Compte Search Menu

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies permettant d’améliorer le contenu de notre site, la réalisation de statistiques de visites, le choix de vos préférences et/ou la gestion de votre compte utilisateur. En savoir plus

Accepter
Playlist

Les insectes : une invitation à l’art de la rencontre

freaks out

mouche, insecte, araignée, fourmi, invertébré

publié le par Frédérique Muller

Les invertébrés sont les émissaires d’un autre rapport au monde que celui des humain·e·s. Certains films peuvent faciliter la rencontre en déconstruisant le regard porté sur les insectes et en faisant du monde un monde aux multiples dimensions.

Dans la culture occidentale, les invertébrés sont du côté de ce qui a été mis à l’écart, classés avec les végétaux qui piquent et qui s’insinuent entre les pierres des constructions humaines, rangés avec le sombre, l’humus et ses feuilles pourries. Ils font l’objet d’un classement qui divise et hiérarchise le vivant. Certains d’entre eux s’en sortent mieux que d’autres comme les espèces « utiles » ou « jolies » : la coccinelle mangeuse de pucerons ou le papillon dont le bruissement d’ailes fait vibrer l’air ambiant d’une poésie légère. L’humain sélectionne les espèces qui pourraient trouver leur place dans ses catégories et ses intérêts en projetant sur elles des qualités et des rôles. Les globalement « nuisibles » deviennent alors parfois les « alliés du jardin » comme le sont les abeilles (voir article sur les abeilles). C’est pour déconstruire ce système de dévalorisation qu’a été tourné le documentaire L’avis des mouches. Avec humour, une mouche raconte son rôle dans la nature (pollinisation du cacao, éboueuse de la nature, etc.). Forte de ses nombreuses qualités, elle entend bénéficier d’un regard plus juste et plus clément à son égard. Après tout, elle aussi mue, tout comme le papillon, « mais en mieux ».

l'avis des mouches

Les invertébrés sont ce qui échappe au contrôle, à la compréhension, souvent même, au visible. Ils nous rappellent que le monde dans lequel nous vivons est une construction culturelle et qu’il y a en réalité une pluralité de mondes possibles en son sein. Ils changent de formes comme le met en images le documentaire Métamorphoses. Les insectes ont plusieurs vies et plusieurs formes. Ils connaissent plusieurs mondes au cours de leur vie multiple, passant parfois de la terre à la surface ou de l’eau à l’air quand ils changent de métabolisme. Au-delà de leur grande diversité, ils ont en commun ce moment crucial de la métamorphose. « Chaque insecte adulte est un miracle ».

Les insectes grouillent, rampent, volent, creusent, furètent. Leur corps nous éloigne d’eux. Ils n’ont pas le même nombre de pattes que les humain·e·s, trop ou pas assez, parfois pas de tête, pas d’os. Leurs sens éloignent leur monde du nôtre. Ce sont des « bestioles », ils sont « l’autre ». En échos à cette altérité, le cinéma joue avec les échelles. Dans le court-métrage Un carré pour la biodiversité, une petite fille partage tout le plaisir qu’elle éprouve, allongée dans l’herbe, à observer les « petites bêtes ». Quelques images évoquent la chute d’Alice au pays des merveilles. Le jardin est à ses yeux un royaume enchanté. Le monde des insectes est un autre monde en raison du changement d’échelle qu’il réclame pour être observé. Dans le film de science-fiction L’Homme qui rétrécit, exposé à un mystérieux nuage radioactif puis à un pesticide, un homme rapetisse peu à peu jusqu’à ne plus mesurer que quelques centimètres. Il lutte durant tout le film contre le processus, place ses espoirs en la Science qui doit fournir un remède, passe une batterie de tests. Il veut « dominer son propre monde ». Finalement, piégé dans sa cave, il doit trouver le moyen de survivre et de s’adapter à son nouvel univers, et réalise : « J’avais raisonné en termes humains et non à l’échelle de l’univers ». Alors que son corps tend à l’infiniment petit, sa peur fait place à un sentiment d’acceptation, d’exaltation. Car « j’avais appris cette vérité : à l’échelle de la nature, le néant n’existe pas ». Si le film dénonce les risques du développement de l’énergie nucléaire et des intrants chimiques, il autorise l’homme à quitter la cave pour entrer dans le vaste monde. Son changement d’échelle l’a déplacé et il perçoit désormais l’univers, dans toutes ces échelles ainsi que les liens entre elles. Observer le monde des invertébrés peut déplacer et décentrer notre regard.

l'homme qui rétréci

Dans un autre registre, le long métrage d’animation Nausicaä de la vallée du vent met en scène la rencontre entre le monde humain et celui des insectes (géants). Dans un futur dévasté par la guerre et la pollution, Nausicaä hérite d’une grille de lecture du monde qui considère les insectes géants comme nuisibles et dangereux. Adoptant une autre posture face au vivant, elle découvrira que ceux-ci font partie d’un cycle de régénération de la forêt devenue toxique. Elle cherchera à négocier une place pour chaque espèce et groupe humain en prenant soin des interactions d’interdépendance. C’est aussi une rencontre avec un insecte qui sauvera les enfants rétrécis par accident dans le film Chérie, j’ai rétréci les gosses. Alors qu’ils doivent traverser le jardin dans lequel ils sont perdus, ils rencontrent une jeune fourmi qui les prend sur son dos et les défend, à ses dépens, d’une attaque de scorpion.

nausicaa

De nombreux films documentaires vantent par ailleurs leurs étonnantes capacités, la migration des papillons monarques dans (L’Aile d’un papillon) par exemple ou leur art de la soie dans Wild Wild Web. Les capacités d’organisation et de communication des fourmis sont par ailleurs bien mises en scène dans le film Them alors que des humain·e·s luttent contre une espèce géante. Les insectes sont très présents dans les films d’épouvante et de science-fiction, destinés à susciter le dégout et la peur, tels les dignes représentants de l’étrange qu’ils sont, dangereux pour nos modes de vie et nos sociétés. Deux exemples toutefois. Dans Freaks Out, un des artistes de cirque, aux côtés des femmes à barbe, nains dotés du pouvoir d’attraction des métaux, homme-loup, et autres monstres de la marge, possède la capacité de diriger les insectes. Ce don de télépathie avec les insectes, d’empathie même, est par ailleurs mis en scène dans le film d’horreur Phenomena. Les héros dotés de ses capacités sont alors en dehors des normes sociales.

them

Le cinéma a souvent recours à l’anthropocentrisme pour mettre en scène des animaux. Les insectes ont aussi bénéficié de ce procédé, souvent pour décrire des comportements humains comme dans Minuscule où chaque espèce est affublée d’un trait de personnalité humaine (compétitive, audacieuse, timide, arrogante, amoureuse, curieuse, solidaire, laborieuse, agressive et militaire, moqueuse, etc.). Mais parfois aussi pour rendre les invertébrés plus familiers, pour réduire la distance entre « eux » et « nous ». Ainsi le film Microcosmos, nous fait changer d’échelle, ramène les spectateur·ice·s à hauteur d’un brin d’herbe.

minuscule

Le réseau Idée vient de publier un numéro consacré aux insectes, une invitation à changer de regard : articles et asbl qui proposent des activités pour se réconcilier avec les invertébrés : ici

En lien