Compte Search Menu

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies permettant d’améliorer le contenu de notre site, la réalisation de statistiques de visites, le choix de vos préférences et/ou la gestion de votre compte utilisateur. En savoir plus

Accepter
Critique

EXTENDED LOUDSPEAKERS

publié le

Musiques In situ / Installations sonores Andreas OLDÖRP : « Lotos. Klang Zeit Münster » Pierre BERTHET : « Extended loudspeakers »

 

 

 

 

berthetOn en a une autre version avec le travail de Pierre Berthet dont sort un nouveau témoignage enregistré : Extended Loudspeakers. Cet artiste crée des installations qui extériorisent le cheminement abstrait du son, des sortes de graphies épurées, en trois dimensions et, souvent, de structures réticulaires. On dirait le dessin d’un système nerveux rudimentaire dont les schémas se reproduisent, se marient, se répandent comme ces plantes rampantes dont la croissance démarre lentement, mais finissent par coloniser des superficies immenses. Ce sont des représentations symboliques de ce que signifie écouter : un son pénètre un organisme et est conduit au sens tout en subissant, amalgamant une série de décodages et interprétations autant culturels que physiologiques, souvenirs convoqués par comparaison, ressemblance, dissemblance, accord ou contraste.

Extended loudspeakers est la figure d’un circuit avec source sonore - un événement -, et impact dans un récepteur, cellules de captation et de diffusion, synapses qui transportent les signaux, organes de diffusion du message final. Sauf que chaque partie de ce réseau devient multifonctions et réversible: la source sonore est, dès sa libération, organe de transformation et de diffusion, les cellules et fibres nerveuses qui transmettent les signaux les font entendre dans leur déplacement, les organes de diffusion basculent en nouvelles sources sonores. L’écoute et la formation d’images musicales qui en découlent ne sont jamais étanches, ne s’accomplissent pas en chambres stériles, ce sont des énergies culturelles multidirectionnelles et polymorphes. Soit un écoulement de gouttes dans un récipient métallique prolongé de câbles conducteurs qui se ramifient, aboutissent ou traversent des caisses de résonance, conduisent à des membranes de haut-parleurs, rencontrant ici ou là des ventilateurs impulsant des oscillations modulantes à l’ensemble du système. La forme de celui-ci est étudiée en fonction du lieu d’implantation. Même si tout est réglé comme du papier à musique, l’ensemble reste ouvert au hasard et le chapelet initial de sons évoque un coup de dès. Un écoulement de gouttes, un collier qui se rompt en un précipité de perles cristallines.

Ce qui s’amorce rassemble les images et les survivances d’un moulin à prières, d’un gamelan, d’un bol tibétain, d’un chant diphonique. Imaginez un bol tibétain qui vole en éclats dans le vide - rendant audible, par réfractions sur le miroir des infimes éclats, chaque parcelle du néant. Le bol s’éparpille en larmes joyeuses qui elles-mêmes se brisent et s’éparpillent, il n’est plus que myriade de bris dissociés, de nano-gongs dans l’espace, mais l’oreille continue, simultanément au micro-fracas, à entendre résonner la totalité du bol. Un spectre. Ce phénomène, frappé de rythmiques et arythmies variables, pouvant traverser des zones d’anomie, est transformé et transporté dans une clameur diffuse, un bourdon électrique à travers des rétentions caverneuses, des jeux d’ombre, des jets de poussières qui dévient les trajectoires, des magmas névralgiques, des illuminations. Une sorte de mouvement perpétuel, jamais le même, jamais complètement différent, englouti lentement dans des brouillards harmoniques, tantôt instables et chaotiques, tantôt lisses et épurés. Au fil de sa propagation, le flux musical agrège des impuretés, des matières impropres, en une incantation ombilicale, sourde, parfois abrasive, et c’est par cela qu’elle prend, que l’on fait corps avec lui, en courant alternatif. Face à l’installation, on se déplace, on accompagne le déplacement du son, on cherche à comprendre comment ça fonctionne, comment toutes les parties se relient et collaborent. À chaque changement de position, on entend autre chose. En écoutant le CD, tout cet agencement est intériorisé, c’est comme si on entendait fonctionner à vide, à l’écoute de nous-même, notre appareil auditif dans toutes ses composantes nerveuses, organiques, électriques, immatérielles.

Pierre Hemptinne

 

selec9

 

 

Classé dans