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Focus

Paradoxant : retour vers le futur.

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BRNS, Monolithe noir, post punk, new wave, pop rock, atelier 210, AntoineMeersseman

publié le par Yannick Hustache

Faute à demi avouée. On s’est autant intéressé au pas de côté musical très eighties d’Antoine Meersseman, parce qu’on le suit depuis ses débuts au sein de BRNS, que parce qu'on a été un moment collègues, et qu’on n'a donc pas été totalement surpris des orientations musicales d’Earworm.

Sommaire

Into the Dark !

Car d’entrée, les premières mesures de « Rebirth », industrieuses, caverneuses et étouffantes, hantées d’une voix spectrale, ce sont les bouffées d’un imaginaire à la fois très balisé dans le temps et presque devenu intemporel à force, parce que jamais vraiment parti depuis, celui des années 1980 et d’une certaine idée de la new wave comme on disait alors, qui remontent immanquablement les conduits auditifs.

Ce que ne dément évidemment pas ce bassiste, claviériste et alter ego compositeur unique de Paradoxant : « J’ai grandi avec des choses très 80’s comme The Cure. Mon père écoutait beaucoup des groupes comme Magazine ou XTC. Une certaine scène des années (19)80 aux atmosphères tortueuses, tendues. Mais je suis aussi attiré vers des univers connexes, gothiques mais chics, avec un chant plus théâtral à la Fad Gadget, une direction vers laquelle je me sens aller dans l’avenir. Toutes choses qui n’intéressent que moi dans BRNS ».

Mais qu’on ne se méprenne sur la nature d’un projet qu’on ne retrouvera pas de sitôt en ouverture de festivals qui capitalisent sur la nostalgie (noire) comptable et coupable d’une époque qui vénère Stranger Things comme une madeleine de Proust télévisuelle et l'acmé de tout un imaginaire fantastique bien balisé dans le temps. On trouve dans Earworm des climats anxiogènes à la Clinic, des ambiances nocturnes raccords avec celles des derniers disques synthétiques et crasseux de Liars, des saillies rythmiques coupantes à la Suuns et un je-ne-sais-quoi qui nous connecte à quelques poulains de l’écurie U.S. Sacred Bones, tel Soft Moon.

De même, il ne faudrait voir ou entendre en Paradoxant la réponse à l’ennui engendré par le long hiver culturel imposé du Covid-19, ou comme l’expression d’une certaine frustration par rapport à son groupe principal. D’ailleurs le collectif BRNS était apparu comme une structure suffisamment élastique et souple pour se fondre, le temps d’un projet, dans une entité musicale composite partagée : « Je compose pour BRNS, mais j’avais un stock de chansons que ne me voyais pas proposer au groupe parce que ce n’est pas trop dans la lignée de ce qu’on fait. Durant la tournée commune avec Ropoporose (sous le nom de Namdose) en 2019, je me suis rendu compte que j’avais accumulé pas mal de matériaux musicaux neufs et que les morceaux étaient pratiquement achevés. À ce moment, je me suis décidé d’aller au bout du processus, de faire un disque tout seul. Tout début 2020, avant le confinement, j’avais déjà enregistré les sept premiers titres. Du coup, j’ai eu le temps de composer et de rajouter quelques morceaux pour arriver à un album complet ».

Ver à soi !

Earworm, littéralement « ver d’oreille » – autrement dit, ces titres souvent bateaux qui rentrent de façon souvent impromptue (souvent le matin au réveil) dans les têtes, et résistent obstinément à tous les efforts conscients de les y déloger –, a donc été composé en solitaire, mais a pu compter sur des apports de l’expérience de studio et des sonorités electro, dark et rêches apportées par le comparse (et homonyme) Antoine, de Monolithe Noir (le groupe), et Balades Sonores (le magasin de disques), et sur l’aide du fidèle Romain (Benard, de Ropoporose) et de Clément Marion.

L’album conserve par ailleurs quelques erreurs d’enregistrement volontaires, des traces de brouillage sonore et de parties (mal ?) étrangement jouées, mêlées à un traitement des voix des plus surprenants ! Antoine : « J’ai du mal avec ma voix naturelle. Au moment du mixage du disque avec Clément Marion, on a été toujours plus loin dans les déformations. On ne capte pas toujours facilement qui chante sur le disque. Ainsi sur « Deadbeat », j’ai traité ma voix de sorte qu’on ait l’impression que c’est une voix féminine. J’aime bien quand les choses, sous des apparences de normalité, comportent un ou des éléments de perturbation. De manière générale, je veille à ne jamais rester dans ma zone de confort ».

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La petite famille.

D’autre part, l’expérience Paradoxant a été pour Antoine (qui ne compte pas s’arrêter là) une manière de refaire les choses à sa manière, sans aucune pression commerciale ou autre sur les épaules : « D’une certaine manière, tout le milieu de la musique et ce qu’il faut faire pour que ça marche me gonfle. Annoncer tout ce que tu vas faire des années à l’avance, montrer sa tête sur les réseaux sociaux. J’ai payé le disque, signé avec un petit label (Humpty Dumpty). Je fais ce que je veux sans devoir en rendre compte. Paradoxant, est un peu mon bébé et m’a redonné foi en la musique ».

Et cette façon de travailler « à l’ancienne » en tout petit comité se retrouve aussi dans le tournage des clips (on y aperçoit Romain qui l’accompagne sur scène) et c’est la copine et la meilleure pote d’Antoine qui ont filmé des sessions live récemment mises en ligne.

On s’est aussi enquis de l’actualité de BRNS, qui revient enfin cette année défendre avec un disque enregistré en 2018 sur un label français (Yotanka), toujours avec la même équipée que sur l'album précédent (Sugar High, 2017). On avait espéré les voir lors des fêtes de la musique 2021 à l'arrière de la colonne du Congrès à Bruxelles mais les caprices du temps de cette piètre année météo (du moins jusqu’à présent) en ont décidé autrement...

Paradoxant en concert le mardi 29/06/2021, Atelier 210, Bruxelles.

Premier concert en salle pour votre serviteur depuis des mois (et on ne fera pas l’insulte de vous dire pourquoi), dans un Atelier 2010 en configuration assise et placement limité, mais avec l’autorisation pour le public d’emmener ses boissons dans la salle. Pas de première partie et un trio qui entre sur scène sur le coup de 20 heures 30. Antoine au centre, flanqué de sa basse (et peut-être d’une guitare à un moment, mais c’est incertain d'où je me trouvais…) et jouant aussi du synthé, Romain (sans chaussures mais avec des chaussettes rouges !) à la batterie à sa droite pour nous, et Marion au synthé/clavier. Le menu de la setlist est réduit aux titres du seul Earworm qui court sur moins de 40 minutes. Les débuts sont un rien timides mais, rapidement, le trio arrive malgré tout à trouver ses marques et à insuffler à sa pop caverneuse robotique ce petit supplément d’âme bienvenu pour la faire exister pleinement sur scène sans en trahir l’esprit. Les éclairages « rouge cabaret » discrets, les vocaux électroniquement déréalisés et les scansions rythmiques plus appuyées que sur l’album invitent à des déhanchements saccadés que notre positon assise imposée nous force à imaginer à défaut de pouvoir s’y abandonner. Très concentré, Antoine brise un peu la glace de la froideur stylisée de sa musique le temps de très courts échanges avec le public. C’est forcément un tantinet trop bref, mais on se dit que la suite ne pourra être qu’intéressante, ou plutôt intrigante !

Album ; Earworm chez Humpty Dumpty

https://paradoxant.bandcamp.com/

Photos : Antoine Meersseman,