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Critique

POLICE & THIEVES [DELUXE EDITION]

publié le

Reggae. Dub. Trip-hop. Hip-hop. Dubsteps… LA LONGUE MARCHE DES FANTOMES Junior MURVIN : « Police & Thieves » (Island, 1977 – réédition “Deluxe” double CD : Island, 2009) KING MIDAS SOUND : « Waiting for You... » (Hyperdub, 2009) MORDANT MUSIC : « […]

jmPolice & Thieves est le premier album de Junior Murvin. Enregistré en 1977, il est produit par Lee Scratch Perry qui lui apporte non seulement une inestimable contribution musicale, mais lui imprime de plus un subtil - et passionnant - déséquilibre entre la franchise et l’immédiateté des textes et du chant, d’une part, et l’instabilité, la complexité de la production dub. Comme le montrent les nombreuses versions dub qui figurent sur cette réédition en double album, rien dans cette musique n’est fixe, tous les éléments qui le composent sont susceptibles d’être recombinés, reconfigurés, et de donner naissance à une nouvelle version, voire un nouveau morceau. Qu’il s’agisse des instrumentaux des Upsetters qui accompagnent Murvin, ou de la voix du chanteur lui-même, chaque piste enregistrée par Perry sera ainsi réutilisée semble-t’il à l’infini, déplacée, recontextualisée, multipliée sans limites dans le temps. Le Dub est alors un des premiers genres à jouer ainsi avec les fantômes de ses musiciens et de ses musiques. Dans un contexte pourtant fort préoccupé d’authenticité comme celui du roots reggae, la production de Lee Perry vient apporter une incertitude déconcertante, un flou magnifique. Elle remet en question les origines de chaque morceau, et l’existence même d’un original. En représentant à l’infini chaque fragment, chaque bribe d’enregistrement, il jette un doute sur la présence réelle de chaque instrument, de chaque musicien, sur leur existence même. Chaque fragment qui réapparaît est immédiatement perçu non comme lui-même, mais comme la trace de quelque chose, comme un double. Il est dès le début irrémédiablement imprégné d’histoire, de souvenirs, ainsi que d’illusions et de chimères. Il n’y a alors plus de point de départ, plus d’origine, mais un mouvement perpétuel, infini. Et cette confusion, cette « impureté » des sources sonores sera exploitée a contrario, non plus masquée comme dans d’autres genres musicaux, pour qui le but de la production est d’occulter toute trace de fabrication, de déguiser chaque emprunt, et de maintenir à tout prix le mythe de l’originalité, du naturel et de la spontanéité. Le Dub, et ses descendants, se fera au contraire un devoir, un plaisir, de souligner ces traces, de mettre en avant les apports technologiques, d’en marquer la présence concrète : affichant chaque effet – la réverb’, l’écho – et chaque signe matériel – le souffle de l’enregistrement, les griffes d’un vinyle samplé – comme reconnaissance du travail réalisé, et comme acceptation de la présence fantôme du passé. Ce spectre persistera dans tous les dérivés du Dub et de ses techniques, il hantera le Hiphop, le Triphop pour aujourd’hui se retrouver dans le Dubstep.