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L’incarcération. Qui est In ? Qui est Out ?

Prison
La prison. Comment y entrer, en sortir ou s’en évader, comment la vie du dehors influe sur la vie du dedans ? L’importance et la complexité de cette thématique n’ont jamais échappé au cinéma de fiction qui s’en est servi à l’envi pour illustrer le propos même, utiliser narrativement ses contraintes ou les transformer en métaphores dans d’autres discours. Le documentaire, quant à lui, s’est fait le témoin d’une condition sociale qui, de pays en culture, offre une géographie des travers bruts et impactants de l’humanité. A l’initiative du Delta, l’espace culturel de la province de Namur, cette médiagraphie s’intéresse à l’incarcération, à son univers social particulier et ses rapports à la liberté comme au monde au-delà des murs.

Sommaire

Stéphane Mercurio : A côté (2007)

A côté de la prison pour hommes de Rennes, existe un lieu pour les familles des détenus, véritable bulle où leurs paroles peuvent être accueillies par les bénévoles, sans jugement, avant ou après l’heure du parloir. La réalisatrice choisit d’y poser sa caméra et prend le temps d’écouter. Des photos et une bande-son très travaillée égrènent la narration et témoignent de ce temps comme suspendu. Jamais l’emprisonnement de l’être aimé n’est remis en question, mais la réalisatrice parvient à rendre perceptibles les sentiments de colère ou de déception ressentis par les proches : l’arbitraire, les transferts non communiqués, les interdits parfois absurdes. En filigrane se déploient la réalité carcérale et la solitude des proches. Et des interrogations : que ferions-nous à la place de ces femmes, dont la patience et l’amour sont sans cesse soumis à l’épreuve ? Est-ce que nos maisons d’arrêt sont dignes de nos démocraties ? Parler de la prison sans s’y rendre, en se basant sur les témoignages des familles, tel est le pari réussi de Stéphane Mercurio. Pas de démagogie, mais un film touchant et intime, qui donne à voir en miroir une réalité trop souvent mise à l’abri des regards. (MB)

Les frères Taviani : Cesare deve morire (César doit mourir) (2012)

Au sein du quartier de haute sécurité de la prison romaine Ribibbia, les frères Taviani mettent en scène le processus de création du spectacle Jules César de Shakespeare avec, pour acteurs, des détenus qui encourent des peines allant de douze ans de prison jusqu’à la perpétuité.

« Combien de fois César devra-t-il saigner sur scène… comme aujourd’hui… dans notre prison ? » Ce docu-fiction, aussi déchirant que passionnant, oscille entre la couleur pour les scènes de théâtre et un noir et blanc légèrement bleuté pour les flash-back. Il confond, dans un résultat troublant et presque indifférencié, le jeu d’acteurs avec la sensibilité, les failles et les confessions de ces condamnés. Un processus qui force l’amalgame des personnages du drame avec la vie de ses interprètes qui livrent ici, devant la caméra et sans économie, un travail d’une intensité féroce, surprenante.

Ce film, hors mesure, exemplifie merveilleusement à quel point l’art est salvateur, libérateur de toutes contraintes. (JJG)

Frédéric Fonteyne : Tango Libre (2012)

Avec le réalisateur belge Frédéric Fonteyne, une chose est incontestable, il aime mettre en scène des relations amoureuses complexes et rarement monogames. C’est avec ses acteurs fétiches, Sergi Lopez et Jan Hammenecker, qu’il peint le tableau d’un quatuor amoureux entravé. JC est un gardien de prison taiseux dont la vie morne se confond avec le gris des cellules qu’il surveille. Le seul moment de détente qu’il s’accorde est un cours de tango où il rencontre la belle Alice. Dès le lendemain, il réalise qu’Alice est à la fois la femme d’un de ses détenus, Fernand, et la maîtresse d’un autre, Dominic, deux amis et complices tombés pour un casse raté. Fernand, conscient de ce qui est en train de se passer hors de l’enceinte de la prison, demande à d’autres détenus argentins de lui apprendre le tango. Quoi de mieux pour faire l’apologie de l’art créateur de liens, de l’amour pluriel et de la liberté, que de les entraver au sein d’un établissement carcéral, entre les moments de parloirs, la vie en cellule et la vie en dehors ? (JJG)

Robert Bresson : Un condamné à mort s’est échappé (1957)

Dès l’ouverture du film, le lieutenant Fontaine tente de sauter de la voiture qui le conduit à la prison. La fuite constitue d’ailleurs toute la dramaturgie de ce chef-d’œuvre d’une sobriété parfaite, à l’esthétique dénudée de l’inutile et à la rythmique particulière, égrainée par la répétition des scènes et le son des exécutions qui se succèdent dans la cour.

