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Critique

SECOND THOUGHEST IN THE INFANTS

publié le

Paradoxe : lorsqu’en mars 1996, le groupe anglais Underworld sort son quatrième album (ou le second de sa deuxième vie/carrière – cf. plus loin), le succès public qu’il rencontre est dû en grande partie à deux morceaux qui n’y figurent pas. C’est que, […]

Deux titres d’Underworld se retrouvent en effet sur la bande-son du film volontiers provocateur (drogues dures, violence, scatologie, etc.) de Danny Boyle, d’après le roman d’Irvine Welsh : « Dark & Long » qui ouvrait leur album Dubnobasswithmyheadman en 1993 et, surtout, pour la scène du réveil et les cinq dernières minutes du film, « Born Slippy .NUXX ». Ce morceau était à l’origine la face B du morceau instrumental « Born Slippy » en 1995. Dans cette version-ci, chantée, les mots sont répétés avec insistance et souvent d’une voix lointaine, robotique ou murmurée : « (…) And look at me your mom / Squatting pissed in a tubehole at Tottenham Court Road / I just come out of the ship / Talking to the most blonde I ever met / Shouting / Lager lager lager lager / Shouting / Lager lager lager lager / Shouting… / Lager lager lager / Shouting / Mega mega white thing / Mega mega white thing / Mega mega white thing / Mega mega / Shouting / Lager lager lager lager ». Karl Hyde, chanteur d’Underworld, racontera un peu plus tard : « À l’origine, le metteur en scène Danny Boyle voulait utiliser intégralement Dubnobasswithmyheadman : ’album entier serait devenu la musique du film. Mais son équipe l’a persuadé, à raison, de faire appel à d’autres groupes. J’ai beaucoup aimé le film. Boyle a, en particulier, très bien utilisé et compris “Born Slippy”. J’ai l’impression que cette chanson est devenue l’hymne de tous les poivrots d’Angleterre alors qu’à l’origine, je disais tout le mal que je pensais de ces morceaux de viande saoule. C’est un texte très autobiographique (rires)... Je me décris moi-même, bourré, errant dans Soho à la recherche du dernier métro. Je me suis suffisamment abîmé la santé pour ne pas faire croire aux gens qu’il est cool de picoler autant. » (Entretien publié dans Les Inrockuptibles, 14 août 1996). Au vu de son succès, « Born Slippy .NUXX » sera finalement ajouté sur certaines éditions ultérieures de Second Toughest in The Infants.
Quand on examine l’histoire antérieure d’Underworld, on s’aperçoit cependant qu’ils auraient très bien pu ne jamais connaître le succès qu’ils rencontrent en 1996. Le chanteur Karl Hyde et le claviériste Rick Smith se sont connus à Cardiff, au Pays de Galles, au sein du groupe Freur (deux albums en 1983 et 1986) qui bientôt, après avoir légèrement changé de composition, deviendra Underworld. Après deux essais électro-pop infructueux sous leur nouveau nom en 1988 et 1989, les musiciens se séparent. Ce qui signe la fin du groupe dans sa configuration guitare/basse/batterie.
Hyde et Smith sont attirés par Kraftwerk, par les musiques ambient de Brian Eno et par le dub – notamment celui pratiqué par le collectif londonien ON-U Sound autour du producteur Adrian Sherwood, mais aussi par la scène house de Chicago et ses racines soul-funk ainsi que par la techno de Detroit et son beat répétitif. En 1990 ils décident de faire vivre une seconde vie à Underworld (après un très court passage sous le nom de Lemon Interupt) en s’adjoignant les services d’un DJ en la personne de Darren Emerson. Celui-ci a démarré sa carrière très jeune en mixant du hip-hop puis de la house dans les clubs où il s’est construit une certaine réputation. Son arrivée marque un changement radical. L’apport d’Emerson est important, Underworld passe du statut de groupe de rock à celui d’entité techno et, dans un premier temps, en accord avec leurs nouveaux objectifs de machine à faire danser, ils ne sortiront que des maxis. Ils signent un contrat avec le label anglais Junior Boy’s Own spécialisé dans la dance music, qui a pris la suite du label Boy’s Own lié à Andrew Weatherall et qui héberge aussi The Chemical Brothers.
Leur premier album dans cette nouvelle configuration, Dubnobasswithmyheadman, marque l’année 1993 et c’est presque sur la route, dans l’urgence et l’excitation, que les musiciens enregistrent la suite : « L’improvisation tient une grande place dans la musique d’Underworld. On a construit ce groupe en suivant quelques règles précises : ne jamais répéter, ne jamais avoir de liste préétablie de morceaux à jouer, tout improviser, nous laisser porter par la nuit. Ces deux dernières années, nous avons tellement tourné que nous n’avons eu le temps d’enregistrer que trois heures de bande magnétique. Nous avons condensé tout ça en une heure de musique : Second Toughest in The Infants, notre deuxième album, était né. La plupart des morceaux ont été enregistrés en un après-midi. » (op. cit.). Leurs constructions rythmiques élaborées et complexes au service d’un beat irrésistible, s’étirant sur de longs formats pouvant atteindre plus de quinze minutes, procurent à l’auditeur un effet hypnotique. Ils semblent avoir un sens inné du groove et de la progression, la guitare se permet de petites interventions aux relents blues, l’électronique est un élément important dans leurs compositions : ils sont parvenus à relier tous ces éléments et à en faire une synthèse.
La pochette du disque est signée Tomato : un collectif de graphistes, de designers, de musiciens et d’auteurs multimédias qu’ils ont aidés à créer en 1991 et qui réalise des pochettes de disques, des clips, des films, des projets multimédias et des publicités commerciales. Grâce à eux, Underworld gère parfaitement son image, aussi bien pour les pochettes que pour les visuels projetés sur scène.

Brigitte Molenkamp

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