna jump in a crater
See ya later
Oooo hot lava
Oooo hot lava
Hot lava
Red hot lava
Hot lava
Red hot lava
Yeah

Conjuguant à merveille fascinations nostalgiques (fétichisme capillaire et vestimentaires, amour pour la pop culture des années 1950 et 1960, le rock’n roll, la surf music, l’exotica, etc.) et accents new wave bien de leur temps, les B-52s se sont formés au milieu des années 1970 sur le campus de l’Université de Géorgie à Athens. On raconte même qu’ils auraient « jammé » pour la première fois ensemble en 1976 après avoir partagé… un « flaming volcano » (déjà un volcan !) dans un restaurant chinois de la ville. Sur leur premier album The B-52s (1979) enregistré par Chris Blackwell à Nassau aux Bahamas figure aux côtés des hits « Rock Lobster » et « Planet Claire », une bouillante et bouillonnante chanson d’amour et de désir intitulée « Lava ». Les paroles nous emmènent à Pompéi et Hercunalum, au pied du Krakatoa (« East of Java, hot lava ») à Hawaï (via le moins connu Mauna Loa) mais aussi en chambre, là où à l’éclairage d’une « lava lamp » il faut entretenir la flamme, ne pas laisser refroidir et se figer ce fluide chaud, synonyme de vie et d’excitation. [PD]


The Volcanos : « Krakatoa » (1996)

The Volcanos est un groupe de surf formé en 1994 à Détroit (Michigan) et apparemment toujours actif aujourd’hui. Ils ont sorti deux albums : Surf Quake ! en 1996 et Finish Line Fever en 1998. Ils jouent une musique instrumentale, aux guitares, s’inspirant du courant surf classique des années 1960 – notamment des sonorités de Dick Dale, des Beach Boys ou des Surfaris. Même si ce groupe est plutôt obscur (l’album est cependant présent dans les collections de PointCulture), le morceau « Krakatoa » vient à point nommé pour parler des volcans, renvoyant à l’éruption violente en 1883 du Krakatoa situé dans le détroit de la Sonde, entre Sumatra et Java. Cet événement a été extrême : il a provoqué un tsunami et plusieurs dizaines de milliers de personnes ont été tuées. Les effets ont été ressentis jusqu’en Europe où les cendres en suspension dans l’atmosphère ont perturbé le climat pendant plusieurs années. [ASDS]


Roberto Rosselini : Stromboli (1949)

Confrontation entre deux mondes, le film voit une jeune femme indépendante, Karin (Ingrid Bergman), accepter d’épouser Antonio (Mario Vitale), un pêcheur sicilien pour échapper à la prison. D’origine lithuanienne, elle a été capturée après la guerre et jugée comme collaboratrice pour sa liaison avec un officier allemand. Le marin la ramène dans son village situé sur l’île de Stromboli, au pied du volcan. Là la jeune femme découvrira un univers austère, et un voisinage méfiant et superstitieux. Son intégration dans un climat hostile, auprès de gens dont elle ne comprend ni la langue ni la culture, sera quasiment impossible et ses relations avec son époux vont rapidement dégénérer.

Conçu à la base comme un film destiné à mettre en avant l’actrice principale dans sa première collaboration avec le réalisateur Roberto Rosselini, le film est par ailleurs extrêmement intéressant pour le traitement qu’il fait de l’île de Stromboli. Filmé sur un mode presque documentariste, il comporte de nombreuses scènes indépendantes de l’action, montrant la vie du village et de ses habitants. On y voit notamment une pêche au thon à la madrague, typique de la région, et une éruption du volcan, qui eut réellement lieu pendant le tournage et permit de filmer les opérations d’évacuation des villageois.