Même si cette adaptation du livre d’André Devigny semble au premier abord sombre par l’austérité bressonienne antinaturaliste, elle est au contraire l’expression positive de l’intelligence et de la détermination de son héros méthodique. Voire, cet ascétisme de l’image produit une forme de lyrisme paradoxal. C’est une hypnose qui nous happe. Au-delà du récit d’incarcération classique auquel nous nous attendons d’un tel intitulé, c’est l’exaltation de la volonté individuelle qui est mise en avant, faisant ainsi de l’insoumission le garant de la liberté pleine. (JJG)

Jean Renoir : La Grande Illusion (1937)

Deux ans avant la deuxième Guerre Mondiale, Jean Renoir signe, avec La Grande Illusion, non seulement un des plus grands chefs-d’œuvre du cinéma français, mais aussi un film pacifiste et social. En 1917, trois militaires français sont faits prisonniers : l’aristocrate Boëldieu, le contremaître Maréchal et le banquier juif Rosenthal. Dans le camp, à travers les activités diverses des prisonniers, les classes sociales se brassent et fraternisent. Mais tous gardent en tête l’idée d’évasion et la chambrée creuse un trou sous le plancher. Le jour de leur fuite, les voilà déportés dans un autre camp placé sous l’autorité du commandant von Rauffenstein. Aristocrate lui aussi et homme d’honneur, il considère ses prisonniers avec respect et humanité, et en particulier Boëldieu avec qui il entretient des conversations sur la guerre, leur situation sociale, la fin d’une certaine bourgeoisie. Pourtant, chez les officiers français, le désir de fuir ne tarit pas, mais le plan ne peut fonctionner que pour deux d’entre eux. Avec ce film, Jean Renoir réussit dans un univers clos à décrire l’ensemble de l’humanité en offrant une ouverture vers l’extérieur, l’espoir d’un monde plus égalitaire où la guerre n’aurait plus lieu d’être. Le titre ne démentira malheureusement pas l’Histoire qui arrive à grands coups de bottes. (JJG)

Jean Genet : Un chant d’amour (1950)

Filmé en 1950 dans l’illégalité totale, Jean Genet réalise ce magnifique court métrage esthétique et troublant, sachant que toute diffusion serait impossible puisque l’expression publique de l’homosexualité était alors sévèrement condamnée.

Deux prisonniers, enfermés dans des cellules adjacentes, sont en prise avec leur désir amoureux. Par un trou percé dans le mur qui les sépare, sous l'œil du gardien qui les épie, ils vont établir une communication érotique. L’incarcération et sa claustrophobie sont filmées comme sources d’un phantasme propice au rêve, à la libération. Le film dénonce aussi l’homophobie politique et sociale qui est sans doute la raison de la condamnation des personnages : leur amour passionné. (JJG)

Jacques Audiard : Un prophète (2009)

A la fois véritable polar et description réaliste de la balance des forces qui président la vie en prison, avec Un Prophète, Jacques Audiard s’intéresse aux rapports de dominations entre prisonniers, aux réseaux illégaux du grand banditisme qui perdure entre les murs, à la corruption omniprésente. Mais il dresse aussi en détail le portrait de son personnage principal qui, en dehors de toute attente, utilise toutes ces contraintes systémiques pour en faire une force qui le conduit vers la sortie.

