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Critique

ÉTONNOIR (L')

publié le

SÉLECTION DU MOIS DE DÉCEMBRE 2006 CD DU MOIS

En parcourant le livret du deuxième album des Vendeurs d’Enclumes, on perçoit d’emblée un univers sombre et grinçant : un homme à la langue fourchue ouvre le bal; s’ensuivent des corbeaux, des hommes
sans têtes et des personnages aux gestes désarticulés. Ces peintures expressionnistes et intrigantes sont de Marine Dupont-Canard, une artiste-peintre qui inspire le groupe orléanais depuis ses débuts.
Sans trop se mouiller, on peut qualifier la musique des Vendeurs d’Enclumes de rock musette progressif. Cependant, on sent déjà qu’il faut chercher plus loin et que toute étiquette, avec ces lascars, sera réductrice. C’est que cet étonnoir demande de nombreuses écoutes tant il déroute et fascine. Le sextet impressionne en multipliant les changements de rythme et en jonglant avec une multitude de styles. Si les gimmicks et les improvisations jazz sont légion, il n’est pas rare que les cuivres s’envolent entre musique de cirque et fanfares de l’Est, le tout porté par une énergie rock’n’punk. Ces changements de cap n’altèrent en rien un son de groupe très spécifique qui doit beaucoup aux instruments choisis (guitares, batterie, basse, saxophones, accordéon et clarinette) ainsi qu’au grain expressif et plaintif du chanteur Valérian. On est pris aux tripes par cette voix qui sort les mots du plus profond de la gorge. On pense à Brel mais aussi aux chanteurs de groupes tels que les Têtes Raides, Weepers Circus, Bell Œil ou encore Les Hurleurs. Ceci dit, le chanteur se démarque et déconcerte au travers de performances de diction de haut vol qui tombent à pic ici et là.
Mais que trouve-t-on dans le ventre de cet étonnoir ? Une ballade mortuaire, une valse cruelle et douze histoires d’hommes malheureux. Les Vendeurs n’hésitent pas à mettre le doigt sur les nerfs et les nœuds de notre existence humaine. À chaque déversement, on baigne dans le flot obscur des émotions : la déchéance, la dépression, le désarroi, les dernières illusions, le désespoir, la frustration, la folie, la honte, la colère… Dignes représentants de la bonne chanson néoréaliste, les Vendeurs se font dresseurs de portraits peu reluisants. Tout le monde y passe : les pauvres gars (Le bègue, Marcel), mais aussi les assassins (Je voulais être, Kigali, De la verrière), ou encore les pourris de ce monde (Occipute). Ici, l’amour est éphémère (La valse des esseulés), voire impossible ( T’es belle), et la mort n’est jamais loin (Le bienheureux, Laissez mourir, Le ridicule, T’arrête pas). Quant aux femmes, elles sont le plus souvent au fond des verres d’alcool (Le vin mauvais).
Au bout du compte, on ne se lasse pas de réécouter ces histoires à broyer du noir. Paradoxalement, on en ressort soulagés, allégés tant les Vendeurs d’Enclumes frappent juste, maniant à merveille les mots qui touchent l’auditeur au plus profond de son âme.
GD

Site du groupe : www.vendeursdenclumes.com

 

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