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Critique

TOUT EST CALME

publié le

On pourrait décrire les chansons de Lantoine avec les mots de Tom Waits parlant de sa musique : « Elle est devenue de plus en plus dépouillée. Jusqu’à se réduire à une phrase. J’ai besoin de quelque chose de rudimentaire, de fondamental. Et le […]

On pourrait décrire les chansons de Lantoine avec les mots de Tom Waits parlant de sa musique : « Elle est devenue de plus en plus dépouillée. Jusqu’à se réduire à une phrase. J’ai besoin de quelque chose de rudimentaire, de fondamental. Et le spiritual est une forme vivante qui se suffit à elle-même. Il n’y a rien à ajouter. Je préfère aujourd’hui écrire sans instrument, seulement avec ma voix. En chantant à tue-tête et en claquant des doigts. » (Le Monde, 24.11.06) Vous transposez ça dans l’univers du Nord, dans la langue cht’mi (le spiritual chti, ça existe) et vous approchez du souffle que dégage Loïc Lantoine. Un phénomène.

 


De Badaboum à Tout est calme, en voisin singulier des Têtes Raides, Loïc Lantoine donne la chair de poule à une chanson française souvent trop lisse. On pourrait lui adapter des propos de Tom Waits :
dépouiller la chanson, la dépiauter, garder le filet de sens et d’émotion, la voix avant tout, rester au plus près du « spiritual ». En l’occurrence, du « spiritual » chtimi. Ou du « slam » chtimi. Rude, introverti, débordant d’humanisme aux entournures, généreux de poésie dans sa timidité, vachard à l’égard de l’ennemi héréditaire. Une poésie personnelle affranchie, mais en filiation des Supervielle, Norge et Michaux longtemps célébrés intimement. Des chansons qui sillonnent le Nord profond, région éprouvée, couturée. Elles lèvent un voile sur les penchants fantasques et les démesures rentrées, frustrées, elles en reflètent l’histoire profonde, politique et sociale, passé de luttes et de combats, mais sans s’y alourdir, juste dans les marges, par retombées textuelles, jeux de vers et tendre dérision. En accord avec la contrebasse de François Pierron, profondeur de mine et camaïeu gris nuage, la voix de Loïc Lantoine arpente le déboussolement, l’inquiétude d’une époque. Rien n’est calme, sauf la dignité des mots et les rêves de bonheur. Comme d’ouvrir un bistrot, à la manière d’un « cycliste, d’un ouvrier à la r’traite, pour kidnapper la fin d’la tête. » Justement, le timbre, la respiration, le rythme dans des textes de résistance têtue pince-sans-rire, Mais non c’est le genre de voix intérieure qui soutient la cadence du cycliste nordique, dans les plaines nues, froides, venteuses. Du fan de Johnny au « mauvais gâs », en passant par le prolo Cosmonaute, le « pédégé » révolutionnaire, le copain Pierrot, cocasseries et tragédies font bon ménage. Les cordes sensibles vibrent en rognant le pathos excédentaire, façonnant les mélodies à la hache et distillant après bien des frasques cette sagesse simple « D’un chagrin, j’ai fait un repos ». C’est aussi le titre d’un film de Laetitia Carton qui ouvre les concerts de Lantoine. Avec ça, vous irez loin, garçon !
Pierr Hemptinne

Écoutez aussi :

- Loïc Lantoine : « Badaboum » - NL1504
- Raoul de Godewarsvelde : "Ses grands succès" - ND1708
- Jules Supervielle : "Le boeuf et l'âne de la crèche" - HB7369
- "Monstres sacrés, sacrés monstres : Henri Michaux" - HA0157

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