Malik El Djebena, 19 ans, vient d’écoper de six ans de prison pour des larcins sans envergure. Jeune, seul et sans recours, le voilà obligé de rester en vie dans un milieu carcéral dont il n’a, a priori, pas les codes. C’est en devenant l’homme à tout faire du parrain de la mafia corse que l’élève va dépasser le maître. D’une densité remarquable, le film canalise autant de noirceur que de lumière pour dépeindre un monde absolu, d’un gris confondant où tout doit se gagner par la douleur, physique et morale à la fois. (JJG)

Didier Cros : Sous surveillance (2010)

Fait extrêmement rare, le réalisateur Didier Cos a obtenu la permission d’explorer le monde carcéral par le biais du parloir. Le quotidien très cadré du détenu est renforcé par les éléments du décor : encadrement de portes, fenêtres grillagée, caméras de surveillance… Un règlement d’ordre intérieur, qui rythme la vie des prisonniers et leur famille en visite, est régulièrement rappelé. Une esthétique aux couleurs sombres et aux accents numériques renforce ce sentiment de confinement.

Le spectateur, quant à lui, observateur de cette scène au temps limité dans un espace clos au décor nu, se retrouve au plus près des corps et des visages des familles, au cœur des paroles échangées. Ces dernières révèlent en creux deux temporalités différentes : celle figée du détenu et celle de la famille, tournée vers l’avenir. Ces moments tant attendus deviennent sources de tensions et d’incompréhensions mutuelles. En filmant cet espace/temps, en écoutant la parole des détenus et de leurs proches avec respect, le réalisateur offre aux citoyens la possibilité de penser la prison autrement que par la sanction, et par là rend sa dimension humaine à la personne incarcérée. (MB)

Emmanuel Courcol : Un triomphe (2020)

Un triomphe est inspiré d’une histoire vraie qui s’est déroulée en Suède dans les années 80. Un acteur (ici joué par Kad Merad) accepte, pour des raisons financières, d’animer un atelier théâtre en prison. Surpris par les talents de comédien des détenus (dont on ne connaît pas le parcours), il se met en tête de monter avec eux une pièce de théâtre. Le choix se porte sur la pièce de Samuel Beckett « En attendant Godot », dont le récit fait écho au vécu des détenus (attentes répétées, ennui, univers absurde…). D’abord récalcitrants, les prisonniers se prêtent au jeu, la scène jouant le rôle de catalyseur pour un retour progressif à la dignité humaine. De son côté, l’animateur parvient à relever le défi en surmontant les nombreux obstacles administratifs et en transmettant le souffle de sa passion à ces êtres écorchés vifs, qui finalement lui ressemblent. Un film sensible et généreux, porté par une mise en scène dynamique aux dialogues ciselés, qui nous rappelle que le travail artistique est le fruit d’un long processus qui exige patience et détermination. (MB)

Jim Jarmusch : Down by Law (1985)

C’est dans une poésie noire et blanche qui lui est propre que Jim Jarmusch confirme, avec ce deuxième long-métrage, qu’il fait partie du renouveau du cinéma américain des années 80. Avec Down by Law, il aborde l’un de ses thèmes de prédilection, l’errance, dont la prison fait ici entièrement partie. Usant de longs plans-séquences et des travellings latéraux contemplatifs, le réalisateur prend tout son temps pour se concentrer sur les rapports humains entre ses personnages plutôt que sur son intrigue propre. Jack, petit proxénète, se retrouve emprisonné avec Zack, un DJ désabusé, alcoolique notoire. Ils communiquent difficilement dans cette petite cellule morne d’une prison de la Nouvelle-Orléans. C’est avec l’arrivé de Bob, un touriste italien accusé de meurtre, rêveur et fantasque, que les trois personnages vont finalement se souder et s’échapper. Les voilà alors au centre du bayou pour, d’épreuve en épreuve, tel un voyage initiatique, traverser les méandres de ce marécage métaphorique. Un film culte. (JJG)

Hector Babenco : Le Baiser de la femme araignée (1985)

