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Critique

A PLACE WHERE WE COULD GO

publié le

Jeremy Jay : "A Place Where We Could Go"

D’emblée chez ce grand échalas qui n’est pas sans faire penser à un cousin timoré du longiligne leader de Sonic Youth, Thurston Moore, il y a cette volonté affichée dès son titre de trouver un havre pour lui et les «siens». Un lieu, que peut être aucune carte sur Terre n’est capable d’indiquer mais qu’importe! Il n’a pas fallu attendre l’entrée dans l’âge du virtuel pour que les communautés d’esprit, de cœur, de sensibilité existent et foisonnent par delà les barrières les plus inimaginables. Pour son presque premier disque – un premier maxi-vinyl sorti en très peu d’exemplaires lui a servi de ban d’essai et de carte dès 2003 – Jeremy Jay a bénéficié de la chance du débutant de tomber sur Calvin Johnson, chanteur lui-même et propriétaire d’une merveilleuse épicerie fine, K Records (Kimya Dawson, Mahjongg…) qui a toujours fait rimer indépendance totale, éthique do it yourself et choix artistiques pleinement assumés. Outre sa bonne habitude de maintenir sur ses productions le son à hauteur d’homme (Lo-Fi au sens noble), la petite entreprise d’Olympia possède sa galerie de héros maison: Young Marble Giants ou encore Jonathan Richman à qui J.J. (nom d’un personnage de Comic?) fait parfois penser. Un Richman un jour de sinusite, et qui aurait appris et répété le bréviaire pop sur des disques aux rythmiques décharnées, squelettiques et faussement atones telles qu’instituées par Suicide il y a trois décennies, et ce, même si les tempi de ce «A Place Where We Could Go» sont, avec certitude, tous d’origine humaine. Mais feu de paille ou premier bilan d’un talent déjà éclot qui ne demande qu’à exploser, il y a dans cet album quelques indices troublants, la marque affirmée d’une personnalité qui retourne déjà son petit lopin de chansons bien à elle quand tant d’autres s’échinent à creuser vainement leurs influences pour (éventuellement?) espérer débusquer un maigre filon dont ils pourraient revendiquer la légitime propriété ! Avec des matériaux plus qu’usuels (guitares/basse/batterie et un piano en invité), J.J. écrit des chansons qui lui ressemblent, longues et fines mais solidement campées sur leurs longues guibolles, fluettes ou fragiles en apparence mais bâties pour durer et dont l’ombre projetée couvre celles des inévitables figures tutélaires. Et puis, comme une information qui mettrait, en raison de la distance à parcourir et de l’étroitesse du chemin, plus de temps à remonter des pieds à la tête et se bonifierait en cours de route, on décèle chez cet involontaire dandy un peu engoncé dans des nippes pas taillées pour ses mensurations, le souffle d’une histoire qui commence bien avant lui (à Love, Bowie ou peut être même plus tôt), se faufile au travers de son filiforme corps et s’écrit un court instant sur les traits d’un visage qui condense toute la fragilité inquiète et l’élégance insouciante d’une adolescence qui s’enfuit inexorablement (J.J. est déjà trentenaire). Des hymnes réduits à d’irréductibles et fières colonnes vertébrales, produites artisanalement comme un journal perso mis en son(s) en respectant les blancs et raturages nés de l’hésitation, des leçons de lyrisme introspectif (magnifique « A Place Where We Could Go », le titre) et un paquet de chansons à trimballer à toute heure, « A Place Where We Could Go » (l’album) et sous toutes les latitudes.
YH

 

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