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Focus

La culture en mode survie

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Cinéma, Namur, secteur culturel, Cameo (Namur), crise sanitaire, FWB

publié le par David Mennessier

A l'heure où la pertinence de la gestion de la crise sanitaire semble ébranlée par les décisions prises lors du Codeco du mercredi 22 décembre dernier, le monde de la culture se voit une fois de plus mis à mal par les fermetures annoncées des théâtres, des salles de concerts et des cinémas. Cet énième coup de massue auraient pu annihiler les efforts fournis de ces derniers mois par les travailleurs.euses de ce secteur durement touché depuis 2020 par des restrictions parfois jugées injustes en regard des mesures prises par ces lieux pour pouvoir continuer leur activité malgré la pandémie. Depuis une semaine, une forte mobilisation a permis d'inverser le rapport de force et suite à un arrêt du Conseil d'Etat décidant de suspendre les fermetures annoncées. Cette décision redonne une bouffée d'air frais au secteur dans son ensemble mais jusqu'à quand ? Nous avons rencontré Laurence Hottart, coordinatrice du cinéma Le Caméo à Namur avec qui nous avons pu faire un état des lieux de la situation locale et globale de cette crise sans précédent qui continue de secouer nos certitudes depuis presque deux ans.

- PointCulture : Comment vous et vos équipes ont réagi par rapport aux décisions prises lors de la tenue du Codeco du mercredi 22 décembre ?

- Laurence Hottart : Nous étions effondrés. Il n’y avait eu aucune concertation avec le secteur donc nous ne nous y attendions pas du tout. Un grand sentiment d’injustice.

- Avec qui et de quelle façon avez-vous décidé d'aller à l'encontre de la décision de fermer à nouveau les salles de cinéma du Caméo ?

Nous avons pris cette décision à l'unanimité le lendemain en réunion intersectorielle et avec notre CA. Et puis nous avons contacté les salles A&E de la Fédération Wallonie-Bruxelles pour leur dire que nous ne fermerions pas. Nous avons aussi prévenu les cinémas de proximité. J’ai même appelé la responsable du multiplexe Acinaplolis, qui est géré par Pathé (eux, n’ont pas suivi). En quelques heures, le mouvement s’est créé dans le secteur du cinéma. Nous avons aussi contacter tout notre réseau associatif et les autres lieux culturels à Namur et à Liège. En parallèle, le même mouvement s’est créé du côté du Théâtre un peu partout en FWB.

- PC : Comment les autorités de la ville Namur ont-elles accueillis cette prise de position ? Savez-vous s'il y a un risque que la police vienne faire appliquer les directives du Codeco ou est-ce que vous pensez être soutenues par l'échevinat ?

- LH : Dès que nous avons pris notre décision, j’ai prévenu le président du cdH et bourgmestre de Namur, Maxime Prévot. Il m’a immédiatement assuré de sa compréhension et de son soutien mais m’a aussi rappelé qu’en tant que chef de la police, il ne pouvait pas autoriser la désobéissance civile et que nous risquions une amende, voire une fermeture. Nous avons été verbalisés deux fois sur les trois jours d’ouverture illégale.

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- PC : Jusqu'ici comment les mesures sanitaires étaient-elles mises en place au sein de vos salles de cinéma et comment le public s'est-il adapté à ces changements dans leur manière de venir au Caméo pour voir les films que vous programmez ?

- LH : Depuis juillet 2020 (première réouverture), le port du masque est exigé pour le public et le personnel. Nous instaurons un système de jauge pour que les salles soient moins remplies et que les spectateurs puissent s’installer en respectant un distance de un ou deux fauteuils. Il y a du gel hydroalcoolique a l’entrée, aux caisses, etc. Nous avons installé des plexis aux caisses et bien entendu tout le bâtiment est en permanence ventilé. Depuis octobre, le Cst est exigé. Globalement, le public réagit bien. C’est le port du masque qui est le plus difficile à faire respecter en salle, en tout cas au début. Maintenant, les gens l’ont accepté. Le contrôle du Cst a posé beaucoup de problèmes. Certains travailleurs y étaient opposés et pas mal de spectateurs ont des lors refusé de venir. A l’automne, nous avons mis en place les « mardis sans Cst » en réduisant les jauges à quarante-neuf personnes par salle. Le public nous en a été reconnaissant. Nous reprendrons cette habitude après les vacances de Noël, car pour l’instant nous accueillons beaucoup de monde et cette mesure n’est pas applicable.

- PC : Comment arrivez-vous à gérer la charge psychosociale subie par vous et vos équipes depuis le début de la pandémie ?

- LH : Avec beaucoup de philosophie. Le plus dur, c’est le yoyo émotionnel. Nous avons reçu l’ordre de fermer trois fois (même si nous nous sommes opposés cette fois ci). Il faut expliquer, mettre les gens au chômage, fermer les lieux (et y revenir régulièrement pour s’assurer que tout va bien ; c’est très dur de se promener seule dans un grand cinéma vide). Nous avons tous eu des up and down. Il faut sans cesse revoir la programmation parce que les distributeurs reportent ou annulent des sorties. Pour résumé, il y a une grosse surcharge de travail et un stress permanent au niveau des équipes. Mais on s’adapte, on relativise et surtout, on est soutenu par un public solidaire et extraordinaire.

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- PC : A ce jour, quel est concrètement l'impact économique qu'a eu la crise sanitaire pour le cinéma Caméo ?

- LH : Notre fréquentation a chuté de plus de 35%.

- PC : De quel type d'aide bénéficiez-vous lorsque vous aviez été amenées précédemment à fermer l'accès au Caméo lors des confinements successifs ?

- LH : Il y a eu plusieurs aides de la Fwb pour acheter du matériel, l’opération J’peux pas, j’ai Cinéma, nous avons bénéficié du chômage temporaire pour toutes nos équipes. Il y a aussi eu des aides locales : exonération de taxes et du loyer, possibilité d’extension de la terrasse de la brasserie, notamment.

- PC : Depuis mercredi dernier, le secteur culturel s'est fortement mobilisé pour contester les fermetures des salles de spectacle, de théâtre et de cinéma. Ne pensez-vous pas qu'il y a quelque chose de déplacé et d'indécent dans le fait d'aller manifester ou de décider de rester ouvert alors que le secteur hospitalier est en train à nouveau de perdre pied face à la progression inquiétante du variant Omicron ?

- LH : Ce n’est pas parce qu’on ferme la culture que le secteur des soins de santé ira mieux ! Plusieurs études ont prouvé que les salles de cinéma étaient des lieux où il n’y avait quasi aucun risque de contagion. Cette fronde est nécessaire car elle rappelle nos droits à avoir librement accès à la culture. C’est vital dans une démocratie ! Et la culture joue aussi beaucoup dans le maintien de la santé mentale.

- PC : Enfin puisque 2022 est à nos portes, quelles sont vos attentes pour l'année à venir par rapport au secteur et par rapport au Caméo ?

- LH : Une année sans fermeture ! Plus globalement, j’espère une année plus reposante (en termes de stress, pas de sorties cinéma). J’aimerais aussi que les salles de cinéma A&E s’unissent (nous y travaillons) en une structure officielle pour avoir plus de poids face aux autorités mais aussi surtout pour nous distinguer des multiplexes plus commerciaux (nous ne faisons pas le même métier). Surtout, j’espère que nous pourrons proposer un programme intéressant et riche, qui nous permettent les rencontres avec le public. C’est le cœur de notre métier. Ce qui nous fait avancer.


Propos recueillis par David Mennessier

Site web du cinéma Le Caméo