Dans une prison brésilienne, sous la dictature, deux hommes partagent la même cellule. Valentin est un prisonnier politique et est régulièrement soumis à la torture ; Molina est homosexuel et incarcéré pour une affaire de mœurs. Malgré leurs différences de caractère, de classe et de condition, la méfiance et l’animosité entre les deux détenus va progressivement laisser la place à une forme de solidarité, voire d’amitié. Pour meubler leur ennui, Molina raconte à Valentin ses rêves, peuplés d’images de vieux films kitsch et sentimentaux qu’il rejoue à sa façon, comme seul moyen d’évasion. Il y réinvente son film préféré, un film de propagande nazi dont il n’a retenu que l’ambiance romantique et qu’il adapte pour y inclure leur histoire. Basé sur le roman de Manuel Puig et interprété par William Hurt et Raoul Julia, le film est une histoire d’amitié, de trahison, de sacrifice, opposant la dureté de la réalité à l’échappatoire du cinéma et de l’imaginaire. (BD)

John Ford : The Prisoner of Shark Island (Je n’ai pas tué Lincoln) (1936)

En 1865, quelques heures après l’assassinat du président Lincoln, le docteur Samuel Mudd soigne un homme qui sonne à sa porte, ignorant qu’il s’agit du meurtrier, John Wilkes Booth. Accusé d’avoir aidé le fuyard, clamant son innocence, Mudd est sommairement jugé et envoyé en prison dans une île, Shark Island, entourée d’une mer infestée de requins. La vie y est dure, les hommes sont enchaînés et mis au cachot à la moindre tentative d’échappée. C’est finalement grâce à sa lutte contre une épidémie de fièvre jaune qu’il sera libéré. Basé sur une histoire vraie, le film insiste sur l’innocence du médecin alors qu’elle n’a jamais été prouvée dans les faits. Si John Ford a l’art de filmer, avec des jeux d’ombres et de lumières, il perpétue toutefois le racisme ambiant de l’époque, comme si l’esclavage n’avait pas encore été aboli, dépeignant les Noirs comme de grands enfants ayant besoin de l’aide paternaliste des Blancs. (ASDS)

Martin Scorsese : Shutter Island (2010)

À 18 km au large de Boston, deux marshals américains s’apprêtent à accoster sur Shutter Island, où a été édifié un hôpital psychiatrique réservé aux malades les plus dangereux. L’apparition de l’île coïncide avec les accords sinistres de la Troisième symphonie de Penderecki, donnant le ton au reste du film. Ce petit bout de terre, hérissé de hautes falaises, semble dissimuler tout le désespoir du monde. Sur le point d’aborder, le capitaine du ferry explique aux marshals que l’île ne possède qu’une seule voie d’accès : le dock. L’escarpement des falaises et la végétation épineuse rendent toute tentative d’évasion impensable. Teddy Daniels et son coéquipier Chuck Aule sont chargés d’enquêter sur la mystérieuse disparition d’une des patientes de l’établissement. Seul indice de départ : une feuille de papier retrouvée dans sa cellule, sur laquelle sont griffonnés des lettres et des chiffres énigmatiques. L’enquête conduira à un très surprenant dénouement. Un thriller psychologique diablement efficace ! (NR)

Daniel Monzón : Celda 211 (2009)

Film d’insurrection face à la violence carcérale, Celda 211 est un polar dénonciateur multi-récompensé, au scénario aussi claustrophobe qu’haletant et au discours brutal sur la condition humaine. Une question domine le film : qui, des hommes enfermés ou de la hiérarchie, les dits « gardiens de cage », sont les plus violents, les plus bestiaux ?

Lors de sa première visite de la prison, Juan, qui doit devenir le lendemain un nouveau maton, se fait enfermer accidentellement dans la cellule 211 alors qu’une mutinerie commence. Les prisonniers, menés par l’emblématique Mala Madre, demandent un changement radical des conditions de vie. Pour être entendu, celui-ci propose de prendre en otage les membres de l’ETA incarcérés dans la même prison. La situation devient alors éminemment politique et le gouvernement s’en mêle. Au centre de la révolution, Juan, qui a réussi à se faire passer pour un nouveau prisonnier, s’aperçoit que les mauvais ne sont pas nécessairement ceux que l’on croit. A noter, l’incroyable travail de composition d’un Luis Tosar méconnaissable, de sa gestuelle jusqu’à sa voix. Une pépite à voir absolument en VO. (JJG)

