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Critique

MARVEL 14 - LES SUPER-HÉROS CONTRE LA CENSURE

comics

publié le

Plus fort que Superdupont ! Supercensor !

Sommaire

Durant des décennies, le plus implacable ennemi des super-héros en terres de France se cachait de fait dans les couloirs sombres des ministères, drapé de son bon droit moral de préserver « l’innocente jeunesse française » des méfaits de quelques personnages emblématiques de la bande dessinée américaine…

Au départ, on pourrait prendre ce documentaire pour un reportage amusant  autour des us et coutumes de quelques « geeks » amateurs de comics US (terme générique qui désigne la bande-dessinée dans les pays anglo-saxons), lancés dans l’improbable quête d’une sorte de graal artistique, mettre la main sur un exemplaire du Marvel 14, qui aurait dû paraitre en 1971, mais n’est officiellement jamais sorti des presses, victime de la censure officielle !

Au-delà de cette histoire touchante de fans aujourd‘hui largement quarantenaires qui ont découvert les super-héros au travers de leurs adaptations françaises BD à la fin des années 60, en particulier via les parutions de feu l’éditeur LUG basé à Lyon (et ses titres les plus célèbres, Fantask, Marvel puis Strange, Titans, Nova…), c’est bien plus aux méfaits d’une censure très officielle «appliquée pour le bien de ceux qu’elle est censée protéger » que se penchent Philippe Roure et Jean Depelley.

Où comment, dans la foulée de la libération et du plan Marshall destiné à redresser l’économie d’une Europe ruinée par la guerre, se dessine, climat de reprise en main morale et vieux relents franchouillards d’anti-américanisme aidants, l’ébauche d’une « politique culturelle» visant à protéger la jeunesse française (entre autres) des « méfaits de l’ American waw of life », véhiculée par ses manifestations les plus tangibles, le cinéma et les bandes dessinées, accusés très tôt d’être à l’origine de tous les maux d’une jeunesse qui s’affirme alors comme une classe sociale (et économique) à part entière.

Avec pour effet direct la création d’une commission de surveillance « nationale » où siègeront aussi bien des élus issus des rangs de la droite catholique, du Parti Communiste, que d’anciens haut responsables du régime de Vichy ( !) et la publication d’une loi - celle du 16 juillet 1949 – qui va leur servir autant de caution légale et philosophique que de moyen d’action. Une commission qui va se pencher de très près sur le contenu des périodiques destinés à la jeunesse, juger de leur caractère traumatisant ou moralement douteux, et émettre régulièrement des avis assassins (mais qui n’ont pas nécessairement force de loi) qui signent l’arrêt de publication de pas mal « d’illustrés », comme on dit dans le jargon de l’époque.

Au nombre de leurs victimes, la revue Fantask (après sept numéros), puis Marvel stoppé après 13 parutions, et un quatorzième titre, bloqué au stade des épreuves dans des circonstances presque rocambolesques, qui viendront alimenter à une quasi légende, retracée dans ses grandes lignes dans la seconde partie du film. Un mythe qui montre l’attachement précoce de toute une génération de lecteurs qui va découvrir et s’enticher des super-héros de la Marvel Comics (Spiderman, X-Men, Daredevil, les Quatre Fantastiques…), qui ont certes, alors mauvaise presse alors qu’ils sont aujourd’hui partout (…). Des comics enfin distribués à l’échelle nationale dans des parutions de qualité, et qui leur valent même les éloges de Stan Lee, grand démiurge de Marvel Comics et de ses héros « à problèmes », dans une lettre publiée dans le courrier des lecteurs de l’ultime numéro publié de Marvel ! (le 13 donc !).

Conséquence indirecte de l’arrêt de la (revue)  Marvel, les éditions Lug vont, pendant près de trente ans, jusqu’à leur intégration au groupe Semic et leur déménagement à Paris au début des années 1990, se livrer à une autocensure systématique. Cases ou éléments de décor supprimées, onomatopées (dont les Américains font grand usage) systématiquement effacées, découpages revus, couleurs atténuées et nombres de vignettes, de personnages et de situations retouchées ou redessinées, ceci afin d’en expurger le moindre élément traumatisant en germe pour «nos chères têtes blondes… ». Une politique éditoriale volontariste de prudence que Lug poursuivra sans ciller alors que le corset de la censure se détend dès la seconde moitié des années ’70, la peur de la sanction ou du couperet de l’interdiction demeurant trop forte…

A titre indicatif, à ce jour, ni la fameuse commission de surveillance, ni la loi vieille à présent de plus 60 ans n’ont été officiellement supprimées des textes législatifs, seulement mises en sommeil. Moralité ; selon la règle qui prévaut dans ce genre fictionnel particulier, les super-héros ont peut être gagné la manche, mais les vilains finissent toujours par revenir…

Y H

Marvel 14, les super-héros contre la censure, un documentaire de Philippe Roure et Jean Depelley. Metaluna Productions (2012)

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