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Critique

POINTES ET LES DÉTOURS (LES)

publié le

La chanson et les lettres, entre Jeanne Balibar et Barbara

Tirant son nom d’une magnifique chanson de Dick Annegarn, Le Saule est un des labels français les plus excitants du moment. Rassemblant des artistes qui ont en commun d’écrire des chansons, à la main, et de les chanter, à voix nue, il couvre à ce jour l’actualité de Jean-Daniel Botta, Léonore Boulanger, Camille Couteau, Philippe Crab, Antoine Loyer et Aurélien Merle. Jetez une oreille sur leur site (www.lesaule.fr) et vous vous rendrez vite compte qu’ils ont mis la barre très haut. Car, le fait qu’ils défendent une chanson possédant un caractère artisanal au moment de l’inspiration créatrice ne les empêche pas d’offrir à chaque fois une réalisation dense et fouillée.

Après Contretemps (2008), la jeune Léonore Boulanger a, pour ce deuxième album, de nouveau confié ses textes au talentueux compositeur, guitariste et bassiste Jean-Daniel Botta. Ensemble, ils ont créé onze titres intemporels, hors mode, suspendus entre le rêve et … le rêve éveillé.

La chanteuse ne laisse pas indifférent. Son chant étrange charme ou agace d’emblée. On chérit ou on déteste cette voix, suave et sensuelle, qui se pose nonchalamment à la manière de Jeanne Balibar et qui sait dire par son chant les choses avec grâce comme le faisait Barbara dans les années 60. Mais, on ne peut nier que cette interprétation soit en symbiose avec les mots mis en musique ici.

Léonore possède une plume résolument poétique, fraîche et surréaliste, libre et raffinée. Elle chante sa folie douce qui l’entraîne dans les eaux peu fréquentées d’une écriture qui a autant soif d’absolu qu’elle n’a pas besoin de se rassurer : « Le principe de déraison / Qui rend la démesure / Considère de l’horizon / Les pointes et les détours ». Littéraire dans l’âme, elle choisit ses mots pour leur beauté, leur rareté, leur sonorité peu courante : « Petits serins et grands oiseaux / Tout comme l’aven se donne à l’eau ». Les tournures des phrases parfois elliptiques, souvent alambiquées l’écartent définitivement des paroliers du quotidien. Et pourtant cette poésie sophistiquée est limpide. Léonore arrive à transporter dans une sphère parallèle ceux qui conçoivent que la compréhension d’un texte est parfois secondaire ou multiple. Là, les associations de sens inattendues font mouche, si bien que les visions rêvées de la demoiselle nous font rêver à leur tour.

Ces mots, Jean-Daniel Botta a choisi de les habiller avec une palette d’instruments exclusivement acoustiques. Aux piano, guitare, violoncelle, orgue, contrebasse, accordéon, batterie et percussions se mêlent astucieusement gembri, bouzouki, kalimba et scie musicale. Avec ses complices de haut vol, le compositeur nourrit sa chanson folk planante de rythmes tribaux, de couleurs jazz et afro, et de climats inspirés du répertoire classique. Le chant s’en voit magnifié et la touche onirique de l’ensemble renforcée.

Tout en poussant le mariage des mots et de la musique à un niveau artistique rarement atteint, Léonore Boulanger et ses musiciens ont réussi le pari de ne pas tuer le pouvoir émotif simple d’une chanson. Les Pointes et les détours fait partie de ces disques qui procurent des sensations nouvelles à chaque écoute et qui marque au fer rouge celui qui prend la peine de s’y aventurer.

 

Guillaume Duthoit

 

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