Ces scènes contribuent à la reconnaissance de ce film comme un des plus importants films du néo-réalisme italien. A l’exception d’Ingrid Bergman et de quelques personnages, la plupart des rôles sont joués par les vrais habitants de l’île, y compris le premier rôle masculin, Mario Vitale, un pêcheur découvert durant les repérages par le réalisateur, et qui poursuivra par la suite une carrière d’acteur auprès d’autres réalisateurs comme Luciano Emmer ou Sergio Corbucci. [BD]


Vittorio De Seta : Îles de feu (1955)

De 1954 à 1959, uniquement dans le Sud et dans les marges de l’Italie (Sicile, Calabre, Sardaigne), Vittorio De Seta enregistre sur la bande magnétique et la pellicule Ferraniacolor les dernières palpitations d’un monde (rural, traditionnel, artisanal, manuel, dialectal, etc.) vieux de plusieurs millénaires et en train de disparaître. En décembre 1954, alors qu’il filme les pêcheurs à l’espadon en mer non loin de là, le Stromboli entre en éruption – l’une de ses plus violentes du vingtième siècle. Après quelques repérages sur place puis la fin du tournage de son film en cours, De Seta décide de consacrer un court métrage aux relations entre les insulaires et le volcan. Isole de fuocco suit – presque – le canevas de la dizaine de courts métrages qu’il tourne à cette époque : huit à dix minutes de durée (« condenser un monde en dix minutes » – De Seta), le titre – toujours dans la même typo –, un assez court carton explicatif (où ? qui ? quoi ?) qui permettra ensuite d’éviter le discours surplombant d’une voix off (« privilégier une culture locale méprisée en mettant de côté la culture métropolitaine présomptueuse » - id.), etc. Dès le carton d’ouverture De Seta évoque la migration de nombreux habitantes vers le continent et dans le film, à part une séquence en famille avec les femmes et les enfants, il filme plutôt les hommes de dos ou à contrejour, comme des silhouettes un peu fantomatiques. Par rapport à d’autres de ses films qui peuvent dérouler un fil plus linéaire avec un début, un milieu et une fin (exposant au spectateurs une méthode de pèche ou un rite traditionnel de passage des saisons par exemple), il procède ici plutôt par allers-retours, par ping-pong entre la mer et la terre, entre les embarcations au large des îles, les villages au flanc de la montagne, l’orange incandescente de la lave projetée hors du cratère, les fumées, les nuages, la tempête qui se lève… [PD]


Geir Jenssen : Stromboli (2013)

Le musicien norvégien Geir Jenssen, plus connu sous son pseudonyme de Biosphère, est également un alpiniste confirmé. Il a ainsi gravi en 2001 le mont Cho Oyo au Tibet, une escalade à 8201m d’altitude dont il a tiré un album de field recording. Sur ce disque il s’attaque à une autre montagne, le Stromboli, un volcan culminant à 926 mètres sur l’ile du même nom, au large de la Sicile. Sa dernière éruption date d’avril 2009, mais son activité constante est visible de loin depuis la mer qui entoure l’île, et lui a valu le surnom de « phare de la Méditerranée ». Une première écoute aveugle, dans l’ignorance des circonstances de l’enregistrement, pourrait laisser croire qu’elles donnent à entendre le ressac, quelque part en bord de mer, et pourtant ce bouillonnement mystérieux a bien été enregistré au bord du cratère, à quelques pas de la lave en fusion. Le tumulte des bulles de flammes qui éclatent de manière imprévisible à intervalles irréguliers renforce alors la conscience du danger, qui ajoute au disque son caractère exceptionnel.

