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Playlist

La cuisine s'immisce au cinéma

Cuisine
Destinée à accompagner l'activité « Café ciné » du B3 – Centre de ressources et de créativité de la Province de Liège – cette médiagraphie propose un panel de films s’intéressant de près ou de loin à la nourriture. Qu’elles aient spécifiquement pour objet la gastronomie, qu’elles la considèrent comme un simple prétexte, voire se contentent d’effleurer ponctuellement la question par une scène dédiée, la plupart de ces œuvres disent quelque chose des liens enchevêtrés entre l’acte de cuisiner et divers aspects de l’existence humaine tels que l’art, la politique, la séduction, les liens familiaux… et même l’ennui. L’appétit vient en regardant.

Sommaire

Marco Ferreri : La grande bouffe (1973)

Quatre amis issus de la petite bourgeoisie décident de se retrouver pour un ultime repas aux conséquences tragiques. D’une idée presque trop simple (le suicide par excès de nourriture), le réalisateur transalpin tire une fable moderne où réalisme et influences dadaïstes se côtoient tout naturellement. Contrairement à ce que certains ont pu en dire lors de sa sortie, La Grande Bouffe est bien plus qu’un vaudeville grinçant égratignant gentiment une certaine bourgeoisie. Plus fondamentalement, Ferreri réussit un conte à la fois cynique et très réaliste sur l’être humain et ses contradictions. Car si nous sommes des animaux pensants, nous ne pouvons vivre sans manger (fonction la plus primaire, primale qui soit). Et, comme le répète Michel Piccoli, « En dehors de la bouffe, tout n’est qu’épiphénomènes ». Intemporel, subversif mais ô combien juste et poétique, La Grande Bouffe renverse l’adage selon lequel il faut manger pour vivre et fait de la nourriture un modèle shakespearien de mort et de désinhibition. (MA)

Chantal Akerman : Jeanne Dielman, 23 Quai du commerce, 1080 Bruxelles (1975)

Jeanne Dielman, femme au foyer des années septante, épluche des pommes de terre, assaisonne un pain de viande, pane des escalopes de veau, fait la vaisselle, prépare le petit déjeuner de son fils. Gestes méthodiques et chirurgicaux qui se produisent et se reproduisent dans sa cuisine. L’une des pièces du 23 Quai du commerce à Bruxelles. Espace exigu, espace temporel dans le décompte fatal de sa vie. Un jour, les pommes de terre sont trop cuites. Un grain de sable dans le mécanisme de son quotidien de plus en plus aliénant. Les fondations de sa routine journalière commencent à s’effondrer. Jeanne Dielman, la veuve, chavire lentement. Jeanne Dielman, la prostituée à domicile, bascule, chancèle à travers des gestes, des mouvements moins fluides, moins impulsifs. La tragédie s’approche inexorablement. Le portrait violent d’une femme qui vacille dans la peur d’une vie qui lui échappe. Véritable chef d’œuvre qui a récemment été jugé « meilleur film de tous les temps » par la revue de cinéma Sight and Sound. (StS)

Luc Moullet : Genèse d’un repas (1978)

Au début de ce film-essai, Luc Moullet et sa compagne Antonietta Pizzorno sont attablés côte à côte, face à la caméra, attaquant un menu d’une gastronomie plus proche de la pêche au thon ou de la pizza hawaïenne que du bœuf Stroganoff ou du waterzooi : « Après le thon, nous mangerons une omelette et des bananes. Vous les reconnaissez mais vous ne savez pas ce que c’est. Et moi non plus, je ne le sais pas. Pour l’apprendre, j’ai demandé 400.000 francs au Centre national du cinéma ». Fidèle à l’humour pince-sans-rire mais aussi au jusqu’au-boutisme entêté de nombre de ses films sous forme d’enquêtes, tirant un fil thématique jusqu’à l’épuisement de son sujet, Luc Moullet remonte la filière de ces trois aliments. De la supérette de son quartier jusqu’aux plantations, usines et ports en Équateur ou en Côte d’Ivoire, il interroge les rapports entre le Nord et le Sud de la planète mais aussi les dérives de l’industrie agroalimentaire, le mensonge publicitaire omniprésent, le travail à la chaine, le traitement réservé aux hommes et aux bêtes. Un pamphlet radical et virtuose qui reste étonnamment d’actualité. (PD)

