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Critique

UNE FEMME CORÉENNE

publié le

OH ! QUE CA BOUGE N°17 (Mai 2007) Musiques (CD) Livres Cinéma (DVD) Cinéma (Salle) Expositions Restaurant INTRODUCTION Le 7 mai 2007, un vote historique en France, pour la première fois une candidate atteint presque 47% au deuxième tour d’une élection […]

Une situation classique : un couple, le mec à une maîtresse, l’épouse finit par se consoler ailleurs. Sauf que rien ne tourne comme dans les clichés. Le mec semble dépassé par la sexualité de sa maîtresse libérée et inspiré. Il semble incapable de s’ouvrir et de se remettre en question. Son père, vieux macho impénitent décède « héroïquement » d’un cancer d’alcoolique, sa mère prend sa liberté, heureuse de refaire sa vie avec un homme qui va enfin la faire jouir. Quant à la femme trompée, draguée par un jeune adolescent, quand elle cède, c’est pour se trouver confrontée au stéréotype du désir de petit mec, pressé de vider ses couilles, fermé au plaisir de l’autre. Heureusement pour lui, il tombe sur une femme qui en a, rit de son inexpérience et le prend en main. Et encore; dans n’importe quel film sentimental américain actuel, tout rentrerait dans l’ordre, les uns et les autres faisant amendes honorables, l’image du couple « normal » se recomposant. Pas ici. Ouf ! Ça existe.
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CINÉMA (Salle)

Lou Ye, « Une jeunesse chinoise », 2006
Une histoire d’amour avant tout. Le contexte chinois est bien prégnant, mais les protagonistes ne sont pas des acteurs clefs des changements en cours. Mais ils sont plongés dans ce qui secoue la jeunesse chinoise: le besoin de soulever le joug communiste, ouvrir la société vers plus de liberté et de démocratie, redevenir des individus autonomes et responsables. Les troubles de Tien An Men (1989) sont clairement évoqués comme représentatifs de cette agitation sociale et politique secouant le milieu étudiant et perturbant même les plus passifs. C’est une chape de plomb qui se soulève et les désirs s’éveillent. Avec leurs côtés excitants mais aussi leurs perspectives effrayantes: la liberté, c’est aussi s’assumer autrement, depuis les grandes choses de la vie jusqu’aux plus intimes. C’est une société traditionnelle qui est mise en doute, surtout pour ces jeunes qui viennent des campagnes reculées. Et cela concerne bien entendu les rôles de l’homme et de la femme, leurs statuts au quotidien y compris dans la vie sexuelle. Les bouleversements de la société chinoise sont montrés de façon indirecte dans la vie sexuelle et amoureuse d’un couple impossible, surtout d’une jeune femme « dérangée » par l’immensité de ce qui se révèle à elle, qu’elle aimerait totalement embrasser avant de se fixer et de se connaître. Appel puissant de la chair comme moyen d’atteindre son identité après de multiples épreuves. Confrontation entre le sexe et l’esprit. Une liaison difficile, orageuse, romantique aussi. L’image ne l’est pas vraiment, plutôt réaliste. Le film est juste surtout dans la première partie, sur ces relations entre les troubles sociaux et les errements affectifs. Après, et surtout dans ces derniers moments, le lien avec ce passage « historique » est moins évident, et le sentimentalisme prédomine un peu trop (peut-être est-ce juste l’effet d’une musique mièvre mal choisie).
- Autre film de Le You disponible en prêt : « Suzhou Ye », VS8398, 2000)
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Claire Simon, « Ca brûle », 2006
Dans le désoeuvrement sec et lumineux de Provence, le désarroi inavoué d’une adolescente qui finit par s’embraser en une immense et incontrôlable « connerie ». Comme toujours avec Claire Simon, c’est filmé « proche du sujet », au plus près du pathos mais sans amplification de celui-ci. Avec une sorte de tendresse analytique, qui cherche à comprendre les mécanismes, à représenter l’inexplicable de l’embrasement. Du passage à l’acte monstrueux qui a ici, du fait de cette espèce d’innocence de l’adolescence, quelque chose d’inconscient, rêvé. Le dérangement intérieur dû aux premiers désordres sentimentaux, aux pulsions qui s’égarent dans un amour trop lourd à porter. Même dans sa partie la plus calme, le film côtoie le vertige intérieur de la jeunesse fille, son déséquilibre, son éblouissement, ce désir qui est né au sortir d’un coma, d’une absence, pour le pompier qui l’en a extirpé par sa voix et ses mains exécutant des « passes ». Et il y a une sorte d’envoûtement. Ensuite le film, sur son versant documentaire, suit le glissement vers l’inéluctable fait divers sordide et sur son versant fiction il trace une magnifique métaphore: je brûle d’amour, mon feu d’amour doit tout brûler, mon pompier viendra tout arranger, je me réveillerai de l’envoûtement, tout rentrera dans l’ordre, beau.
- Autres films de Claire Simon disponibles en prêt : « Récréations » (DVD) TT5182, « 800 kilomètres de différence » (VHS) TS9791, « Coûte que coûte » (VHS) TL2541, « Mimi » (DVD) TJ5946
www.cabrule-lefilm.com
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EXPOSITIONS

