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Critique

Two Gates of Sleep : la parole au silence

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Deuil, famille, cinéma américain

publié le par Michaël Avenia

Premier long métrage de son réalisateur, "Two Gates of Sleep" cultive une économie de moyens qui n’est qu’apparente. Alistair Banks Griffin confine son film au strict nécessaire (les silences, les émotions et la mort) pour en retirer la moelle essentielle.

Nouveau venu dans le camp d’un certain cinéma indépendant américain, Two Gates of Sleep est un film que l’on peut qualifier d’habité. Par l’influence d’illustres prédécesseurs cinéastes, sans doute. Mais aussi et surtout d’une « matière » dense et foisonnante, visuelle, sonore, physique.

Si les références semblent nombreuses, il serait injuste d’enfermer ce voyage initiatique à l’ombre des Malick ou Van Sant. Certes on retrouve ici l’importance du cadre naturel et le souci apporté aux personnages (masculins). Difficile aussi de faire l’impasse sur ces longs plans qui rappelle Gerry ou « Elephant. Mais sans renier ses influences (et le réalisateur de citer le cinéma français ou japonais des années 1960), le jeune cinéaste affirme bien fort ses singularités.

Two Gates of Sleep est avant tout une aventure sensorielle riche et captivante. Usant de tous les stimuli possibles, Alistair Banks Griffin plonge littéralement le spectateur dans les abîmes émotionnels de son film. L’odeur de la viande fraiche, une main qui la découpe habilement, la vision crue des viscères machinalement nettoyés… Dès les premières images, impossible de ne pas se projeter au-delà de l’écran. De la même façon, l’habillage sonore du film alterne les silences profonds avec une forme de chaos bourdonnant, donnant aux images un éclairage nouveau.

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Si l’idée de départ se résume en quelques mots (deux frères partent enterrer leur mère loin de la civilisation), elle révèle par ailleurs une réflexion vivante sur les émotions des protagonistes et la difficulté à les verbaliser. De ce fait, peu (ou pas) de dialogues. Quelques phrases éparses, le seul véritable échange se faisant avec un interlocuteur hors champ. Peu de mots donc, mais des éléments omniprésents : eau, feu, terre, air apparaissent sous bien des formes et stimulent les sens du spectateur jusqu’à devenir un langage propre et mettre en lumière toute cette part d’intériorité retenue. Le cinéma de Jeff Nichols n’est pas loin…

À bien des égards donc, ce premier long métrage est un film élémentaire et humain qui ne se contente pas de traiter d’un sujet donné, mais le fait vivre et ressentir comme une interaction nécessaire et vitale.

Déjà auteur de deux courts métrages, Alistair Banks Griffin semble bien parti pour devenir le digne représentant d’un certain cinéma d’auteur américain que l’on voudrait plus fécond.

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