Juzo Itami : Tampopo (1985)

Attention ! Ce film vous donnera une envie irrésistible de manger un bol de ramen, ce plat japonais composé de nouilles et d’un savoureux bouillon. Tampopo ouvre un restaurant mais peine à réaliser un plat mangeable : son bouillon n’a pas de goût, ses nouilles sont cuites dans une eau tiède, la garniture est quelconque... Goro, un chauffeur de camion au look de cow-boy, s’attendrit de sa situation et la prend sous son aile. Elle apprend alors à cuisiner grâce aux conseils de personnes aussi diverses qu’une petite frappe du coin – un yakuza en costume blanc adepte de « food porn » (dans son sens premier) –, un riche vieillard que Tampopo et Goro sauvent de l’étouffement, un sans-abri (qui connaît les secrets des chefs) et Goro lui-même (qui est aussi un spécialiste des nouilles). Tous donneront de judicieuses astuces et aideront Tampopo à créer le meilleur bouillon de la région. Film culinaire, Tampopo est également une comédie qui conte la vie quotidienne des Japonais. (ASDS)

Boris Lehman : Muet comme une carpe (1987)

Lancé par un générique en animation et une vieille chanson yiddish (« Que mangent les Juifs avec plaisir? / Chez eux et à l'extérieur / Qui ne soit ni ‘parvé’ ni ‘milchig’ ni ‘fleischig’ ? /
Un plat que tout Juif aime (…) Gefilte Fish ! Gefilte Fish ! »), le moyen métrage du cinéaste bruxellois suit le parcours d’une carpe, de l’étang à la table des célébrations de Roch Hachana (nouvel an juif), en passant par le billot du poissonnier du supermarché et la gazinière de la cuisine. Déroulant un fil moins linéaire qu’attendu, Boris Lehman s’autorise bifurcations, rebonds et associations d’idées et d’images. Il dépasse la simple mise-en-scène d’un souvenir d’enfance en y injectant du paradoxe (« Il faut manger pour vivre, il faut tuer pour manger, il faut tuer pour vivre »), des incursions funestes (tatouage de rescapée des camps, images télévisées d’un attentat contre une synagogue) et une approche poétique qui entend embrasser autant le point de vue de la victime que du bourreau, du poisson que de l’humain qui la sacrifie. (PD)

Peter Greenaway : Le Cuisinier, le voleur, sa femme et son amant (1989)

Le triangle amoureux classique formé par le voleur Albert (Michael Gambon), sa femme Georgina (Helen Mirren) et son amant Michael (Alan Howard) est complété ici par le cuisinier français Richard (Richard Bohringer). Son restaurant a été racheté par Albert, truand vulgaire et violent, qui malmène son entourage et surtout sa femme. Contrainte par son mari à dîner chaque soir au restaurant avec sa bande de malfrats, Georgina va s'éclipser régulièrement afin de vivre une passion torride avec le délicat Michael sous le regard complice de Richard. Lorsque Albert découvre la vérité, sa violence deviendra paroxystique. Les scènes se déroulent dans quatre espaces qui ont chacun une couleur symbolique. On se déplace en travelling de l’un à l’autre en une chorégraphie hypnotique. Cet esthétisme est accentué par les costumes créés par Jean-Paul Gaultier et par la musique de Michael Nyman. Âmes sensibles s'abstenir, plusieurs scènes de cette fresque érotico-orgiaque sont assez "gratinées". (PB)

Edouard Molinaro : Le Souper (1992)

