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Focus

Prix Jean et Irène Ransy : 3 questions à Adèle Santocono

Thomas Mazarella (sans titre) au Prix Jean et Irene Ransy 2020
En janvier, le Prix Jean et Irène Ransy sera proclamé et exposé à Mons. Où l’on découvre que la peinture figurative est toujours aussi jeune et actuelle. Présentation par Adèle Santocono, responsable du secteur des arts plastiques de la province de Hainaut

- PointCulture : Qui étaient Jean et Irène Ransy ? Dans quel contexte, pour répondre à quelle attente, ont-ils souhaité la création de ce prix ?

vignette Prix Jean et Irène Ransy 2020

- Adèle Santocono : Jean Ransy est un peintre belge installé en Hainaut. Sa peinture est bien évidemment figurative mais ses sujets évoquent davantage un réalisme onirique. On peut trouver ses sources d’inspiration dans le symbolisme, le surréalisme parfois. Il reste néanmoins, pour son époque, un peintre assez classique dans sa manière d’appréhender son médium mais ce qui était et reste fascinant dans son travail, c’est la profondeur de son champ pictural et la profusion des détails et des matières. L’impression de pénétrer un rêve aux beautés macabres. Aujourd’hui, certains de ses tableaux, dessins ou même tapisserie restent finalement très actuels, notamment par ce lien que l’on pourrait tisser avec la pratique de l’illustration, qui revient en force pour le plaisir de la narration.

Irène Ransy était son épouse. Ils ont souhaité tous deux léguer une partie des œuvres de Jean Ransy et une partie de leurs biens à l’époque à la Commission des Beaux-Arts de la province de Hainaut, dans le but d’organiser ce prix. Dans le testament, il était précisé que ce prix devait être décerné à un peintre pratiquant la peinture « de chevalet ». Je n’ai trouvé aucun chevalet dans les ateliers des 13 artistes sélectionnés en 2020. Mes prédécesseurs, avec l’accord des héritiers testamentaires, ont pu changer, heureusement, certains points précisés dans le testament. Le règlement, effectivement, ainsi que les membres du jury ont été repensés au fil des organisations afin de rencontrer davantage les pratiques actuelles de l’art.

Le premier Prix Jean et Irène Ransy a pu être organisé en 2001. Nous essayons de l’organiser le plus régulièrement possible mais la somme offerte provient des intérêts du legs, mission impossible en 2020 de penser à des intérêts bancaires alors que cela l’était lors de l’écriture du testament.

La volonté des Ransy devait s’inscrire à l’époque dans une certaine générosité et dans le désir de laisser une œuvre à la postérité. D’autre part, Jean Ransy était enseignant à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles et connaissait les besoins et difficultés d’être jeune artiste en Belgique, décerner une somme d’argent à un artiste pour l’aider à créer est toujours encourageant. — Adèle Santocono

Proposer son dossier afin qu’il soit vu dans le cadre d’une expo et découvert par des jurys, eux-mêmes gestionnaires de lieux culturels, peut les rendre visibles. Ce que l’on espère, c’est que les membres du jury puissent parfois inviter ces artistes candidats ou lauréats pour des projets plus ambitieux.

- À l’heure du numérique, et des installations plus « inclusives » les unes que les autres, quelle est la place et l’actualité de la peinture figurative ? Est-ce un créneau conservateur ? Quelle importance y a-t-il à soutenir cette forme de « faire l’art » et de représenter la vie (ou la mort) ?

- Justement, ce qui nous intéressait c’est de tenter de répondre à ces questions en organisant le prix et en découvrant le travail des artistes, qu’ils nous offrent leurs définitions, leurs réponses. Qu’est-ce que la peinture tout d’abord ? Nous n’avons pas trouvé de définition claire autant que nous n’avons pas trouvé de chevalet dans les ateliers sur lesquels poser une « peinture » !

