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Critique

STEAK

publié le

Dans un futur peut-être pas si lointain, où « bonjour » ne se dit plus, où le lifting est une pratique courante chez les plus jeunes, où il est de bon ton de boire du lait et où la cigarette et les livres sont totalement « out », Blaise (Eric Judor) […]

 

 

STEAK

 

Dans un futur peut-être pas si lointain, où « bonjour » ne se dit plus, où le lifting est une pratique courante chez les plus jeunes, où il est de bon ton de boire du lait et où la cigarette et les livres sont totalement « out », Blaise (Eric Judor) retrouve Georges (Ramzy Bedia), après sept ans d’internement psychiatrique. Tandis que le premier est aussi perdu que le spectateur dans ce monde improbable, le second n’a qu’une envie : intégrer les Chivers, la bande « in » du coin.

11Véritable OVNI cinématographique, film absurde et délirant, Steak est le premier long métrage de Quentin Dupieux alias Mr. Oizo. Pour ceux qui l'auraient oublié, il est le papa de Flat Eric, cette marionnette jaune qui illumina de sa présence les pubs d’une célèbre marque de jeans il y a dix ans de cela. Après ces fameuses publicités, des clips et plusieurs courts métrages, il réalise en 2001 Non Film, moyen métrage auto produit qui met en scène Vincent Belorgey et Sébastien Tellier, dont Quentin Dupieux réalisa le clip de La Ritournelle.

Bien que l’on ne puisse qualifier Steak de « grand » film, c’est un film qui a le mérite d’exister, tant il retourne, détourne et conchie les règles et les conventions.

Donc un film à voir, assurément.

A vrai dire, il n'y a que des bonnes raisons de le regarder.

Tout d'abord parce que ce quatrième passage d’Eric & Ramzy sur le grand écran les sort de leurs rôles habituels : l’humour joue davantage la carte du décalage que celui de la franche rigolade, même s’il y a quelques répliques qui font mouche, assorties de grands éclats de rire (enfin, je parle pour moi). Méfiez-vous donc de l'annonce sur la jaquette qui présente le film comme « la nouvelle comédie avec Eric & Ramzy » puisque Steak n’est pas une « grosse comédie » franchouillarde, que du contraire : l’interprétation reste sobre, les dialogues sonnent juste dans leur absurdité quasi-surréaliste, et l’on doit reconnaître à Quentin Dupieux un réel talent de cinéaste – belle photo, belle lumière, direction d’acteurs impeccable, cadrages intéressants, montage soigné…

1Malgré cela, Steak s’est méchamment viandé (sans jeu de mots) lors de sa sortie en salle, les 413 (!) copies françaises – grosse production oblige – ayant fait moins de 300000 entrées lors de leur brève exploitation. Le public s'attendant à de l'humour potache et bon marché, il eut vite fait de bouder les salles obscures. Or, Steak mérite amplement une deuxième vie en DVD, car il s’agit ici d’un film d’art & essai au sens noble (et non prétentieux) du terme. Dans l’interview d’Eric & Ramzy qui accompagne le film, le très enthousiaste Eric qualifie Steak de « film d’auteur comique » et on ne peut pas lui donner tort.

C'est que Quentin Dupieux (qui est un musicien venu du cinéma, et non le contraire) multiplie les références à l'art et la manière de ceux qu'il admire. On retrouve ici des clins d’œil – volontaires ou non – à Buffet froid de Bertrand Blier, au cinéma de Buñuel et de Cronenberg (le nom de la bande est une référence directe à son film Shivers de 1974, année de naissance de Dupieux), ainsi qu'à Orange mécanique de Kubrick, même si les Chivers n'ont pas grand chose en commun avec les Droogies en dehors de leur amour du lait. Ce gang-ci s'inquiète plutôt de laver ses blousons de façon à éviter les peluches tout en élaborant des jeux aussi absurdes qu'incompréhensibles sous la forme d'un « base-ball » pseudo-mathématique.

Mais c'est peut-être bien cela qui rend ces jeunes gens si inquiétants: à une époque où des filles à peine pubères rêvent de se faire refaire les seins, ce monde parallèle où le quidam de base se soucie plus de son paraître que de son être prête à réfléchir. Les Chivers n'ont pas peur d'affirmer que c'est la honte de passer la nuit avec une « naturelle », et la plupart des figurants affichent sur leur visage des pansements qui indiquent une intervention récente de chirurgie esthétique. D'ailleurs, Ramzy n'y échappe pas, et voilà encore une excellente raison de regarder Steak: après avoir passé la moitié du film le visage bandé façon « Homme invisible », le spectateur médusé le découvre avec une tête à mi-chemin entre Michael Jackson et Richard Berry (mélange hautement improbable, je vous l'accorde).

1Cerise sur le gâteau, Steak est desservi par une bande originale d’exception puisque Mr. Oizo y partage la vedette avec Sébastien Tellier et le très prometteur SebastiAn, leur renvoyant l'ascenseur en leur offrant une apparition dans le film. Les compositions disco-chic, drôles et décalées sont à l’image du film, les clins d’œil fusent, l’electro est omniprésente, fraîche et dansante entrecoupée de courts dialogues. Voilà en tous cas une bande originale qui dégourdit les jambes et se suffit à elle-même, avec ou sans film. Mais il serait dommage de s'en priver puisque les 80 minutes de ce savoureux Steak valent bien leur pesant de Petits Suisses, quitte à déteindre sur votre vocabulaire.

Bottine !

Catherine Thieron

 

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