La seconde piste du disque reproduit la même séquence de prise de sons, traitée selon un mode tout autre et qualifié de version dub de la première. Jenssen retravaille les détails de sa prise d’origine en tirant parti de la focalisation de son micro-canon pour réaliser une version hyperréaliste – c'est-à-dire volontairement trafiquée - du paysage qu’il a capté. Les sons et les évènements ne sont plus à leur place, rigidement fixés dans un plan stéréo, mais se déplacent, de manière non-naturelle, se répètent, flottent brutalement d’une oreille à l’autre, bouillonnent autour de l’auditeur, et souligne le sentiment de menace permanente de ces micro-éruptions. Si la première face se veut simple observation objective, la seconde, par un artifice esthétique, par une mise en scène musicale, place le spectateur au cœur de l’action. [BD]


Nanni Moretti : Journal intime (1993)

Les îles Éoliennes sont un archipel volcanique au nord de la Sicile. En 1993, l’acteur et réalisateur Nanni Moretti sort sa version – plutôt Art et Essai et grand public – d’un journal intime cinématographique. Le film – « à sketches » – est constitué de trois parties.

L’épisode central, intitulé « Les Îles », au cours duquel Moretti se rend sur l’île de Lipari pour écrire un scénario, est le plus clairement comique des trois. Parti sur lîle pour retrouver un ami s’y étant retiré au calme depuis onze ans pour étudier Ulysse de Joyce, Moretti y découvre, de jour comme de nuit, des embouteillages et des concerts de klaxons qui obligent les deux intellectuels à fuir. Tourisme de masse (Lipari), dictature des enfants rois (Salina), superficialité mondaine (Panarea), mégalomanie du maire et hostilité des habitants (Stromboli), ascétisme trop radical (Alicudi) : les deux comparses sont constamment insatisfaits, visitent presque toutes les îles habitées de l’archipel et passent presque plus de temps sur les ferrys et hydroglisseurs qu’à terre.

Sur les trois premières îles, ils restent au port, au niveau de la mer ; le relief volcanique n’est qu’un décor en arrière-plan (comme dans les deux belles scènes du terrain de football désaffecté à Salina). Ce n’est qu’à Stromboli puis à Alicudi qu’ils montent jusqu’au bord du cratère du volcan (pour… y discuter de la série Amour, gloire et beauté – l’épisode est aussi une réflexion sur l’emprise de la télévision) et gravissent les chemins de pierre escarpés de la plus reculée et sauvage des îles Éoliennes. [PD]


Gilnata Stringband : « Tavurvur » (2005)

Situé en Nouvelle-Bretagne, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, le Tavurvur est un volcan très actif, un maillon de la ceinture de feu du Pacifique qui contourne l’océan depuis la Nouvelle-Zélande au Chili, en passant par le Japon et l’Alaska. Au 20e siècle, une importante éruption a eu lieu en 1937. Pendant la Seconde Guerre mondiale, une base militaire japonaise contrôlait la région, qui par la suite a été lourdement bombardée par les troupes américaines. La dernière éruption date de 2014, mais cette chanson en son honneur relate la destruction de la région en 1994. La ville principale, Rabaul, a été construite au fond d’un golfe, mais celui-ci est en fait l’ancienne caldeira d’un volcan préhistorique et il s’agit donc de l’unique ville au monde construite à l’intérieur du volcan. Elle a été rasée à 80% et le peuple Tolai en a grandement souffert. Bob Brozman s’est intéressé à la région parce c’est le premier endroit du pays où ont été diffusées les guitares, quelque part au 19e siècle, et la musique qui y est jouée rappelle les airs hawaïens des années 1860 ou encore ceux du Mexique des années 1830. Il a voulu préserver cette tradition menacée par la modernité. Les groupes actuels sont en général composés de plusieurs guitares, dont une qui joue la basse, d’un ukulélé et de plusieurs chanteurs. Leur musique est souvent très joyeuse, créant un certain optimisme dans un environnement difficile.

