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Critique

Jean Cras - La Flûte de Pan et autres quintettes

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La musique de Jean Cras est extrêmement rare au concert et au disque, malgré les initiatives de certains producteurs, dont le label Timpani. Pourtant, l’œuvre de cet officier de marine breton mérite qu’on s’y attarde.

Sommaire

Image de bannière : File:Hanstholm - Danmark.jpg

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Né en 1879 à Brest, Jean Cras a mené de front deux carrières avec un égal bonheur : celle de compositeur et celle d'officier de la marine française. À aucun prix il n'aurait abandonné l'une de ces fonctions, dont la complémentarité semblait lui garantir un bon équilibre psychique. De la première, il disait qu'il n'en tirait aucun orgueil, considérant l'inspiration d'essence divine. En somme, il n'en était que l'exécuteur. Son métier d'officier lui offrait par contre un sentiment de pouvoir et de fierté. Inventeur d'une règle-rapporteur qui porte son nom et qui est encore utilisée de nos jours, sa passion pour la mer était immense. Sur les vaisseaux qu'il commandait, il était le seul maître à bord, exerçant son autorité sur les hommes comme sur la mer. Ses voyages l'ont conduit en Islande, au Sénégal, en Amérique, aux Antilles, en Tunisie, au Danemark, en Extrême-Orient. Pour composer, il veillait toujours à emmener un piano dans sa cabine. Son œuvre s'est nourrie de ses escales, des musiques qu'il y a entendues, des images de côtes du bout du monde, des caprices de la mer aussi...

Ce disque paru chez Pasacaille nous propose d'entendre trois quintettes dans lesquels la mer n'est jamais loin.

« La Flûte de Pan », pour voix, flûte de pan, violon, alto et violoncelle (1928)

On sait que Jean Cras était sensible à la mythologie grecque et aux atmosphères qu'elle évoquait chez lui. Ce quintette vocal met en musique un texte de Lucien Jacques (1891-19161), poète mais aussi peintre, graveur, dessinateur, éditeur et danseur. Le poème narre la création de la flûte par le dieu Pan, le don de l'instrument à un berger, qui veillera à la lui restituer lorsque l’heure de son trépas sera venue.

"J’en ai tiré sept tubes, sept tubes inégaux - Plus légers que des os d’oiseaux — "

La hauteur des sons de la flûte requise par le compositeur est singulière : sept notes choisies de manière arbitraire, sans référence à une gamme existante. Pour cet enregistrement, le flûtiste hollandais Matthijs Koen, connu pour avoir fait entrer la flûte de pan dans le répertoire de la musique classique contemporain, a commandé un instrument sur mesure au facteur hongrois Ionut Preda. Sophie Karthäuser interprète avec de subtiles nuances le texte de Lucien Jacques, nous offrant un délectable moment méditatif.

Quintette pour piano, deux violons, alto et violoncelle (1922)

De quelques années antérieur, le Quintette pour piano et quatuor à cordes est une invitation au voyage, qu'on peut deviner autobiographique. Composés à bord du contre-torpilleur Amiral Sénès, ses quatre mouvements sont introduits par une brève mise en contexte :

  1. Clair et joyeux. Induit à y voir le départ d'un voyageur, ivre d'espace, impatient d'émotions
  2. Calme et paisible. Puis l'extase de l'âme européenne dans l'ardente poésie d'un beau soir d'Afrique
  3. Alerte et décidé. La joie de vivre sous le soleil dans le bariolage et le grouillement d'une ville arabe
  4. Ardent et fier. Enfin le retour, l'âme pleine de souvenirs affranchie par l'espace des petitesses de la vie

Tantôt, de courts motifs en gammes pentatoniques repris d'instrument en instrument illustrent le "grouillement de la ville arabe", tandis qu'ailleurs, les glissandi des cordes imitent l'erhu chinois, nous transportant aux quatre coins du monde dans un foisonnement de sonorités et d'harmonies exotiques.

Quintette pour harpe, flûte, violon, alto et violoncelle (1928)

En 1924, le harpiste Pierre Jamet fonde un quintette original, rassemblant un trio à cordes, une flûte et une harpe, et qui se fera connaître en France et au-delà. Outre Jean Cras, Albert Roussel, Gabriel Pierné, Charles Koechlin, Florent Schmitt, Vincent d'Indy, Joseph-Guy Ropartz ont chacun dédié une pièce à cet ensemble de chambre. D'inspiration purement musicale, le dernier Quintette de Cras se décline autour d'une brève cellule en perpétuelle évolution. Une architecture qui offre une grande cohérence et une continuité de mouvement en mouvement. La fluidité de la mélodie évoque une fois de plus l'élément aquatique et le miroitement du soleil sur les vagues.

La qualité de l'interprétation vient donner un surcroît de valeur au programme. Le disque a d'ailleurs reçu un Diapason d'or.

Distribution : Sophie Karthäuser (voix) – Jean-Claude Vanden Eyden (piano) – Matthijs Koen (flûte de pan) – Ensemble Oxalys (cordes)

Nathalie Ronvaux

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