Paris, la nuit du 16 juillet 1815. Deux hommes discutent du sort de la France autour d'un opulent souper. Réunissant pour l’occasion les deux Claude (Rich et Brasseur), Edouard Molinaro signe un huis-clos subtil et nuancé où le verbe des deux acteurs fait mouche. Bons mots et traits d’esprit s’enchainent et régalent le spectateur. Le souper est ici l’occasion de permettre aux deux convives de se livrer à une véritable partie d’échecs politique. Les différents mets qui se succèdent à table sont autant de métaphores, de révélateurs ou d’outils de domination. On retrouve dans cette adaptation d’une pièce de Jean-Claude Brisville une mise en scène sobre et efficace où la caméra capte chaque variation d’attitude et, en de subtils et délicats mouvements, suit cette passe d’armes avec brio. À la fois drôle, cynique et interpelant, ce souper où le destin de la France se joue se révèle à l’heure actuelle encore très moderne dans son propos. (MA)

Ang Lee : Salé, sucré (1994)

Taïwan est un melting pot et sa gastronomie n’y échappe pas : les différentes cuisines chinoises se mêlent et finissent par s’uniformiser. C’est du moins ce que déplore le personnage de Chu, un chef respecté qui, avec la régularité d’un métronome, met les petits plats dans les grands pour nourrir sa progéniture lors de chaque repas dominical. Une longue et complexe préparation domestique qui apparaît d’autant plus disproportionnée que les enfants en question sont adultes ou du moins en passe de le devenir. Avec le sens du goût pour toile de fond, le film a donc pour propos les mœurs propres à l’île dont son réalisateur est issu. La question du mariage à Taïwan constitue en effet le cœur de cette histoire dans laquelle un dilemme tenaille ce père veuf qu’est Chu : comment laisser partir ses trois filles, lui qui est désormais seul et vieillissant ? Réalisée par Ang Lee, cette fresque culturelle dépeint finement le basculement d’une société traditionnelle dans la modernité. (SD)

Laurent Bénégui : Au petit Marguery (1995)

Barnabé invite ses amis pour une soirée au Petit Marguery, le restaurant de ses parents Joséphine et Hyppolite. Des convives aux différents aromates. Ils absorbent et ruminent à table leurs problèmes existentiels. Des chemins tortueux, des regards distincts qui forment un cercle intime. Mais ce cercle est présent ce soir pour une seule et unique raison : rendre hommage aux deux patrons, car le restaurant fermera ses portes le lendemain. Le menu d’une histoire, d’une passion de plus de trente ans se clôt définitivement. Les plats se succèdent, le cliquetis des couverts se répète, les verres se remplissent et se vident. Les saveurs imbibent chaque recoin de l’établissement. Le travail de la pâte à souvenirs est en marche, tamisé de flashbacks, de moments perdus à jamais. Le dénouement est proche. Le cinéaste Laurent Bénégui adapte son propre roman. Un récit autobiographique rempli de bons sentiments. Un hommage nostalgique à sa famille et à l’univers de la restauration. (StS)

Nana Djordjadze : Les Mille et une recettes du cuisinier amoureux (1996)

Un galeriste géorgien de Paris se voit confier, pour qu’il la traduise, la correspondance amoureuse entre le cuisinier français du président de la République démocratique géorgienne (1918-1921) et une jeune aristocrate locale. Pierre Richard y incarne un amoureux de tous les sens et de toutes les chairs qui gagne notamment l’estime de ses hôtes en devinant les ingrédients des koupati (saucisses du Caucase, « aériennes, mais avec une touche de rudesse, de bestialité ») : viande de faisan, noix de muscade, piment rouge, demi-verre de vin, foie… d’ours ! Il obtient ainsi la possibilité d’ouvrir son propre restaurant français à Tbilisi, l’Eldorado, inauguré en grandes pompes dans une débauche de volailles grillées, de saumons en bellevue, de pièces montées et d’empilements vertigineux de profiteroles. Cette coproduction internationale à l’esthétique malheureusement parfois proche d’un téléfilm, s’achève par le récit clairement « à charge » de la révolution communiste, dépeignant les bolchéviques comme particulièrement incultes, grossiers ou violents... (PD)

