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Critique

Rosa, la vie : Lettres de Rosa Luxemburg

Rosa Luxemburg
Recueil de lettres écrites en prison par Rosa Luxemburg - choix établi par Anouk Grinberg
J'ai parfois le sentiment de ne pas être un vrai être humain, mais plutôt un oiseau ou quelque autre animal qui aurait très vaguement pris forme humaine ; au fond de moi, je me sens bien plus chez moi dans un petit bout de jardin comme ici, ou dans la campagne, entourée de bourdons ou de brins d'herbes, que dans un congrès du parti. A vous, je peux bien dire cela tranquillement : vous n'irez pas tout de suite me soupçonner de trahir le socialisme. Vous savez bien qu'au bout du compte, j'espère mourir à mon poste : dans un combat de rue ou au pénitencier. Mais mon moi le plus profond appartient plus à mes mésanges charbonnières qu'aux 'camarades'. — Rosa Luxemburg

Figure mythique du socialisme, Rosa Luxemburg est assassinée ainsi que Karl Liebknecht, en 1919, dans des conditions atroces, par l'armée lors de la répression de la révolte spartakiste à Berlin . Tous deux s'étaient farouchement opposés au déclenchement de la guerre, Liebknecht étant le seul député du Reichstag à ne pas avoir voté les crédits de guerre, et ils étaient devenus des opposants à abattre. L'écrivain Sebastian Haffner, dont l'Histoire d'un Allemand est une chronique saisissante de l'avènement du régime nazi, dit de ce crime qu'il fut le signal des millions d'autres qui ont suivi, jusqu'à la chute de Hitler, une guerre mondiale après. Le livre présenté ici est un choix de lettres écrites en prison par la révolutionnaire, théoricienne de l'action politique et femme à la sensibilité étonnante, et elles sont lues par l'actrice Anouk Grinberg, qui a présidé à leur choix. On a donc la possibilité d'écouter mais aussi de lire cet émouvant témoignage grâce à un objet splendidement édité par les Éditions de l'Atelier - Éditions Ouvrières. Ces lettres, d'une diversité de tonalités qui force l'admiration, nous montrent une Rosa solaire, même quand elle confie ses angoisses, en totale empathie avec TOUT CE QUI VIT, éprise de la couleur des herbes, des fleurs, et bouleversée par la vie des animaux et le sort que nous leur faisons subir – elle était écologiste bien avant l'heure –, naïve et émouvante même quand elle est tranchante et ironique, une Rosa qui ne voulait rien laisser en chemin, ni la raison, ni les sentiments, ni le combat ni l'amour, une sorte de personnalité totale dont on a l'impression qu'elle embrasse toute la création, que rien ne laisse indifférente, ni la lutte pour toutes les émancipations (elle est socialiste au sens profond et réel du terme), ni le bourdon qu'elle voit dévoré par les fourmis et qu'elle tente de sauver, ni la théorie politique (c'est une intellectuelle d'envergure), ni le plus petit rayon de soleil ou les nuages, la terre et le ciel, tout ce que le regard peut voir, l'esprit imaginer et construire et le corps sentir. Une petite femme gigantesque, presque inimaginable dans ses tendresses et son ampleur, par la profondeur du regard qu'elle pose sur la folie des humains, toujours en révolte contre les injustices qui écrasent les êtres.

Voici ce qu'Anouk Grinberg confie à propos de ces lettres, cernant magnifiquement ce qu'elles nous font : "J'en ai fait des lectures publiques. C'était comme un acte civique. Et j'ai vu tant de gens pleurer, tous bords confondus, comme si d'un coup fondait en eux tout ce qui avait gelé. Mais que pleurons-nous ? Rosa ? Cette amie qu'on rêverait tant d'avoir ? Son assassinat ? Nos vies ? L'étouffement de nos rêves et de nos sentiments ? Ce que le XXème siècle a fait à l'humanité ? Ce que la politique est devenue ? C'est tout ça, mais c'est aussi l'inverse. On pleure de retrouver ses forces, on pleure d'être rendu à soi-même. C'est comme une contagion heureuse : on aime à nouveau. On voit."

Déferlement d'humanité.

Ci-dessous un texte du philosophe Jacques Bouveresse où il est question notamment du mal fait aux animaux, de la toute-puissance meurtrière de la technique ou de la tyrannie de l'argent-roi, une réflexion menée en prenant appui sur une des préoccupations récurrentes du grand satiriste Karl Kraus et sur la communauté de sensibilité et de pensée qui l'unit à Rosa Luxemburg concernant la nature des asservissements dont sont victimes aussi bien les humains que les bêtes, plongés dans l'enfer de la guerre.

Que signifie traiter les animaux avec humanité ?