« Tavurvur » est présent sur le disque Songs of the Volcano du Papua New Guinea Stringbands with Bob Brozman, accompagné d’un dvd avec de nombreuses images du Tavurvur. [ASDS]


Felix Mendelssohn : ouverture Les Hébrides : La Grotte de Fingal - (1830-1832)

Comme il était d’usage au XIXème siècle, Mendelssohn entreprit à l’âge de vingt ans un « Grand tour », parcours initiatique et passage hautement recommandé pour les fils de bonne famille et les artistes, en vue de parfaire leur éducation. Le jeune compositeur visita à cette occasion l’Angleterre, l’Écosse et le Pays de Galles. Il en revint avec les esquisses de ses trois dernières symphonies et une ouverture pour orchestre inspirée par les paysages sauvages de l’île de Staffa, située à l’ouest de l’Écosse et appartenant à l’archipel des Hébrides.

Cette île inhabitée est née d’une série d’éruptions volcaniques qui ont façonné ses falaises en centaines de piliers de basalte, offrant une vue proprement inouïe à ses visiteurs. Ces murailles abritent aussi la très célèbre grotte de Fingal, profonde de 70 mètres et dont les parois volcaniques réverbèrent le bruit des vagues. On sait que Mendelssohn l’a visitée lors de son excursion à Staffa et qu’il en fut fort impressionné.

L’ouverture Les Hébrides, d’abord titrée L’Île solitaire, est considérée comme le « premier grand tableau marin de la musique romantique » (Marc Vignal). Le bruit du vent et des vagues est figuré par des séries répétées de courtes gammes, des grands élans mélodiques sur un soubassement obstiné des cordes en doubles croches. Une partition nerveuse qui rend bien l’univers marin sauvage dans lequel baigne l’île. [NR]


Jon Leifs : « Hekla » (1961)

Au pays du mont Hvannadalshnjúkur, et de la calotte glaciaire célèbre de l’Eyjafjallajökull, les volcans Prestahnjúkur, Öræfajökull, Tungnafellsjökull, Loki-Fögrufjöll et Theistareykjarbunga ont souvent plus de lettres que d’éruptions vraiment violentes.

À l’inverse, le volcan Hekla est l’un des plus actifs du pays, avec plus de vingt éruptions depuis le IXe siècle. Avec sa forme de bateau renversé, dont la quille est en fait une série de cratères, cet « énorme enfer » ou « prison de Judas », nommé ainsi jadis, eut une éruption incroyable en 1947 : un peu avant sept heures du matin, les Islandais se réveillèrent avec un grondement formidable. Ils sont secoués par plusieurs éruptions qui s’entendent dans l’île entière. Une bombe de lave atterrit à plus de trente kilomètres du volcan et plusieurs autres suivent, tandis que des cendres sont projetées et couvrent d’un mètre d’épaisseur le volcan voisin. Dans le ciel, le panache volcanique atteint la stratosphère.

Le compositeur, Jon Leifs (1899-1968), si attaché à sa terre dont il tira l’essentiel de son inspiration, ne pouvait être qu’abasourdi et interdit devant ce phénomène naturel ahurissant. Il en tira Hekla, pour orchestre et percussions, certainement la plus emblématique de ses œuvres.

Pendant une minute et quarante-deux secondes, le volcan ne se manifeste pas encore : l’introduction, jouée aux bois et aux cuivres, avec quelques violons, installe une atmosphère lourde et tendue. Le magma monte. Les timbales martèlent ensuite d’un tempo régulier, qui s’accélère subitement. La tension gagne en puissance avec l’ensemble des cordes. Puis la cloche sonne. C’est le début de la récréation. Les basses et les grondements se font entendre, des changements d’intensité et d’instruments font éruption, secouent l’orchestre. Par des accords violents éclatant sur l’auditeur intrigué, l’assourdissant et le déchaîné se met en place. Cloches, pierres, enclumes, … les percussions tonnent, les violons s’accrochent dans ce déluge de coups, de sons, qui s’arrête et reprend aussitôt.

