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Critique

IN RAINBOWS

publié le

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Tant pis pour Lily Allen !

radiohead

Après le très rock Hail to the thief en 2003, on se demandait sous quelle forme allait nous revenir Radiohead : leur contrat avec EMI touchait alors à sa fin, après sept albums et plus de dix années de bons et loyaux services à la solde du grand capital. Refusant poliment tous les ponts d’or qui s’offraient à eux, les cinq garçons d’Oxford se retranchèrent en studio après une pause bien méritée.

En fin d’année dernière, ils nous revenaient en très grande forme, profitant du climat morose de l’industrie du disque pour mettre un grand coup de pied dans la fourmilière : le 10 octobre, l’album In Rainbows était mis gracieusement à la disposition des internautes via le serveur du groupe, sans label ni distributeur officiel, laissant à l’auditeur la responsabilité de définir lui-même le prix qu’il souhaitait accorder au produit fini (pour les puristes, un luxueux coffret comprenant un double vinyle et deux CD sortait en même temps pour une durée limitée moyennant la somme de 40£). Seule promotion faite : une annonce de 24 mots sur le site internet du groupe dix jours auparavant.

Le lendemain, le serveur explosait et les médias devenaient fous, saluant l’initiative d’un des plus gros vendeurs de disques mondiaux - la seule remarque négative émanant de la très éloquente Lily Allen (It's arrogant for them to give their music away for free - they've got millions of pounds. It sends a weird message to younger bands who haven't done as well. You don't choose how to pay for eggs. Why should it be different for music? 1 ).

Le 31décembre, l’objet du délit sortait en CD, se plaçant très vite dans le top 5 des meilleures ventes un peu partout.

Aujourd’hui, la page d’accueil du site www.inrainbows.com ne comprend plus qu’un laconique In Rainbows is no longer available as a download.

radiohead

En ce qui me concerne, j’ai découvert cet album comme beaucoup de monde, à savoir sur mon lecteur MP3 le temps d’un trajet boulot-dodo pluvieux (un grand merci à mon ami Kaël pour le partage !). De la rythmique insaisissable de 15 Steps au piano doux de Videotape, je suis sous le charme, rallongeant mon parcours de quelques pâtés de maisons pour être bien sûre de ne pas être rentrée chez moi avant la fin.

Il faut dire que Radiohead et moi, c’est une longue histoire d’amour : depuis le choc du fabuleux clip de Street Spirit signé Jonathan Glazer à aujourd’hui, la bande à Thom Yorke squatte ma platine depuis une douzaine d’années, accompagnant de ses chansons les changements de saisons, mes chagrins d’amour, mes propres essais musicaux, mes nombreux déménagements, mes échecs comme mes succès scolaires, puis professionnels… Pour faire court : j’ai grandi avec ces gars-là !

Moments choisis : Street Spirit en boucle dans mon walkman (souvenez-vous : ce truc qui lit des cassettes) sur la grande roue des Tuileries à Paris, Paranoïd Androïd parodié dans une voiture façon Wayne’s World au beau milieu des Montagnes Noires en Bretagne, Kid A en boucle (en alternance avec Àgætis Byrjun de Sigur Rós et Macha Béranger de France Inter) pour réviser mes examens de fins d’études, les voir enfin pour de vrai sur la scène de Forest National en novembre 2003, le film Meeting people is easy de Grant Gee (ou Comment ne pas péter un plomb en tournée) finissant de cimenter mon admiration !

Et puis il y aura ce fameux trajet dans les rues de Liège, un soir en rentrant du travail. Pendant des semaines, In Rainbows accompagnera systématiquement toutes mes virées pédestres, de jour comme de nuit, s’enrichissant des bruits de la ville, en parfaite harmonie avec eux.

Alors, In Rainbows, album urbain ? Il y a de ça.

De part sa forme déjà, avec ses guitares qui ne se cachent pas, ses rythmiques parfois frénétiques et, bien sûr, la voix de Thom Yorke toujours sur le fil du rasoir, entre rage et désespoir. De part son fond aussi, notamment grâce à la production soignée une fois de plus par le fidèle Nigel Godrich, sorte de sixième membre du groupe depuis OK Computer, l’album culte de Radiohead.

Après beaucoup d’expérimentations de toutes sortes (synthés, boucles, boîtes à rythme, machines mises en dérivation…), le groupe a finalement opté pour une ligne de conduite plus sobre, malgré un traitement du son des plus subtils. Depuis l’inclassable Kid A, on connaissait son intérêt pour les musiques électroniques (le titre Idioteque est même devenu un classique des dancefloors), et In Rainbows ne déroge pas à la règle, même si le résultat paraît moins électronique à la première écoute. Et pourtant, il suffit de tendre l’oreille pour déceler toutes les subtilités des arrangements. D’ailleurs, lors d’un entretien avec le magazine Trax en janvier dernier, Thom Yorke signalait que In Rainbows était, en fin de compte, beaucoup (mais vraiment beaucoup) plus électronique que Kid A en termes de production. S’inspirant des travaux de Trevor Horn (LE producteur anglais des années 80 connu pour ses collaborations avec The Art of Noise, les Buggles, Grace Jones ou encore les Pet Shop Boys) qui maîtrisait avec brio l’art délicat de l’exagération, Nigel Godrich et Radiohead ont manipulé les sons acoustiques jusqu’à leur conférer une dimension presque surréelle (notamment sur les hypnotiques All I need et Videotape).

Ce n’est certes pas le choc OK Computer ou Kid A, mais le dernier album de Radiohead mérite néanmoins une place de choix dans ma discothèque.

Et tant pis pour Lily Allen 

! radiohead

Catherine Thieron

1 – C’est arrogant de leur part de donner leur musique gratuitement – ils gagnent des millions. Ça renvoie un message bizarre aux jeunes groupes qui n’ont pas aussi bien réussi. On ne choisit pas le prix des œufs. Pourquoi devrait-il en être autrement pour la musique?, in Rolling Stone, 14 octobre 2007.

 

 

 

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