Tassos Boulmetis : A Touch of Spice (2003)

Fanis, professeur d’astronomie à Athènes, s’apprête à rencontrer son grand-père Vassilis avec qui il partageait une relation particulière et qu’il n’a plus vu depuis de trop longues années. Mais juste avant ces retrouvailles tant attendues, Vassilis succombe à une crise cardiaque. Cet évènement tragique fait remonter à la surface toute une série de souvenirs chez Fanis.
Présenté sous la forme d’une succession de flashbacks, A Touch of Spice se déroule comme un bon repas. Les étapes de l’enfance de Fanis et les souvenirs qui y sont rattachés nous sont servis à la manière d’un buffet familial : d’abord les épices et leur rôle d’exhausteurs de goûts, ensuite viennent les hors-d’œuvre et enfin les douceurs. Chaque étape développe ses logiques chromatiques et ses saveurs propres. La nourriture est vue ici comme un élément créatif, propice à l’échange et vecteur de transmission. Au-delà des aspects culinaires, cette petite fable douce-amère évoque aussi et surtout les rapports compliqués qui ont déchiré les communautés grecques et turques durant la seconde moitié du 20ième siècle. Le réalisateur valorise ici les brassages culturels (notamment via les arts culinaires) et célèbre ces identités et les êtres humains qu’ils construisent. (MA)

Brad Bird : Ratatouille (2007)

Produit d’animation haut de gamme, le film interroge l’avenir de la création à travers celui de la gastronomie française. Longtemps, nous dit-on, celle-ci fut incarnée par Gusteau. Ce chef fictif, qui en rappelle de bien réels, ne s’est pas contenté d’élever la cuisine au rang d’art, il a également défendu l’idée que cuisiner était à la portée de tous. Que reste-t-il aujourd’hui de cet idéal démocratique ? La question se pose entre trois protagonistes. Le premier, qui a repris les rênes du restaurant à Paris, est bien décidé à ériger un empire financier en faisant de Gusteau une marque de plats préparés. Le second n’est autre que le fils caché du défunt. Il voudrait bien faire mais… il ne connait rien au métier. Quant au troisième, c’est lui le véritable artiste. Mais c’est un rat, la bête noire des cuisines. La conclusion surgira de la bouche d’un critique gastronomique : « Tout le monde ne peut pas devenir un grand artiste. Mais un grand artiste peut surgir n’importe où. » (CDP)

Marcos Jorge : Estomago (2007)

Estómago s'ouvre sur une tirade à la gloire du gorgonzola. Le narrateur, c'est Nonato, et le spectateur comprend vite qu'il est en prison. On le retrouve ensuite sortant d'un bus et errant dans les rues d'une grande ville brésilienne. Sans un sou, il se rend dans un bar où, en échange du gîte et du couvert, il accepte de faire la plonge et par la suite la cuisine. Bientôt, ses snacks au poulet attirent la clientèle et il se lie d'amitié avec Iria, prostituée à l'appétit féroce. Il est aussi très vite remarqué par Giovanni, restaurateur qui lui offre un emploi dans son établissement. C'est là que notre héros apprendra les ficelles du métier. Entrecoupé de scènes présentant le quotidien de Nonato en prison, Estómago titille la curiosité du spectateur. Le réalisateur brouille volontairement les pistes quant à la chronologie des événements. Loin de n'offrir que de vagues flash-back, ce sont deux vraies histoires que le cinéaste développe en parallèle avec la gastronomie comme toile de fond. (PointCulture)

Ritesh Batra : The Lunchbox (2013)