"Samuel Beckett", Centre Pompidou, du 14 mars au 24 juin 07
Des manuscrits, des photos, des extraits de ces pièces de théâtre filmées, le film avec Buster Keaton, ses pièces pour la télévision (on peut tout à loisir étudier les plans de Quad et regarder ce que ça donne « dans la télévision »), installations, œuvres réalisées par des plasticiens proches ou inspirés par ses textes (Alechinsky, Geneviève Asse, Chattaway, Paul McCarthy, Bruce Nauman, Penone, Richard Serra…). L’ensemble peut servir d’initiation à un public qui n’aurait qu’une idée vague de l’écrivain, favorisant une approche en douceur mais pas forcément superficielle, il est possible de ressentir "l’essence". Pour les fans, c’est un lieu de souvenirs, le dispositif aide à faire revenir les phrases, les images, les impacts laissés par la lecture. L’exposition commence par un flux assez dense, l’irruption d’un flot de paroles qui cherche à (dé)saisir un monde complexe, voulant cerner l’impossible nouveauté d’une époque succédant à l’incroyable barbarie. On rase un mur en écoutant Lonsdale lire Mirlitonnades. On rase un mur en position du personnage masqué dans « Film »… Gros plan d’une bouche qui articule jusqu’à l’absurde (« Not I ») et du texte en peinture murale décoche ses signes musicaux, tout l’espace confronte à la densité d’un univers bruissant de voix. Bégaiement universel, va et vient des mots. La scénographie évolue vers le dépouillement, vers le presque rien. Très émouvante salle consacrée aux correspondances Beckett/ Bram Van Velde. En s’immergeant dans la contemplation des objets, des photos, du son des phrases dites par des acteurs enregistrés, en se laissant gagner par l’atmosphère de l’ensemble, il y a pas mal d’émotion, sortes de retrouvailles avec le Beckett enfoui en soi. Comme dans les tunnels de ces maisons hantées des kermesses où des créatures non identifiables caressent les téméraires transportés dans leur petit train, ici, des phrases, des mots, des ponctuations, des extraits de texte reprennent possession de l’esprit. L’envie de reprendre les livres couvre à peine le remord de les avoir lu trop vite, pas assez, de n’en garder que des impressions, des contours. Il faudrait lire moins, creuser plus, retenir, fabriquer de la consistance.
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David Lynch, « The Air is on Fire », Fondation Cartier
Une très belle chose, cette exposition, Lynch transforme la Fondation Cartier en un lieu incroyable, une pièce du puzzle de son œuvre, trouvera-t-on là les indices pour comprendre ses films ? Ce décor est-il une porte vers l’univers occulte, passe-t-on ici derrière l’écran ? Non, ce n’est qu’une autre voie de garage, mais qui ouvre beaucoup d’autres pistes. De grands formats suspendus dans une géométrie de hautes tentures, peintures-sculptures un peu crades, avec des influences Kieffer, Bacon… Et références directes à la filmographie. Une vaste collection de « gribouillages », croquis, inscriptions sur serviettes de restaurants, post-it, lève le voile sur la galaxie mentale interne, révèle combien ça travaille en permanence dans le même jus. Au sous-sil, entre autres, quelques photos remarquables, de petits films de ses débuts, fiction ou animation, posent la base de l’aventure, les figures de styles essentielles sont déjà à l’étude, testées. Tout l’espace est sonorisé, comme un fragment de films à la dérive.
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Christian Marclay, « Replay », Cité de la Musique
J’ai découvert Christian Marclay il y a près de 20 ans, à la Médiathèque, dans une réunion de travail animée par Alberto Nogueira. Il nous y présentait des nouvelles des modernités musicales. Et il y avait un microsillon de Marclay. « Record player ». Ce 33 tour avait été, comme d’autres, piétiner par les visiteurs d’une exposition, ensuite emballer et vendu. Déjà un objet mixte musical et plastique, ça stimulait nos réflexionset notre rôle de « médiathécaire »: on ne pouvait pas médiatiser vers le public un tel disque comme n’importe quel autre disque !
Christian Marclay n’est pas musicien, il s’est emparé de la musique, de toute la musique, à partir de l’objet « microsillon ». Il a transformé le 33tour et la platine en instrument de musique, en instrument de connaissance de la musique, en instrument de connaissance du « faire musical ». Il fera de la musique avec toutes celles déjà enregistrées et avec l’objet qui la renferme : l’objet même du 33tour et de son support technique, la platine, devient instrument de musique. Et d’emblée, il installe sa démarche dans l’image, le visuel manifeste la preuve de l’efficacité de cette nouvelle manière de produire de la musique: c’est cette manière incroyable de porter sa platine comme une guitare et de se produire en scène à la manière d’Hendrix; c’est aussi cette courte séquence du mangeur de disque, symbolisant le dévoreur de musiques. Mais aussi: je suis rempli et animé par toutes les musiques des autres, que j’ai avalées scrupuleusement, et je vais les restituer à ma manière. Il ne suffit pas d’ingurgiter et de recracher en modifiant, en altérant un peu. Il faut avoir exercer une écoute analytique pour constituer un matériau « critique » réutilisable en une autre langue. Christian Marclay a une oreille in croyable. C’est l’oreille d’un amateur possédé, précis, hyper aiguisée. A tel point que ce qu’il va surtout signifier est ceci: la pratique pointue et amoureuse de l’amateur permet de nouvelles connaissances, de nouveaux alphabets pour exprimer son savoir sur l’esthétique, sur l’art. Et il s’agit de s’approprier ces nouvelles expressions.