Guillaume Massart : La Liberté (2017)

Des chants de cigales, des champs verdoyants, des arbres, la mer à perte de vue. Dans ce cadre aux accents idylliques situé en Corse, se trouve une prison dite « ouverte ». Plusieurs années durant, le réalisateur est allé à la rencontre de ces hommes qui y terminent de lourdes peines pour des crimes sexuels intrafamiliaux. En arpentant à leurs côtés les sentiers du domaine, le spectateur est amené à entendre leurs paroles. Certains détenus sont dans le déni, d’autres profitent de la présence de la caméra pour se livrer à un travail d’introspection. Pour le spectateur, c’est une occasion rare de prendre le temps d’écouter les personnes condamnées, et de saisir toute la complexité des parcours. A ce sujet, le tremblement de la caméra peut être interprété comme la difficulté à apprivoiser son interlocuteur et à articuler une pensée construite. Un film sans détours, parfois déroutant, qui interroge le rapport au mal, au pardon, à la liberté, où le spectateur est amené à explorer de façon frontale le territoire difficile de l’indicible. Poignant et perturbant. (MB)

Franklin J. Schaffner : Papillon (1973)

Papillon est le surnom d’Henri Charrière, un Ardéchois condamné en 1931 aux travaux forcés à perpétuité pour un meurtre qu’il nie avoir commis. Il est envoyé en Guyane, sur l’île du Diable, dans un bagne où sont enfermés à la fois des détenus politiques et de droit commun. Il se rend célèbre par une série d’évasions au terme desquelles il est chaque fois repris, jusqu’à la dernière qui le mène jusqu’au Venezuela. Il y vit 25 ans et devient citoyen vénézuélien. Sa peine arrive à prescription en 1967 et il peut officiellement revenir en France. Il écrit alors ses mémoires, qui deviennent un best-seller vendu à plusieurs millions d’exemplaires et adapté plusieurs fois au cinéma. La première version, qui réunissait Steve McQueen dans le rôle principal de Papillon, et Dustin Hoffman dans celui de Louis Delga, un compagnon fictif, prend quelques libertés avec le livre et y ajoute une série de rebondissements : tentatives d’évasions ratées, confinement en isolement, quelques séjours dans la jungle et une série de trahisons. (BD)

Steve McQueen – Hunger (2008)

Le premier long-métrage de Steve McQueen (12 years a slave, Shame) traite des conditions carcérales épouvantables du pénitencier de Maze en Irlande du Nord en 1981 et du destin tragique de Bobby Sands, prisonnier activiste de l’IRA (l’armée républicaine irlandaise) qui décédera d’une grève de la faim menée durant 65 jours. Symbole et martyre du Blankest protest ou grève des couvertures, seul vêtement que les prisonniers s’autorisaient à porter en guise de combat pour l’obtention du statut de prisonnier politique. Mais Hunger, c’est aussi et surtout une expérience cinématographique, une observation traumatisante de l’abandon physique. Le sacrifice pour une cause identitaire. Des éléments avec lesquels le metteur en scène élabore son œuvre depuis plusieurs années, la façon dont le corps réagit face à lui-même mais également aux différents éléments auxquels il est confronté. Caméra d’or au Festival de Cannes 2008. (St.S)

Shunya Ito : Elle s’appelait Scorpion (1972)

La femme scorpion est le deuxième volet d’une série de dix films centrés sur le personnage de Nami Matsushima, la prisonnière numéro 701, interprété par l’actrice Meiko Kaji dans les quatre premiers films. Il s’agit d’une adaptation du manga de Toru Shinohara qui utilise et détourne les codes sadiques des récits se déroulant dans des prisons de femmes. Volontier violent et cruel, ce type particulier de films d’exploitation trouve ici son expression la plus ambigüe, où voyeurisme et torture côtoient un propos quasi féministe. Enfermée pour un crime qu’elle n’a pas commis, Scorpion a une revanche à prendre sur les hommes qui l’ont trahi, sur la police, sur les gardiens de la prison. Comme souvent, ces films de genres sont le prétexte à des expérimentations formelles excessivement psychédéliques. Des scènes à la brutalité insoutenable sont paradoxalement associées à un traitement visuel d’un grand lyrisme et d’une grande inventivité, malgré un propos souvent équivoque. (BD)