Puissant vecteur social, la nourriture la plus cinégénique est souvent représentée en tant qu’objet de partage. Dans The Lunchbox, une famille attablée autour d’un repas n’est jamais qu’un prétexte pour souligner la solitude de Sajaan, homme veuf et sans progéniture. D’une âme en peine à l’autre, le film croise sa trajectoire avec celle d’Ila, femme au foyer négligée par un mari absent. Si l’élaboration d’un repas à l’attention d’autrui constitue parfois un acte d’amour, c’est d’autant plus le cas au sein de ce sous-continent indien dont la gastronomie suinte par tous les pores : le déjeuner préparé par Ilia comme tentative de ramener à elle sa moitié témoigne de ce rôle central du manger dans les relations interpersonnelles locales. Mais la diversité des couleurs qui le composent s’étale finalement telle une palette de peintre sous l’œil interloqué du mauvais destinataire, en l’occurrence Sajaan. Ainsi s’amorce entre les deux protagonistes une correspondance épistolaire qui, bien que ce ne soit pas là l’essentiel, semble s’acheminer vers une romance... (SD)

Naomi Kawase : Les Délices de Tokyo (2015)

Le dorayaki est une petite pâtisserie traditionnelle que les Japonais consomment quotidiennement. Ce met typique, Sentaro en vend tous les jours dans sa petite échoppe tokyoïte. La rencontre avec Tokue, une vieille dame de septante ans, va bousculer sa conception de l’existence et donner un élan nouveau à son commerce. Comme souvent dans le cinéma de Naomi Kawase, les traditions et le temps qui passe sont au cœur du film. La cinéaste nous invite ici dans un Tokyo moins urbain et trépidant que celui que l’on connait, à rebours de la modernité galopante. Elle filme avec simplicité ces visages marqués par la vie et ces gestes du quotidien. Si le film est empreint de naturalisme, il s’en éloigne assez vite pour emprunter des chemins de traverse. Cerisiers en fleurs, petites douceurs sucrées et rythme éthéré sont au programme de cette tranche de vie aussi savoureuse qu’humaine. Cette leçon vaut bien un dorayaki, sans doute. (MA)

Eric Khoo : La saveur des ramen (2018)

Le jeune Masato part à Singapour après le décès de son père avec qui il tenait un restaurant de ramen. Il souhaite découvrir les secrets culinaires de sa mère, d’origine chinoise, décédée quand il était jeune. Il parcourt la ville, guidé par une blogueuse culinaire locale et fait connaissance avec sa grand-mère qui avait renié sa fille. Ce film est une histoire de réconciliation familiale par l’intermédiaire de la transmission d’une recette. Masato apprend à préparer le bak kut teh, une soupe de nouilles à base de travers de porc, typique de Malaisie et de Singapour et qui trouve ses origines dans les communautés hokkien (les habitants du Fujian et du Guangdong, au sud-est de la Chine). Le nom signifie « viande – os – thé » et fait référence au bouillon et au thé oolong qui accompagne le plat. Contrairement à la soupe japonaise, on y met une multitude d’épices : anis étoilé, cannelle, clous de girofle, graines de fenouil... Masato mélangera les traditions, créant un hybride aux arômes sino-japonais. (ASDS)

Akiko Oku : Tempura (2020)

Mitsuko, 31 ans, vit seule à Tokyo. Chaque jour, elle imagine une activité pour s’occuper, un défi pour sortir de sa bulle, comme dans les premières scènes du film où elle prépare des tempura… en plastique. Elle est très solitaire, peu sûre d’elle-même et légèrement neuro-atypique. Elle invente des dialogues animés avec « A », un personnage imaginaire qui représente une autre part de sa personnalité. Un jour, elle rencontre Tada, un jeune homme tout aussi timide qu’elle, devant une échoppe de croquettes. Ils se rapprochent quand il lui demande maladroitement de cuisiner pour lui. C’est leur manière de s’apprivoiser, d’entrer en contact. Ces repas permettent à Mitsuko de sortir de sa bulle et deviennent une passerelle vers une autre vie, en compagnie d’un amoureux. Ce film réalisé par Akiko Oku est poignant d’honnêteté et en même temps très drôle par le côté un peu décalé des personnages, mariant les thèmes de la condition féminine au Japon et de la cuisine. (ASDS)

