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Critique

LIVING IS HARD. WEST AFRICAN MUSIC IN BRITAIN, 1927-1929

publié le

Honest Jon’s Records est, faut-il le rappeler, le label qui nous avait déjà donné la magnifique série « London Is The Place For Me » consacrée au calypso, au kwela, au highlife et au be-bop enregistrés par la communauté noire de Londres dans les […]

 

 

Honest Jon’s Records est, faut-il le rappeler, le label qui nous avait déjà donné la magnifique série « London Is The Place For Me » consacrée au calypso, au kwela, au highlife et au be-bop enregistrés par la communauté noire de Londres dans les années 50. Avec cette nouvelle série, le label remonte cette fois un peu plus loin dans le temps, pour déterrer des enregistrements réalisés à Londres toujours, mais cette fois dans les années 20. Réalisés par le label Zonophone à partir de 1927, ces 78 tours étaient consacrés à la musique de l’Afrique de l’Ouest et des colonies anglaises qui s’y trouvaient alors. Destinés à l’origine au marché ouest-africain et chantés dans toutes les langues de la région : Wolof, Temni, Yoruba, Vai, Fanti, Hausa, Ga et Twi, ces disques étaient généralement réalisés en faisant faire aux artistes le voyage du Ghana ou du Nigeria jusqu’aux studios de Londres, mais aussi dans certains cas en se basant sur une petite communauté naissante de musiciens noirs, immigrés en Angleterre au début du siècle passé. Accompagnant l’immigration africaine en Grande-Bretagne et sa douloureuse histoire ponctuée d’exploitation, de violence raciste et d’exclusion, ces musiciens ont ainsi réalisé pour Zonophone des centaines de disques qui furent ensuite exportés en Afrique.

Malgré l’origine coloniale de ces enregistrements, ces disques sont pour la plupart dépourvus de toute trace de fusion, de « blanchissement ». Il n’y a ici aucune volonté d’inclure le public blanc, aucune recherche de popularité auprès du public de Grande-Bretagne, on dirait aujourd’hui aucun compromis. Entièrement tournés vers l’Afrique et s’adressant quasi exclusivement aux communautés traditionnelles de leurs pays d’origine, les musiciens édités par le label ne vont pas chercher le highlife, l’accommodement, le moyen terme. S’il existait un (petit) public à cette époque pour la musique des communautés noires, c’était pour celle des autres continents, la musique des anciens esclaves noirs des États-Unis et des Caraïbes. Ce n’était pas encore le blues, mais bien le ragtime ou la musique des Minstrels Shows qui plaisaient alors. Mais même si l’on entend parfois quelques traces de musique des Caraïbes ou l’intervention d’une guitare ici ou là, cette anthologie nous montre bien l’exact opposé de ces spectacles. Les musiques sont ici résolument traditionnelles, résolument afro-africaines, sans mélange. Elles sont enracinées dans les musiques folkloriques et les musiques de transe d’Afrique de l’Ouest.

À l’époque où naissait le concept, encore très « ethnologique » et documentaliste de field recording, d’enregistrement de terrain, et où ses concurrents établissaient des studios locaux, sur place, en Afrique ou ailleurs, le cas du label Zonophone est assez étonnant. Il aura toutefois permis à de nombreux musiciens le « passage vers l’Europe ». Bien d’entre eux resteront à Londres et rejoindront une communauté de plus en plus grande de musiciens noirs africains, qui sera, comme la communauté jamaïcaine quelques années plus tard, d’une grande importance pour le futur développement de la musique anglaise.

Benoit Deuxant

 

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