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Critique

FANTOMATISME

publié le

Essai de définition : le fantomatisme serait une forme inédite d’être au monde, caractérisée par une sortie en douce du réel par des moyens recensés (paroles et musiques) pour mieux y replonger ensuite, depuis l’intérieur d’une bulle dont les […]

 

 

 

 

 

Essai de définition : le fantomatisme serait une forme inédite d’être au monde, caractérisée par une sortie en douce du réel par des moyens recensés (paroles et musiques) pour mieux y replonger ensuite, depuis l’intérieur d’une bulle dont les invisibles parois se mettent à organiser les interactions selon une clé de répartition qui favorise délibérément ce qui vient du dedans !

holdenUne bonne illustration de Fantomatisme appliqué se retrouve dans le film Violence des échanges en milieu tempéré de Jean-Marc Moutout (2003) où Holden campe son propre rôle de duo chantant le temps d’une scène d’une sidérante décontraction dans 1h40 de sourde tension découlant de son sujet principal : l’implacabilité des nouveaux rapports sociaux dans le monde du travail actuel. Une douce incongruité qui, plus qu’un effet de soupape, suspend l’ordre des choses et le fait un instant dériver du côté de l’onirisme surréaliste. Pas surprenant finalement pour un groupe qui compte un couple à la scène comme dans la vie - Armelle Pioline et Mocke - comme noyau principal et qui a emprunté son patronyme au héros (Holden Caulfield) du célèbre roman « l’Attrape-cœurs » de J.-P. Salinger ! Une existence déjà conséquente (début en 1997, au sortir d’un exil volontaire de quatre années à Dublin), mais rythmée au tic-tac alangui d’albums parus au compte-gouttes, un tout les trois-quatre ans à peine ! Repéré par feu le label Lithium (qui découvrit Mendelson et un certain Dominique A) qui publia L’Arrière-monde en 1998, les Français demeurent depuis lors fidèles au Village Vert (Autour de Lucie, Sporto Kantes). Un périple au Chili à l’aube du nouveau millénaire, scelle, outre une amitié jamais démentie avec ce pays d’Amérique latine, une rencontre décisive avec l’expatrié allemand Uwe Schmidt (alias Atom, alias Señor Coconut) qui s’attellera aux manettes des deux suivants - Pedrolira en 2002 et Chevrotine en 2006 - et leur concocte de fait de discrètes mais essentielles charpentes électroniques. Une donnée que ce groupe au personnel fluctuant, mais au dispositif scénique bien rôdé (5 membres), a totalement reprise à son compte, de même qu’il fait valoir à chaque étape de son périple une autonomie créative toujours plus affirmée.

À cet égard, les premières secondes de Fantomatisme (« Les animaux du club ») et son injonction samplée un rien lapidaire il faut faire attention ! sont moins innocentes qu’elles en ont l’air. Bien que tressée de motifs musicaux clairs, variés et accueillants, la pop francophile d’Holden ne cesse de poser des trompe-l’œil en cascade, d’emprunter des chemins de traverse et d’user de stratagèmes simples pour s’assurer une profondeur de champ inédite, tenir le cap d’une évidence mélodique raffermie et d’opérer sa séduction en faisant mine de se dérober à la moindre tentative d’approche. Une vocaliste au timbre cristallin et à l’élocution gracile mais à l’écart de l’afféterie, Armelle, qui bien qu’apparentée au registre fécond des chanteuses/conteuses (Breut, Leulliot), transparaît à l’occasion sous les traits insaisissables d’une fée imaginaire (« Où sont vos bras Monsieur ? »), bienveillant ange gardien parfois, mais souvenir (agissant) d’une ex-petite amie éconduite aussi (« 1 toit étranger », « Dans la glace ») ! Des textes qui résonnent des interrogations de leurs auteurs (l’immersif « Mia », comptine empathique qui porte le nom de leur petite fille) - l’infinie versatilité des sentiments, l’impossibilité de dire les choses, le doute comme certitude première… - mais qui ont fait le choix de la cohérence sensible et situationnelle sur l’identification automatique. Fantomatisme ne nous dit rien de précis mais titille les interrogations, fouine dans la boîte de pandore du ressenti et multiplie les entrées et pointillés pour que chacun y trouve son compte. Sans passer à côté d’une musique qui, à l’exception de leur reprise presque frontale (guitare plombée en sus) d’un standard latin (« La carta ») abonde en ellipses et trouées instrumentales pour tendre à une forme nouvelle définition du terme épure, comprise ici comme le stade introductif de la luxuriance : « La fin d’une Manche » s’écoute comme une B.O. illimitée de 4 minutes ! « Maureen, Katie, Maya aussi » sublime sa structure en échos ondoyants au moyen de machines rêveuses, le sentier de « Longue est ma descente » serpente entre subtils emprunts brésiliens. Enfin, Fantomatisme nous joue un dernier tour en partant le cœur léger, mais le pied assuré, sur un très direct « Je dois m’en aller ».
À regret serait-on tenté d’ajouter…

 

Yannick Hustache

 

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