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Critique

J'AI RIEN COMPRIS MAIS JE SUIS D'ACCORD

publié le

Dans une Société de la compétition rongée par l’arrogance des vainqueurs, NonStop brandit le spectre d’un changement unilatéral des règles, de l’abandon ou d’un nouvel art - conscient et volontaire - de la défaite.

 

Dans une Société de la compétition rongée par l’arrogance des vainqueurs, NonStop brandit le spectre d’un changement unilatéral des règles, de l’abandon ou d’un nouvel art - conscient et volontaire - de la défaite.

nonstopÀ Toulouse, depuis au moins vingt-cinq, voire trente-cinq ans (Fabulous Trobadors dès 1986 / Riga Riga dès 1977), en funambule sur la Ligne Imaginot, sur cette fine corde tendue que le verbe et le beat (tambourin ou boîte à rythmes humaine…) viennent titiller par les deux côtés, Claude Sicre retisse du lien social. Avec sa joyeuse musique proto-hip-hop, bien sûr, mais aussi avec ce qui ne peut en être artificiellement coupé : les repas de quartier, les conversations socratiques qu’il co-organise…
Toujours à Toulouse, toujours au point de rencontre du texte et des lignes rythmiques et en périphérie du hip-hop, mais plus récemment - depuis le milieu des années zéro - lorsque Frédo Roman endosse son identité musicale NonStop, la joie, explosée en shrapnel, s’est volatilisée et la musique ne rapièce plus rien. Là où Sicre et les siens tentaient des greffes, NonStop défait les points de suture, dépiaute, met le doigt où ça fait mal. Non pas par sadisme, mais par inclinaison à la voyance et souci de lucidité. Pour Road movie en béquilles, le magistral premier album de NonStop en 2005, on a exagérément eu recours aux métaphores issues de la boxe et de la fight (« Mike Tyson de la rime », « Hip-hop bastonneur », « Quel coup de boule ! »…). Des formules qui soulignent le côté puissant et furieusement interpellant de la suite de morceaux de Roman et de ses complices mais qui, en même temps, gomment - ou atténuent - la finesse et la subtilité dans le travail d’écriture en amont. Comme Vésale disséquait des cadavres pour comprendre le corps humain, NonStop défait au scalpel les prothèses cache-misères de notre corps social. Sans doute sans croire au progrès qui motivait encore son ancêtre humaniste du seizième siècle et selon un élan plus désespéré et plus proche de certaines métaphores politiques du cinéma fantastique américain (Invasion of the Bodysnatchers de Don Siegel, Dawn of the Dead de George Romero ou They Live de John Carpenter) : ne pas laisser triompher trop facilement les zombies qui se sont infiltrés aux postes de commandement de nos sociétés…

C’est à nouveau Stéphane Blanquet qui dessine une pochette très cohérente avec le contenu de ce second album, doublement obsédé, d’une part, par la chair et la viande et, d’autre part, par la robotisation et la déshumanisation (p.ex. « Robot robot robot à la viande / De la viande de robot », « Une paille plantée dans un steak » ou encore « Grâce aux progrès de la taxidermie, les cadavres sont photogéniques et font la couverture des magazines / De la Ritaline dans la purée, les enfants deviennent des robots. On leur parle : on a l’impression de cocher des cases »). Si le terme n’était galvaudé - e.a. par la déclinaison en sets de table de L’Empire des lumières ou en slips de La Trahison des images (« Ceci n’est pas une pipe ») - on oserait presque parler ici de surréalisme. Mais un surréalisme plus primitif et plus solitaire, plus proche de Jérôme Bosch, dans cette manière de marier de force les contraires et de faire jaillir de ces courts-circuits des étincelles poétiques, fantasmagoriques - voire, dans le cas de NonStop, des déflagrations politiques.

 

Philippe Delvosalle

 

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