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Critique

MUSICALLY MAD

publié le

La chambre d’échos

 

La chambre d’échos


Deux documentaires pour remonter à l’une des (ou la) source(s) trop méconnue(s) de bon nombre de musiques électroniques d’aujourd’hui et du phénomène club qui lui est étroitement associé, brosser le portrait de ses acteurs-clés, dresser un schéma d’ensemble et traquer ses plus improbables dérivations actuelles avant de s’arrêter sur l’une de ses manifestations les plus vivaces : le sound system !


La définition la plus couramment admise du dub est celle d’un genre musical issu du reggae qui se caractérise par la mise en avant du couple rythmique basse + batterie et l'utilisation massive d'effets appliqués aux autres instruments et/ou générés par des machines (wikipédia). Sa genèse accidentelle et presque rocambolesque, par-delà les faits historiques avérés, a fini par forger une légende autrement plus reluisante que la réalité historique qui l’a vu naître : le climat de violence sur fond d’extrême pauvreté de la Jamaïque à la fin des années 60. Des conditions d’émergence sur lesquelles le réalisateur brésilien Bruno Natal de Dub Echoes revient brièvement non sans oublier le rôle déterminant des sound systems, ces installations sonores installées avec les moyens du bord et fortement tributaires du sens de la débrouille de son assembleur/concepteur (y compris pour ce qui est de l’alimentation !) destinées à attirer le chaland et le faire danser en vertu du décibelage atteint, surtout dans ses éléphantesques lignes de basses !


King TubbyLe dub naît du choc ressenti à l’écoute d’une plaque reggae au pressage défectueux privée de ses aigus et voix ! Dans la foulée d’un génie auto-couronné - King Tubby - le dub élabore sa syntaxe et son vocabulaire en un temps records (dès 1968) autour de mélodies certes minimales, mais hypertrophiées au niveau de la colonne vertébrale (l’insécable couple basse/batterie) sur laquelle vient se greffer une ribambelle non clôturée à ce jour d’effets sonores (écho, réverbération, saturation, phaser…) qui creusent toujours plus profondément la tectonique des basses fréquences. Profitant de l’autonomie assortie d’exclusive que leur confère la dubplate (pressage unique sur microsillon à destination d’un DJ ou d’un sound system), une première génération de pionniers (Lee « Scratch » Perry, Bunny Lee…) perfectionne et enrichit le langage balbutiant du nouveau venu et lui adjoint une dimension parlée et improvisée, parente du flow, chère aux rappeurs : le toasting.
Mais la force et l’originalité du dub sont leur pertinence féconde, mais discrète. Peu connu du grand public et sans tube mondial à son actif, il n’a cependant jamais cessé de se mêler et d’irriguer presque toutes les déclinaisons musicales nées avant, en même temps et après lui, quand il n’en est pas tout bonnement à l’origine (la récente émergence des dubstep et grime). Suivant la diaspora jamaïcaine en Angleterre, le dub, connaît une nouvelle résurgence à la fin des années 70 sous l’impulsion des Mad Professor et Adrian Sherwood qui initient les punks (et les blancs) au reggae et modernisent les techniques d’enregistrement. Désormais conçu à l’aide presque exclusive de machines et doté d’un corpus de facture totalement électronique, le dub rebondit une décennie plus tard (Zion Train, The Orb) et infiltre depuis presque toute la planète musicale à coup de métastases (en France, en Autriche, aux USA) qui laissent partout de durables mais bénéfiques séquelles…
Mû par un évident souci didactique, mais avec la passion pour moteur, Natal parcourt l’arborescence touffue du dub en collant à ses principales lignes de force avec moult témoignages d’intervenants qui, entre les lignes d’un choc qui a marqué leur vie à jamais, font valoir une multiplicité de points de vue (les pertinentes analyses transversales de Don Letts, déjà réalisateur de Punk Attitude) autour d’un boom boom qui n’en finit pas de résonner !


sounsystemLié au précédent Musically Mad du Suédois, Karl Folke se focalise sur la mouvance du UK sound system. Un phénomène au départ communautaire (et refuge des Jamaïcains de l’exil) et qui, bien que méconnu du grand public, a gagné des sympathisants dans toutes les strates de la société anglaise et ce, malgré le nombre toujours plus restreint de lieux acceptant de recevoir ces véritables émetteurs à ondes sismiques que constituent les sound systems. Partant de considérations techniques - comment élabore-t-on un sound system, que faire pour lui donner un son unique ? - Folke interroge les principaux acteurs passés et présents (Levi Roots, Aba Shanti) sur leurs pratiques musicales, s’arrête avec peut-être un rien de complaisance sur la dimension spirituelle du dancehall (au sens de joué dans un espace clos), caisse de résonance suramplifiée du rastafari, mais opte pour un découpage et un rythme plutôt sereins qui servent un propos particulièrement attentif à son rendu sonore. Néanmoins, Musically Mad pâtit d’un léger manque de lisibilité pour le néophyte et d’une foulée critique qui s’apparente par trop à celle étroite du fan transi. Fan qui devra poursuivre sa quête des nombreux bonus de ces deux documentaires sans le renfort de sous-titres. Seul vrai défaut de ces deux excellents panoramiques bombastiques !

 

Yannick Hustache

 

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