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Critique

PRENDRE FEMME

publié le

De « Mariage tardif » (« Dover Koshashvili », 2001) à « La Visite de la fanfare » (« Eran Kolirim », 2007), d’« Alila » (« Amos Gitai », 2003) et « Or / Mon trésor » (« Keren Yedaya », 2004) à « La Fille du RER » (André Téchiné, 2009) - en feignant […]

ronit

D’un physique immédiatement reconnaissable (son impressionnante chevelure noire, son regard perçant, ses mains qui dansent autour d’elle pour ponctuer ses dires…), Ronit Elkabetz n’est pas de ces actrices qui jouent la carte du déguisement et du relookage incessants (tout au plus, pour certains de ses rôles les plus dramatiques, un maquillage souligne la fatigue et les marques de l’existence : peau plus terne, globes oculaires comme plus encaissés…). Au-delà des nuances de ton entre ces films et entre les personnages qu’elle y incarne (soft ou hard, presque légers ou bien plombés), on aurait même presque tendance à lire ses différentes apparitions à l’écran comme les pièces d’un puzzle qui les dépasse, comme les fragments d’une vie de femme qui passerait de film en film. Comme le parcours diffracté d’un personnage de femme indépendante et volontaire, sauvagement sensuelle, mais souvent assez seule. Femme divorcée ou veuve, coupée - par les choix de vie ou par la mort de l’autre - de la présence de l’homme. Et quand cette ablation n’a pas encore eu lieu, hors champ et avant générique, elle s’opère devant nos yeux, au cœur du film : liaison heureuse mais malmenée par l’intrusion de la famille du jeune homme dans « Mariage tardif » ; union en lambeaux mais se heurtant au refus de divorce de la part du mari dans « Prendre femme » et  « Les Sept jours ». C’est peut-être justement là, dans les deux films largement autobiographiques tournés avec son jeune frère Shlomi, qu’élevée à la puissance quatre (actrice, cinéaste, scénariste et témoin direct d’une part du vécu de l’histoire) - que Ronit Elkabetz donne le plus d’elle-même.

Dans la chronologie de leur histoire transposée en fiction, douze ans (1979 - 2001) séparent les deux premiers volets de ce qui, un jour, sera une trilogie. Dans la chronologie de leur tournage et de leur production, seulement quatre ans (2004 - 2008) se sont écoulés. Si on en contracte encore notre temps de réception en les regardant de manière rapprochée, il devient clair à quel point les lignes de force de chaque film structurent aussi, même en sous face, l’autre film.

Inspiré de la profonde crise de couple de leurs parents, juifs marocains installés à Haïfa, dont Ronit et Shlomi ont été témoins dans leur enfance et leur adolescence, « Prendre femme » est un drame de l’incommunicabilité. Sauf que cinématographiquement, il a la bonne idée (sans doute en partie liée aux souvenirs du réel) d’ancrer cette impossibilité à se comprendre dans un microcosme d’hyper-communication où les protagonistes n’arrêtent pas d’essayer de se faire entendre : en français, en hébreu, avec les mains qui annotent les phrases, par les cris et les larmes, par le mutisme ou les regards… Viviane (la mère incarnée par Ronit Elkabetz) et le très pieux Eliahou (Simon Akbarian) ne sont plus dans le même champ d’attentes, dans les mêmes plans de vie. Ils ne peuvent plus s’entendre. Dans un contexte de famille élargie et de deuil, ou a priori la retenue et le non-dit devraient l’emporter sur le règlement de comptes, le deuxième film n’est pas en reste. Au « il lui suffit d’ouvrir la bouche pour m’énerver » de « Prendre femme » (Viviane à propos d’Eliahou) correspond le « Tais-toi, je ne peux plus supporter ta voix » de Simona à Viviane dans « Les Sept jours ».

ronitBasé sur les règles strictes de la période de réclusion commune du deuil juif (une semaine en famille, à même le sol dans la maison du mort, à prier, manger et même dormir ensemble, littéralement les uns contre les autres), « Les Sept jours » est évidemment - à l’exception des splendides scènes d’ouverture et de clôture au cimetière - un huis clos. Mais, à ce huis clos d’ordre rituel répond de manière plus discrète le huis clos de « Prendre femme » dont les huit-dixièmes sont filmés dans un appartement régulièrement sombre, aux volets souvent baissés, où Viviane s’occupe de sa famille et exerce son activité de coiffeuse. Et, malgré leur brièveté, les scènes d’extérieur en disent long sur les projets de vie divergents du mari (travail à la poste, prières au cimetière et à la synagogue) et de la femme (besoin d’air, rêves de liberté et de passion).

Philippe Delvosalle

 

A voir aussi : l'histoire d'Israël à travers son cinéma avec le documentaire de Raphaël Nadjari « Une histoire du cinéma israélien ».


Dans une cuisine ordinaire, une femme silencieuse fume cigarette sur cigarette tandis que les quelques hommes qui l’entourent, ses frères, cherchent à la convaincre de ne pas quitter son mari. Et ils en ont des argumentscar le mari est bourré de qualités et de « non-défauts » et puis, ce n’est pas raisonnable et elle devrait oublier ce caprice. Ceux qui essayent de la défendre sont rapidement éjectés de la pièce. Après avoir écouté ses frères qui lui vantent son mari comme on le ferait d’une voiture, elle se lève, va rejoindre le mari en question et accepte une réconciliation. L’appartement se vide…

Nous sommes à Haïfa en 1979, Vivianne et Eliahou sont mariés depuis vingt ans, ont quatre enfants dont le dernier a plus ou moins un an et la mère du mari vit avec eux.
Au fil des quelques jours de ce couple, de cette famille, qui nous sont contés, nous apprenons leur vie, leur passé, leurs renoncements, leur totale incapacité à se rencontrer, leur incapacité aussi à se séparer. Un film en huis-clos – on sort à peine de l’appartement – dans lequel l’accent est mis sur l’interprétation, impeccable, des comédiens; un film intelligent qui n’attribue pas à un seul des conjoints les problèmes du couple et qui ancre son propos dans une époque et dans une culture données, passant du français à l’hébreu (avec, me semble-t-il, des détours par l’arabe mais c’est à confirmer). L’actrice principale, Ronit Elkabetz, est également co-scénariste et co-réalisatrice du film. C’est une actrice majeure en Israël, une femme magnifique au visage fort et contrasté.

ED

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