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Critique

WORLD IS SHAKING. CUBANISMO FROM THE CONGO, 1954-55 (THE)

publié le

Inutile de revenir une fois de plus sur l’excellence du label Honest Jon’s et le travail magnifique de réédition auquel il s’est attaqué depuis la redoutable opportunité qu’a représenté pour eux l’accès aux archives de 78 tours du label EMI, qu’ils […]

 

 

Inutile de revenir une fois de plus sur l’excellence du label Honest Jon’s et le travail magnifique de réédition auquel il s’est attaqué depuis la redoutable opportunité qu’a représenté pour eux l’accès aux archives de 78 tours du label EMI, qu’ils explorent aujourd’hui fiévreusement.

Plongeons-nous plutôt dans le contenu de cette nouvelle anthologie consacrée au répertoire congolais des années cinquante. Si la rumba congolaise a obtenu une place de choix dans le panorama des musiques du monde, à travers ses différents styles, ses multiples variations, depuis ses origines jusqu’à son imposition comme LE genre musical hégémonique de toute l’Afrique Centrale, peu de chose sont connues de ce passage historique du high-life qui l’a précédé au melting-pot d’influences qui constitue la rumba et le soukouss tels que nous les connaissons. Pour beaucoup de gens, la rumba du Congo belge et du Congo français ne démarre qu’à la fin des années cinquante, avec des formations légendaires comme l’OK-Jazz, le Tout Puissant Orchestre Kinshasa de Franco, fondé en 1956, ou l’African Jazz du Grand Kalle dont le plus grand succès sera « Independance cha-cha-cha cha-cha » en 1960. Les artistes présents sur « The World is Shaking » étaient actifs un an ou deux auparavant et illustrent les débuts trépidants de cette musique qui faisait les belles heures des night-clubs de Brazzaville et de Léopoldville avant de devenir un cri de ralliement pour les partisans de l’indépendance et de la décolonisation. Au milieu de cette décennie, les bars et les clubs des deux capitales attiraient une foule bigarrée de dandys (les fameux sapeurs, qui se rallieront plus tard à la Société des Ambianceurs et des Personnes élégantes), d’employés en goguette, de voleurs à la tire, et des rares blancs se mêlant à la population locale pour faire la fête dans les quartiers noirs. Cette fête permanente débordant de tous les bars de l’Avenue Prince Baudouin avait pour bande-son une nouvelle musique, créée au shaker à base de tout ce qui était alors importé en Afrique par la radio et les 78 tours : le jazz de Louis Armstrong, les bluettes sentimentales de Tino Rossi et surtout les rythmes latino-américains de la musique afro-cubaine, le tout récent cha-cha-cha cha-cha et la rumba. Retour aux sources des rythmes africains, ce sont ces musiques, une fois leurs textes espagnols échangés pour des textes en Lingala ou en Kikongo, qui vont alors définir la musique congolaise pour les cinquante ans à venir. C’est l’époque où les sanza et les likembe africains, les « pianos de brousse », seront supplantés par les guitares et où les flûtes feront place aux saxophones. Tous ces instruments nouveaux pour le continent seront en quelques années domestiqués et maîtrisés pour être mis au service d’une frénésie d’expérimentations en tous sens, propulsant les entrelacs complexes de la musique traditionnelle vers les rythmes effrénés du soukouss, du kwassa kwassa et, plus tard, du ndombolo. En 1954, tout cela restait à inventer, mais ce que cette anthologie présente est plus qu’un début prometteur. C’est un témoignage tonitruant d’une musique fascinante, en pleine mutation, inventée au fur et à mesure qu‘elle se jouait et interprétée avec une fougue, une flamme et une jubilation hautement communicatives, qui émeuvent encore, plus de cinquante ans plus tard.

Benoit Deuxant

 

Sélec 8

 

 

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