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Critique

GIVE ME LOVE. SONGS OF THE BROKENHEARTED - BAGHDAD 1925-29

publié le

Cela commence à tourner à l’obsession, il semblerait que chaque sortie du label Honest Jon’s réclame une chronique immédiate et enthousiaste. Après sa série consacrée à la musique de la communauté immigrée noire de Londres (« London is the place for […]

Cela commence à tourner à l’obsession, il semblerait que chaque sortie du label Honest Jon’s réclame une chronique immédiate et enthousiaste. Après sa série consacrée à la musique de la communauté immigrée noire de Londres (« London is the place for me »), après son association avec le label Basic Channel (« Basic Replay »), après ses excursions maliennes (« Mali Album » de Damon Albarn, partenaire du label) ou nigériane (« Lagos Shake » de Tony Allen), c’est ici encore une nouvelle exploration fascinante qui débute. Le label a en effet eu la chance de se voir ouvrir les portes du dépôt de Hayes dans le Middlesex. Cet entrepôt, qui appartient à la firme EMI, renferme des archives discographiques conservées là par la compagnie depuis la construction de ses usines dans la région, en 1906. Autrefois un site florissant, employant quelque 14000 personnes, les usines sont aujourd’hui désertes ou en cours de démolition et ne subsistent que quelques entrepôts, dont celui qui nous intéresse ici. À l’intérieur, Mark Ainley, cofondateur d’Honest Jon's a trouvé ce qui rassemble le plus beau rêve et le pire cauchemar de tout collectionneur de disques; des milliers de disques posés sur des centaines d’étagères, avec pour seule indication leur numéro de catalogue. Aucun inventaire, aucun commentaire, aucune forme de classement et un devoir à la fois fabuleux et infernal, celui de… tout écouter. Le projet derrière cette tâche herculéenne est de publier ensuite plusieurs anthologies organisées par pays; quelques volumes sont ainsi prévus qui concerneront la Turquie, le Liban, la Grèce, l’Égypte, le Congo Belge, etc. Mais le premier volume de cette future série est déjà disponible, il est consacré à l’Irak et porte le très beau titre de « Give Me Love : Songs of The Brokenhearted - Baghdad 1925-1929 ».
Collectées à une époque où ce genre d’entreprise avait encore quelque chose d’épique, les vingt-deux plages du disque ont été sélectionnées parmi plus de neuf cents titres enregistrés à Bagdad durant quatre sessions entre 1925 et 1929. Elles couvrent plusieurs traditions musicales séparées, qui se mélangent ici, celles de l’Irak, de Bahreïn, du Kurdistan et du Koweït. Le livret, extrêmement détaillé, est indispensable pour comprendre le contexte attaché à chaque morceau, ses origines, sa signification, un aperçu furtif des musiciens et du public auquel il s’adressait. Magnifiquement restaurée à partir des 78 tours originaux, la musique se répartit entre taqsim, pièces instrumentales mélancoliques, et ballades déchirantes. Les textes sont quelquefois essentiels pour comprendre le caractère bouleversant de certaines chansons.
Comme le titre l’indique, la sélection a été faite parmi les plages les plus poignantes, les plus émotionnelles du répertoire découvert ici. Quelle que soit l’origine ethnique du musicien: arabe, juive, kurde… ou sa classe sociale : paysan, musicien professionnel, prostituée…, chacune des plages choisies communique une urgence, une sensualité, une émotion dramatique. Torch songs flamboyantes, amours impossibles, éloignements tragiques, séparations fatales, l’album décline l’amour dans ce qu’il a de plus dramatique, de plus douloureux; le chant s’y brise sous l’émotion, les voix en frissonnent tandis que les cœurs brisés se lamentent de souffrance. Désespoir d’un autre âge, délice du supplice, la sélection de Mark Ainley passe outre de l’éloignement culturel et nous offre une griserie un peu surannée, mais toujours extraordinairement présente.
BD

Selec

 

 

 

 

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