Selon moi, ce qui est important c’est que le plasticien s’exprime avec la matière qui lui convient. Nous avons choisi notamment des membres du jury comme l’artiste Laurence Dervaux, responsable de l’atelier Peinture à l’Académie des Beaux-Arts de Tournai, qui démontre à travers son enseignement et sa pratique personnelle que la peinture peut être présente dans de nombreux médiums, elle peut se mêler à d’autres, les compléter et en faire disparaître sa définition la plus classique. Cela se fait aussi à l’appréciation du jury, il est clair qu’ils ne sont pas tous toujours d’accord avec cette idée que la peinture n’est pas conservatrice. Notre – mon – envie serait d’exposer des œuvres face auxquelles le public ou moi-même, nous nous dirions mais « est-ce bien de la peinture ? ». J’avais lu qu’il y avait deux problèmes à la peinture, le premier est de savoir ce qu’est la peinture, l’autre est de savoir comment faire une peinture. Je suis assez d’accord avec cela, je ne sais faire ni l’un ni l’autre. Néanmoins, j’aime assez bien l’idée de respecter la volonté de Jean et Irène Ransy et de conserver les termes peinture et figuration afin de démontrer par là que la pratique artistique ne rentre pas si facilement dans les cases, fort heureusement pour la société.

Néanmoins, il se fait que nous constatons que la peinture, dans sa vision « classique », reste un médium fortement utilisé par les artistes et peu controversé dans les dossiers que nous recevons.

Toutefois, les thèmes rejoignent les questions sociétales actuelles et questionnent notre monde, ils sont ancrés dans notre époque, et le plus important pour moi est que l’artiste nous permette de remettre en question le monde que l’on nous propose et qu’il suscite en nous des questions, des émotions, des troubles, etc. — Adèle Santocono

Finalement, je me demande si le côté séduisant de ce médium dans sa vision classique ne reste pas une des manières d’attirer dans ses substances le regard et ainsi nous insuffler des pensées essentielles à notre liberté. L’artiste a des messages à faire passer pour mieux nous aider à regarder autour de nous, quel que soit son médium. En cela la peinture, au même titre que l’installation, le numérique, la performance, interagit avec le public. J’aime aussi quand l’artiste est visionnaire par le médium qu’il choisit. La performance, la vidéo, l’interactivité des installations procurent les mêmes effets mais peut-être pas pour un public non formé et c’est normal. La peinture, celle des galeries anciennes, le fait tout aussi bien finalement en 2020. Et même si, pour cette édition, je vais peu me poser la question de la peinture ou pas, il y aura un plaisir à regarder le travail de ces artistes et à se laisser chavirer.

- Quel est le succès du Prix ? Recevez-vous beaucoup de contributions ? Quelle est la part de jeunes (y a-t-il un renouvellement) ? Et, ces jeunes, que peignent-ils et comment peignent-ils !?

- Nous avons chaque année un nombre assez important de dossiers qui correspondent aux contraintes du prix. Ma seule réflexion se pose encore concernant l’âge limite qui pourrait changer pour des questions déjà débattues, et donc se voir disparaître. Oui il y a un renouvellement, nous visons énormément les écoles d’art, on a des candidatures qui proviennent de toutes les régions.

Il y a quelque chose d’assez récurrent cette année et, je pense, de manière générale, nous l’avions constaté chez les artistes du Prix du Hainaut des Arts plastiques, la représentation de la figure humaine disparaît, se dissout. Elle laisse sa trace sur les œuvres, son empreinte, un siège vide, des intérieurs inoccupés, … J’ai l’impression que cela révèle bien des problématiques de notre époque.

À chaque édition, il y a à la fois des plasticiens sortant des études et des plasticiens déjà plus confirmés représentés déjà par des galeries, notamment. Cette année, on retrouve pas mal d’artistes qui sont déjà passés par le prix en tant que candidat, cela révèle, finalement, que les artistes ont besoin de ce type de reconnaissance et bien entendu de la somme d’argent qui leur sera attribuée. Pour les plus jeunes, c’est une possibilité de mettre en route des projets en chantier, avoir une échéance ; une exposition collective les motive à mettre en place de nouveaux projets et à sortir de leurs ateliers, quand ils ont la chance d’en avoir.


Adèle Santocono (responsable du secteur des arts plastiques de la province de Hainaut),
propos recueillis par Pierre Hemptinne

image de bannière : détail de Thomas Mazarella, "sans titre" (2019), candidat au Prix Jean et Irène Ransy



exposition collective
Prix Jean et Irène Ransy 2020

Jusqu'au dimanche 16 février 2020


Anciens abattoirs
17 rue de la Trouille
7000 Mons

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