  • « Cross Fire » : une salle obscure, sur chaque mur un grand écran. Vont s’y succéder un montage prodigieux de séquences de tuerie. Particularité : le canon est toujours orienté vers le centre de la pièce, vous, dans une ronde infernale. Une manière de rappeler l’importance du flingue et du meurtre dans un certain cinéma. Le montage visuel est spectaculaire. La façon dont les séquences tournent autour de la pièce, encerclent le spectateur, ne lui laissant aucune chance, révèlent une finesse impressionnante. Et l’articulation de l’ensemble relève d’une précision incroyable, jouant des différentes intensités, Marclay construit un rythme visuel et sonore, évoquant un solo de batterie. L’expression de la violence est imparable : on se sent troué par les impacts, simultanément visuels et sonores; mais le tout est construit dans une telle cohérence que l’on meurt dans une grand jubilation, c’est affreux et c’est tellement beau !

  • « Vidéo Quartet » : 4 écrans alignés sur 12 mètres. Chaque écran montre une série de scènes où, dans des films, interviennent des musiciens, des « silences musicaux » ou des ponctuations sonores apparentées au langage musical. 4 montages distincts, donc. Mais les images glissent d’un écran à l’autre, se répondent, s’opposent, s’harmonisent. Ici aussi, la finesse et la pertinence des sélections, du découpage et du montage sont sidérantes. C’est un autre film qui se construit, un orchestre visuel-sonore. Les séquences sonores finissent par composer aussi une partition particulière, cohérente au lieu de s’aligner comme des extraits musicaux simplement juxtaposés. On en sait plus où donner de l’oreille et du regard, il faut avaler l’ensemble plusieurs fois pour bien jouir de ce plan panoramique sur la musique au cinéma…

  • « Guitar Drag » : Marclay commémore de façon particulièrement incisive la mise à mort d’un Africain-Américain, James Byrd, traîné à terre derrière un camion : il attache une guitare électrique derrière son camion. La guitare reliée aux amplis monstrueux sur la remorque, volume sonore à fond, elle va s’arracher et se démantibuler au sol, macadam, terre, prairie, entraînée dans la course du camion. «Variante contemporaine du « Strange Fruit » de Billie Holiday » (Emma Lavigne). La vidéo montre la mise en place du dispositif et puis la course, ce qui arrive à la guitare, en gros plan agité, et donne à entendre le hurlement de ce qui se trace là au sol. Sur notre sol. Et il se passe quelque chose de prodigieux : la guitare électrique et tout ce qu’elle a pu symboliser comme prolongement du corps humain dans la musique rock se révèle être l’objet qui pouvait le mieux évoquer l’horreur du corps humain qui a été réellement mis à mort de cette façon. Le son est très éprouvant, pourra-t-on encore écouter le son de la guitare électrique sans penser à Guitar Drag. (Je pense que Nicolas Sarkozy n’a jamais écouté Christian Marclay et qu’il ne doit pas beaucoup aimé ce genre là.)

C’est, à mon avis, l’exposition la plus forte jamais vue sur ce qu’est la musique aujourd’hui, sur ce qu’est le musical. Sur la relation au musical et au mouvement visuel-sonore.
- Christian Marclay à la Médiathèque.
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RESTAURANT

« Ribouldingue ».
Voici le titre dans Libération : « Au Ribouldingue la triperie est à l’honneur. Des plats originaux à prix doux dans une pure veine bistrotière. » Authentique. La chef a fait son apprentissage chez Hélène Darroze. Tout ce que nous avons testé était au point, équilibré, bien pensé, abouti. Les ravioles de queue de bœuf sont délicieuses servies dans une émulsion d’une légèreté ravissante. Le chutney aux dattes qui accompagne le foie gras, une trouvaille. La poêlée de ris d’agneau aux légumes printemps mélangés avec des sot-l’y-laisse, un régal, ça semble si simple et si facile! Les desserts sont un peu fous, réjouissants. Le Minervois frappé donne envie de boire jusqu’à plus soif. Le service est rapide, sans façon, souriant.

10, rue Saint-Julien-le-Pauvre, Paris Vème, 00 33 146339880

Ecrivez-moi :

Pierre.hemptinne@lamediatheque.be

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