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Focus

« Fragments d'un pays vert » : une exposition de Caroline Kempeneers au Centre Bruegel

Fragments d'un pays vert 2
Plus qu’une exposition photographique, c’est une installation composite autour du Groenland que propose l’artiste Caroline Kempeneers, adepte de géopoétique, une théorie-pratique formalisée par l’écrivain Kenneth White. Autant à voir qu’à écouter jusqu’au 26 juin 2021, dans les murs du Centre culturel Bruegel.

Sommaire

« En guise de préface, je dirais donc que du côté visible de l'iceberg, c'est une histoire de rencontres, une histoire d'expéditions. La partie invisible nous parle d'histoires, d'imaginaires, en pays vert. » — Caroline Kempeneers

Au commencement

Comme par un hommage au travail du cinéaste Jean Harlez et son épouse Marcelle Dumont dans les contrées boréales du Groenland, Caroline Kempeneers repart sur les traces du couple près de 55 ans plus tard. Choisie par l'association Marémotrice en vue d'une résidence, la photographe belge reçoit pour mandat d'enrichir la connaissance sur ce pays en mutation – déjà relativement documentée sur le plan scientifique – à travers une approche résolument artistique. Une expédition qui, une fois décantée, se mue en projet d'exposition dont la démarche entend immortaliser l'essence d'une région, par-delà la fonte glaciaire et l'érosion progressive de sa faune locale.


C’est ainsi que les murs du Centre Bruegel se sont couverts de la partie émergée du projet, tout en images de paysages et d’objets de curiosité qui témoignent du voyage subjectif de la créatrice, lui-même objectivé par des cartels renseignant sur les enjeux contemporains relatifs au territoire et à ses autochtones, le peuple inuit. Voué à abreuver les imaginaires, le versant immergé se manifeste quant à lui de façon auditive, pour qui prend le temps d’écouter les créations sonores composées de récits, poèmes et chants diffusés dans des casques, parties intégrantes de l’installation.


Le premier de ces enregistrements est une introduction idéale au chamanisme des Inuits nomades, ainsi qu’à leur mythologie, et invite le visiteur à percevoir davantage que ce qui est visible par la simple contemplation du cliché ad hoc (Le visage d’Ikkateq, 2019), celui d’un panorama de fjords dont la cime brumeuse se reflète dans une mer apaisée. Une atmosphère rendue mystique par la déclamation d’un texte recueilli par l’anthropologue Knud Rasmussen, témoignage d’un passé magique au temps duquel l’humain vivait en harmonie avec l’animal, tant et si bien que l’un et l’autre se confondaient. C’est donc sur base d’une photographie à la physionomie intemporelle que Caroline Kempeneers établit un parallèle subtil entre une époque de traditions probablement idéalisée, caractérisée par une relation équitable entre humains et leur environnement, et un présent entaché par l’effondrement de sa biodiversité selon des causes anthropiques.

Framents d'un pays vert

Le visage d’Ikkateq (Caroline Kempeneers, 2019)

« Un iceberg souffle, craque et se retourne. C'est impressionnant d'assister à l'effondrement d'un building et de le revoir émerger, plus grand, et plus scintillant. Un bleu topaze radieux apparaît tout d'un coup. C'est d'une beauté hallucinante. Nous espérons que ce phénomène devienne la métaphore de notre société actuelle. » — Caroline Kempeneers

Occidentalisation : prémices d’un réchauffement global

L’exposition de Caroline Kempeneers ne fait l’économie d’aucune contextualisation historique : si ses épreuves illustrent une réalité contemporaine, l’artiste se plaît à retracer le passé de cette terre, plus grande île du monde exception faite de masses continentales telles que l’Antarctique et l’Australie. Ne pouvait être éludée la colonisation du pays par les Européens au Xème siècle, avec comme fer de lance un Viking du nom d’Eirikr le Rouge. N’ayant manifestement pu s’adapter à ce rude climat, pas plus qu’avoir suffisamment collaboré avec les populations inuites, ces explorateurs de la première heure ne laissent que peu de traces de leur passage à l’arrivée des missionnaires danois plus de sept siècles plus tard. Seuls les Inuits subsistent, prêts à être évangélisés, avec ou sans leur consentement.

« Sans que cela soit surligné d’aucune façon par le travail de l’artiste, cette acculturation aux mœurs occidentales de zones aussi reculées nous apparaît comme un signe avant-coureur de la catastrophe climatique en cours — »


Alors que le pays, fort de son propre hymne national (disponible à l’écoute au cours de l’exposition), n’est plus considéré comme une colonie depuis 1953, sa population du bout du monde n’est pas épargnée par une occidentalisation qui impacte jusqu’à son régime alimentaire : les produits importés et transformés supplantent alors ceux de la chasse et de la pêche, pratiques réputées en désuétude jusqu’à l’intervention des autorités danoises en vue de rétablir un semblant d’ordre. Or, un système de quota très controversé est d’application concernant l’ours blanc, espèce en voie d’extinction dont la peau génère une demande touristique que le gouvernement semble pourtant disposé à assouvir… Double paradoxe. Contrecoups de la modernité, l’alcoolisme mêlé à un profond trouble identitaire provoquent des ravages au sein de cette communauté inuite qui semble avoir troqué sa bière artisanale, de riz ou de raisins secs fermentés, contre de la Heineken, ce qu’atteste le compte-rendu photographique de Caroline Kempeneers.


Sans que cela soit surligné d’aucune façon par le travail de l’artiste, cette acculturation aux mœurs occidentales de zones aussi reculées nous apparaît comme un signe avant-coureur de la catastrophe climatique en cours. Une observation d’autant plus frappante qu’elle concerne le territoire d’espèces animales menacées moins par l’action directe des populations autochtones que par celle, indirecte, d’une société thermo-industrielle responsable de la fonte de la banquise. Phénomène documenté avec poésie par Caroline Kempeneers à travers un collage d’icebergs de la région d’Ilulissat, spécimens parmi les plus imposants produits au sein de l’hémisphère nord et à l’origine du naufrage d’un certain Titanic, en 1912. Un assemblage d’une majesté qui tend à occulter la réalité mortifère de ce dégel sans précédent, celui que la photographe immortalise à travers un diptyque intitulé Danses turquoises dans le fjord de Sermilik (2019), lequel montre, jusqu’à perte de vue, une pléthore d’îlots de glace affleurant la surface de l’eau comme autant de sépultures d’un cimetière aquatique.

En pratique

L'exposition se tient du 15.03.21 au 26.06.21.

Ouvert du lundi au vendredi de 10H à 16H

Ouvert les samedis suivants de 11H à 16H : 24.04 – 8.05 – 15.05 – 29.05 – 5.06 – 12.06 – 19.06 – 26.06 (finissage)

Fermé pendant les congés scolaires et jours fériés.


PROCHAINEMENT

Fragments d’un pays vert : conférence autour de l’Art inuit le jeudi 24 juin 2021 à 19h.

En présence de :

Francesc Bailon Trueba, explorateur, anthropologue, et spécialiste de la culture inuite

Carl Norac, poète national et collectionneur de Tupilaks

Jean Harlez et Marcelle Dumont, vidéastes, journalistes et artistes plasticiens

Caroline Kempeneers, artiste pluridisciplinaire, créatrice de l’installation “Fragments d’un pays vert"

Au programme :

Présentations autour de l’Art inuit du Groenland de l’Est

Projection du film “Tupilak, sculptures eskimos” (19′) de Jean Harlez

Poésies et explications autour des Tupilaks

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