Ce n’est pas l’orage de Eine Alpensinfonie de Strauss, ni la tempête de Sibelius. C’est pire… À cette écoute, on ne peut que tressaillir. Leifs a réussi à nous faire ressentir ce qu’est l’Hekla, et avec quel éclat ! [DM]


Paul W.S. Anderson : Pompei (2014)

Pompei relate les derniers jours de la ville romaine rasée par une éruption du Vésuve en 79 ap. J-C, en contant l’histoire de l’esclave gladiateur celte Milo (Kit Harington) qui tombe amoureux de la belle Cassia (Emily Browning). Le réalisateur Paul W.S. Anderson s’est inspiré du couple enlacé qu’on a retrouvé dans les fouilles de la ville et a inventé une histoire autour de celui-ci. Le récit accumule les clichés et les invraisemblances : une révolte celte qui est matée (historiquement, il n’y en a pas eu à cette époque), le méchant (Kiefer Sutherland) est très méchant et massacre une famille patricienne, le gladiateur noir vient en aide au blanc (alors qu’aucune source ne rapporte la présences d’Africains à Pompéi à cette époque), le sénateur fait un baisemain à sa belle (l’apparition du baisemain est bien plus tardive)… Et même au niveau de la reconstitution de l’éruption, le film accumule les écarts par rapport à l’histoire : un tsunami n’a jamais détruit le phare (qui était d’ailleurs inexistant) ni déferlé sur la ville, l’amphithéâtre n’a pas été démoli par un séisme mais bien recouvert de cendres, il n’y a jamais eu de boules de lave… Les effets spéciaux ont pourtant été réalisés en s’inspirant de diverses éruptions récentes mais en cours de route, la réalité historique a complètement été oubliée, au profit d’effets dramatiques. Dommage. [ASDS]


Danser sur un volcan avec Françoise Hardy, La Maison Tellier, Genesis

C’est un monde instable, volatile, sur les braises encore fumantes d’une pandémie, à l’odeur de soufre des guerres, sous un climat qui monte et gronde. C’est un ancien volcan, mais il bat la chamade, sous le souffle des vents, on danse, on se "ballade"…

« Danser sur un volcan », ou comment ne pas se rendre compte du péril présent, fut prononcé en 1830 lors d’une réception en l’honneur du roi de Naples, alors que la révolte couvait alentour. Cette expression interroge notre rapport au monde actuel, évoque la chute imminente à un moment où tout peut encore se jouer. Alors, on danse ?

Françoise Hardy - "Sur quel volcan ?"

J'emprunte des passages, des allées

Je capte des messages, des secrets

Dans cet espace en filigrane

Verrai-je un morceau de votre âme ?

Sur quel volcan
Allons-nous danser
Vous et moi ?

A quels dépens ?

Qui va s'y brûler :

Vous ou moi ?

J'emprunte des passages condamnés

Où gronde un orage annoncé

Le feu qui couve et le scandale

Bientôt détruiront votre bal

Sur quel volcan

Allons-nous danser

Vous et moi ?

A quels dépens ?

Qui va s'y brûler :

Vous ou moi ?

Les beautés qui se cachent

Sont celles auxquelles je m'attache

Sur quel volcan

Allons-nous danser

Vous et moi ?

A quels dépens ?

Car tout va brûler

Brûle déjà...

En 2004, Françoise Hardy, ébranlée par un cancer, se trouve en filigrane de sa vie et évoque ce séisme par Tant de belles choses. « Sur quel volcan ? » exprime la possibilité de vivre encore une histoire, qu’on sait périlleuse, qu’on devine fatale « car tout va brûler. Brûle déjà... ».

