Compte Search Menu

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies permettant d’améliorer le contenu de notre site, la réalisation de statistiques de visites, le choix de vos préférences et/ou la gestion de votre compte utilisateur. En savoir plus

Accepter
Critique

RECEIVERS

publié le

Deerhunter - Gang Gand Dance - Parts & Labor

 

 

 

 

 

2008 (9), année de crise ? Si la sinistrose et la nostalgie consolante règnent en maître, on trouve toujours de joyeux plaisantins pour glisser du poil à gratter sous les aisselles de la pop et l’empêcher de s’assoupir !
Qu’on se rassure, les trois gentils excentriques n’ont rien à voir avec ces groupes et artistes autoproclamés « comiques» ou «humoristiques » dont la musique se résume la plupart du temps à une sinistre pochade festive, prétexte au grand n’importe quoi.
L’ambition de ces trois mousquetaires est plus modeste (et puis faire rire est un boulot sérieux!) et exclusivement ramenée à hauteur de la pop. Comment prolonger l’excitation et trouver les moyens d’évoluer dans sa petite bulle autonome sans la faire éclater… L’antienne est vieille comme l’histoire du son enregistré, mais un peu en retrait de la dernière déferlante « shaker pop » (« je goinfre mes petits synthés 80’s jusqu’à la gueule de tout ce qui peut y entrer et je pousse les chœurs bien devant… ») Deerhunter, Gang Gang Dance et Parts & Labor font passer leur petit point de vue sur la chose pop avec l’œil en coin des gens qui s’intéressent plus que de raison au détail qui cloche et affichent une prédilection particulière pour les anomalies étranges, discrètes ou sympathiques de perspective.
Défini à ses débuts par ses géniteurs comme ambient punk (?), Deerhunter – à ne pas confondre avec les doux cintrés de Deerhoof – semble avoir sérieusement restreint sa dépendance médicamenteuse sur «Microcastle», second album à sortir chez Kranky en deux ans (un premier en 2005), mais avec le renfort de la maison 4AD (TV On The Radio) pour l’Europe. Quelques esprits tordus avaient cru bon tisser un lien de cause à effet entre les brouillards sonores ouatés et drones apprivoisés de ces chansons qui refont le portrait en pointillé du rock psychédélique en 2008 et la maladie génétique rare qui affecte son leader Bradford Cox, atteint du syndrome de Marfan qui le fait ressembler à un spectre errant. Or, vu la teneur peu engageante des derniers événements le touchant de près - décès en rafales dans son entourage, dont celui de l’ancien bassiste Justin Bosworth, disque catapulté sur l’Internet suite à une
malencontreuse manipulation de sa part… - « Microcastle » laissait présager une descente aux enfers via une culbute dans des limbes de décibels enchevêtrés ou des abîmes de mélancolie. Et c’est tout le contraire! Deerhunter a gagné en limpidité et en force de propos sans lâcher ses prédispositions solaires et addictives. Entre comptines rêvasseuses qui vont droit dans le mur du son («Twilight at Carbon Lake »), ballade mentale champêtre sous camisole (« Agoraphobia »), assertion shoegaze assumée (« Never Stops »), délices pop subtilement éthérés (« Calvary Scars », « Green Jacket ») et fantasmes de hits noisy en puissance (« Nothing Ever Happened », «Saved By Old Times»), les Américains ont placé l’accessibilité et l’optimisme en étendard de leur petit château: visite offerte à tous!
« À la Saint Dymphna, guiboles et neurones finiront tout raplapla! » Gang Gang Dance tient a priori de l’association bégayante (vu son appellation…) de jeunes new-yorkais bien éduqués dont le profil Facebook n’est tapissé que de références/amis dûment sélectionnés: Sonic Youth, Animal Collective et une tripotée de musiciens et plasticiens candidats à la prochaine hype. Une première signature initiale maison sur le label repère Social Registry (Samara Lubelski) et un relais pour l’Europe via la toujours très cotée structure Warp pour le dernier et déjà quatrième disque, et voilà Gang Gang Dance paré (au choix) pour les lauriers et/ou les quolibets. La fine pelure de no man’s land entre génie et coup de bluff vient encore de se débarrasser d’une couche tant l’electronica branque, densément rythmée (de traviole) et jouée le nez en tire-bouchon après une bonne omelette aux champignons des villes (?) peut décontenancer à la première écoute.
Mais si «Saint Dymphna» est bien la patronne des malades mentaux, le fourmillement des idées sonores et l’enchevêtrement subtil et alambiqué des sons et pulsations rythmiques dénotent a fois d’un sens de l’ordonnancement barge plus que maîtrisé et d’une libre conception du détournement qui se devine dès la pochette avec ces tchadors revisités façon carnaval et paillettes glam. Les gigues du gang U.S. partagent la même appétence que les actuels Liars ou Foals pour les rythmes tribaux, à la fois minimaux et complexes, mais leurs bonnes mauvaises manières semblent descendre en droite ligne du bouillonnement éruptif de la No Wave de la fin des 70’s, voire des Talking Heads. Pour le reste, entre des Georges Leningrad pré-ados, des Black Dice volages et un Plaid dodelinant au grand vent des gratte-ciels, hip-hop primal et disco saillante, Gang Gang Dance titille autant les imaginations qu’il cisaille les certitudes.
D’autres ayant fracturé les leurs, les Américains de Parts & Labor. Repérés par une sous-structure du label Jagjaguwar (Bon Ivers), Brah records, l’ex-duo passé à quatre pour le présent Receivers, s’était fait fort sur ses trois premiers disques d’attacher les guitares véloces des Ramones au wagon Trans Am tout en observant de loin la mue progressive de leurs voisins d’étage Oneida, troquant, album après album, leurs piquants noisy contre un beau poil kraut-rock. Les machines ont cet avantage de permettre à des petits comités de disposer de la force de frappe de plus larges formations ainsi que de leur mémoire. Avec ses grattes reliées à ses Casios (ou leurs substituts), Parts & Labor dessine des risettes de bébé à ce bon vieux rock psychédélique (celui de Pink Floyd) dopé à l’EPO électronique, introduit des couleurs dans le post-punk (à la Wire ?) et réalise l’improbable rencontre Brian Eno/Sonic Youth dans un tunnel de soufflerie aérodynamique. Effets garantis !

Yannick Hustache

 

Selec

 

Classé dans