Mehrdad Oskouei : Les Derniers jours de l’hiver (2012)

A Téhéran, le nouvel an approche. Pour l’occasion, dans une maison de correction et de réhabilitation pour adolescents de dix à douze ans, un voyage de fin d’année se prépare sous bonne garde. Le réalisateur iranien, Mehrdad Oskouei, suit sept de ces enfants, qui témoignent avec lucidité d’une vie déjà lourde de souffrances et remplie d’appréhensions devant leur un avenir incertain. Loin de tout sensationnalisme, il filme leur humanité. Dans leur chambre commune, il les observe avec bienveillance rejouer ce qu’ils ont déjà vécu, des jeux de policiers et de voleurs, de juges et de tribunaux. Lors du voyage vers la mer, il les questionne sur leurs origines sociales, leur addiction aux drogues, les vols. Le constat est brut, poignant et sans appel. « La mort ne me fait pas peur » dit l’un des enfants, « c’est la vie qui me fait peur ». Entre ces lignes, le documentaire laisse entrevoir toute la misère sociale et les manques en matière d’éducation qui se cachent derrière le régime iranien. (JJG)

Alan Parker : Midnight Express (1978)

Film choc et polémique, énorme succès au box-office, récompensé par deux Oscars et très librement adapté du livre éponyme de William Hayes par un jeune Oliver Stone avide de reconnaissance, ce classique d’Alan Parker retrace le chemin stupide qui a conduit Billy dans une prison turque, la brisure psychologique et les sévices infligés pendant 30 ans ainsi que tous les méandres de la politique international pour l’en faire sortir. Il était donc difficile d’éluder Midnight Express de notre liste. Mais, misérabiliste et xénophobe, ce film accumule les stéréotypes comme les scènes de violence, de viol, de torture, sans aucune retenue. Pour sa décharge, il garde quand même un léger fond sur l’entraide en milieu carcéral. Amis du cinéma linéaire à effets, n’hésitez plus ! (JJG)

Miguel del Arco : Las Noches de Tefía (Les Nuits de Tefía) (2023)

Produite par la chaine espagnole Antena 3 et diffusée sur Atresplayer en juin dernier, la série – qui, on l’espère, sera bientôt sur Arte - rompt la loi du silence sur des faits volontairement oubliés. De 1954 à 1966, sous le régime franquiste, les personnes arrêtées sous le coup de la loi des clochards et des voyous, étendue aux homosexuels et au proxénètes, étaient déportées sur l’île de Las Palmas et plus particulièrement dans le camp de concentration aride de Fuerteventura. Entre la vie aujourd’hui, les souvenirs qui refont surface dans un noir et blanc élégant et contrasté, les rêves multicolores à l’esthétique ultra travaillée, la vie de ces prisonniers se raconte sur l’espace et le temps avec une écriture que la caméra sublime. Le premier épisode, qui s’ouvre sur une scène métaphorique de danse contemporaine, annonce tout de suite le niveau de qualité. Ces prisonniers battus, traités de « pédales » ou de « sodomites », soumis à des électrochocs réguliers et obligés de travailler sans relâche, s’échappent chaque nuit, en construisant ensemble l’histoire de leur vie rêvée dans un cabaret imaginaire, le Tindaya, où chacun aurait sa place. Sortir de l’enfermement mentalement tout en y restant physiquement, trouver la force dans l’art et l’imagination pour supporter l’insupportable. La liberté réside bien dans l’âme. L’œuvre, en six épisodes, est magistrale. (JJG)

Une médiagraphie réalisée pour le Delta, espace culturel de la province de Namur, par PointCulture : Anne-Sophie De Sutter, Benoit Deuxant, Manu Bollen, Jean-Jacques Goffinon, Nathalie Ronvaux, Stanis Starzinski.

Playlist musicale

La prison est aussi une thématique que l'on retrouve en chansons, des mélodies d’hier aux musiques aujourd'hui.

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