La Maison Tellier - "Sur un volcan"

Danser, nous dansons souvent
Au bord du cratère
Sur un volcan

À quoi sert notre venue

Oh danser, danser

Tout est perdu

Secouer, secouez-moi tout ça

Le charme discret

Le calme plat

A quoi sert notre venue

Oh danser, danser

Tout est perdu

Dansez

Le tigre a faim

Dansez

Vous n'avez plus rien

Dansez

Petits bouts de chair

Dansez

Au bord du cratère

En l'air

Nous ne cramons pas

Ni la poussière

Ni le magma

A quoi sert notre venue

Oh dansez, dansez

Tout est perdu …

D’un fatalisme assumé, les Rouennais de La Maison Tellier échappent à la gravité. La mélodie de « Sur un volcan » (2013) nous transporte bien au-dessus du niveau des maux, « en l’air, nous ne cramons pas ». Légère et positive, entrainante même (encore plus dans sa reprise par Nazca), elle relativise la question de notre venue, alors que nous dansons sur un volcan. Les paroles rappellent aussi le choix de deux destins posés par Barjavel, périr ou s’élancer et répandre la vie [1].

Genesis : "Dance on a Volcano" [traduction]

Sainte Mère de Dieu

Il faut aller plus vite que cela pour arriver au sommet.

Sale vieille montagne

Toute couverte de fumée,

Elle peut te transformer en pierre

Donc il vaut mieux commencer à bien faire les choses

Mieux de commencer à faire les choses correctement.

Tu es à mi-chemin et tu es à mi-course

Et le bardas sur le dos qui te fait tourner.

Jette-le, tu n'en aura pas besoin là-haut, et souviens-toi

Ne regarde pas en arrière quoi que tu fasses

Mieux de commencer à faire les choses correctement.

Sur ta gauche et à ta droite

Les croix sont vertes les croix sont bleues

Tes amis n'ont pas survécu.

Hors de la nuit et de l'obscurité

Dans le feu et dans la lutte

Ho! Ho! Ho! Eh bien, c'est la façon dont les héros vont,

À travers une fissure dans la Terre-Mère,

Lame chauffée à blanc, la roche en fusion

Se déverse sur la terre.

Et la lave est l'amant qui lèche les bottes de fuite,

Si tu ne veux pas bouillir ainsi,

Mieux vaut commencer la danse

Tu veux danser avec moi ?
Tu ferais mieux de commencer à le faire correctement
La musique joue, les notes sont justes
Mets ton pied gauche en premier et déplace-toi vers la lumière
Le bord de cette colline est le bout du monde
Et si tu vas te croiser, tu ferais mieux de commencer à le faire correctement
Mieux vaut commencer à bien faire les choses


Mieux vaut commencer à bien faire les choses
Que la danse commence…

Genesis offre une autre approche de la « Dance on a Volcano », en 1976, sur leur premier album post-Gabriel.

Parallèlement à la guerre de 14-18, à laquelle font référence les croix de couleur et les amis qui n’ont pas survécu, la chanson propose une solution pour sortir de la menace : se conduire en héros, en escaladant le volcan, en jetant tout ce qui est inutile et sans regarder en arrière [2]. Alors, tels le prisonnier de Platon qui grimpe vers le sommet : « Avance dans la lumière, le bord de cette colline est le bord du monde… Que la danse commence. »

Et tous les désastres, et toutes les peines ? Y songes-tu ?
Alors, on danse ! [DM]


[1] « Dansez, le tigre a faim » fait penser à l’essai de René Barjavel « La faim du tigre » (1966) qui se penche sur la violence inhérente à toute vie et le sens à donner à celle-ci.

[2] Genesis rappelle l’épisode de la Genèse où Dieu, avant la destruction de Sodome, donna pour consigne à Loth et à sa famille, de fuir le plus vite possible vers les montagnes et surtout de ne pas regarder en arrière.


Une médiagraphie de l'équipe rédactionnelle de PointCulture : Catherine De Poortere, Anne-Sophie De Sutter, Nathalie Ronvaux, Philippe Delvosalle, Simon Delwart, Benoit Deuxant, Daniel Mousquet et Marc Roesems.

image de bannière : Carte de la presqu'île de Shimabara dans la province de Hizen de l'île de Kyûshû et qui montre la catastrophe d'une éruption du volcan Unzen Hugendake (gallica.fr - domaine public)

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