Éric Besnard : Délicieux (2021)

C’est en France, à la veille de la Révolution, qu’apparait le concept de restaurant. Par la retranscription de ce phénomène, Éric Besnard entend dépeindre un ordre social au sein duquel les plaisirs de la chère restent encore l’apanage d’une noblesse vacillante. Dans un contexte de famine généralisée – lequel est, sinon montré à l’image, du moins martelé à longueur de séquences –, la bombance à laquelle on s’adonne dans les salles de banquet produit un contraste d’autant plus indécent qu’elle prend la forme d’une véritable gabegie. Comme le pressent à raison le fils de Pierre Manceron, officier de bouche du duc de Chamfort, « le peuple ne supportera plus longtemps le spectacle du gâchis » : formule puissante qui retranscrit le bouillonnement à l’œuvre dans les angles morts de l’aristocratie. Entre initiatives individuelles nouvellement permises et balbutiements du divertissement populaire en tant qu’objet de consommation, Délicieux se présente comme un instantané d’une mutation sociétale sans précédent. (SD)

Mark Mylod & Jesse Armstrong : Wide open eyes (Succession – S4E10) (2023)

Lait écrémé, mayonnaise, beans à la tomate, croûtes de pain congelé, tabasco, œufs crus, cornichon, cacao en poudre. Ces aliments d’une fraicheur discutable représentent tout le contenu du frigo de la richissime Lady Caroline. La radinerie maternelle n’ayant d’égale que son incapacité à aimer ses enfants, ceux-ci savent qu’il ne faut pas s’inviter chez elle à l’heure du repas. Mais, couvés dans cette cuisine outrageusement austère, il y a en eux des appétits plus grands. Au terme de quatre hargneuses saisons, les voilà en effet sur le point de tomber d’accord pour élire l’un d’eux à la tête de l’empire paternel. Il s’agit de célébrer l’événement en préparant au vainqueur un festin, un festin de roi (a meal fit for a king). Après un passage au blender, le garde-manger de Lady Caroline livre une mixture brunâtre plus que nauséabonde. Décoré d’un crachat, le smoothie (décidément immangeable) finit sur la tête du fils héritier, métaphore d’un pouvoir indigeste acquis par des moyens douteux. (CDP)

Todd Field : Tár (2023)

De Lydia Tár, cheffe d’orchestre imaginaire interprétée par Cate Blanchett, on constate qu’elle se comporte comme un homme. Indépendante, brusque, prompte à instrumentaliser ses relations, elle a, de la masculinité blanche au pouvoir, le vestiaire, le goût pour les jeunes femmes et l’impunité. A rebours d’une attitude dont on ne dit pas assez ce qu’il en coûte de la construire et de la conserver, il est un lieu où cet être toujours en représentation se trouve rattrapé par l’angoisse du corps et c’est à table. Dans un restaurant, on la découvre face à Olga, jeune et talentueuse violoncelliste. Sur les assiettes, d’un côté une salade de concombres, de l’autre des plats en sauce et du pain. Entre celle qui se prive et celle qui mange, il y a une liberté de gestes à laquelle la gloire ne donne pas nécessairement accès. Menée comme une ascèse, la réussite de Lydia fut une conquête solitaire. Tandis qu’elle sait ce qu’elle doit aux autres, Olga va de l’avant sans se soucier de leur regard. (CDP)


Une médiagraphie réalisée en association avec le B3, Centre de ressources et de créativité de la Province de Liège.

Par Michael Avenia, Pierre Baps, Philippe Delvosalle, Catherine De Poortere, Anne-Sophie De Sutter, Stanis Starzinski et Simon Delwart.

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