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Critique

VIE CAJUN (LA)

publié le

Le gavroche fêlé du Bayou

 

Le gavroche fêlé du Bayou

 

felocheMenacé de toutes parts (l’ouragan Katrina en 2005, une marée noire en 2010), le bayou de Louisiane se venge en colonisant l’imaginaire d’un jeune Français et lui offre en prime le don d’ubiquité.

A vrai dire, La Louisiane, le prénommé Félix dans la vraie vie – on ne connaît pas le reste mais ça correspond à environ 40% de son nom d’artiste – n’y a posé ses pénates qu’à l’enregistrement de son véritable premier album vers 2007/2008, dans ces eaux-là ! Un territoire gorgé d’eau(x) justement, stagnantes, troubles, toxiques (microbiennes ?) ou diffuses, telles de fines particules en suspension dans l’air, et qui se sont très tôt insinuées en lui. Lentement, insidieusement, agissant comme un charme qu’on lui aurait jeté-il y a des lunes. Normal pour une région où les mauvais esprits ont la peau dure ! Chez lui, c’est venu tout petit, par de drôles de grands-parents qui écoutaient des musiques cajuns via les enregistrements mondialistes du label Ocora. Pas étonnant non plus que ce drôle de Félix - euh – Féloche ait chopé une bougeotte sans pareille qui l’a fait rejoindre un collectif (punk) rock ukrainien du nom de Vopli Vidopliyassova de 1993 à 1995 ! De retour dans son « marécage de banlieue » (dixit l’intéressé), il s’achète une mandoline parce que pas trop chère et son apprentissage pas des plus ardus pour cet ancien élève du conservatoire (trompette) reconverti aux plaisirs des joies simples de l’approche instinctive et de l’énergie scénique. Et ce doux dingue de mettre en application son « obsession du ternaire et du modal » en accumulant des heures de rythmes saccadés qu’il habille d’harmonies brinquebalantes. Tandis qu’il écume, bien avant l’ère du tourisme planétaire en 2 clicks de l’ère ADSL, médiathèques et autres lieux dédiés à la mémoire des musiques de traverse, en quête d’une sorte de primitivisme fondateur qui le fait remonter aux sources sudistes du folk et du blues de l’avant électricité, il est ramené indirectement à ses propres souvenirs d’enfant et à l’exotisme communicatif d’une langue (le français du bayou) aussi étrange que familière !

En bout de course, La Vie Cajun ressemble à une auberge espagnole, rikiki par la taille, high-tech dans sa conception, farfelue dans son assemblage de bric et de broc récupéré dans tous les greniers ou fourbis sonores et plantée en bordure de civilisation. Et par ici les néologismes: mandolino-punk, gigue hip-hop slave, funk pour pêche à la ligne, gospel de joli cœur et blues arthritique. Et tout ça sans guitares ! Le drôle de chalet donc d’un frenchy un peu cousin attardé du Beck d’il y a quinze ans (ou d’un Forest For The Trees fauché comme les nénuphars), doucement atteint de schizophrénie – Féloche cause de lui à la 3ème personne – mais dont l’obsession du contrôle absolu (home recording oblige) est heureusement contrebalancée par un sens de la fraternité hors du commun. Ainsi sur le bien nommé « Dr John Gris – Gris John » Féloche déroule le tapis au bluesman le plus griot de La Terre depuis la disparition de Screamin' Jay Hawkins pour un échange digne de réveiller quelques malignes présences créoles. D’ailleurs, le Louisianais réapparaît planqué dans l’orage, à la fin d’un disque qui s’emmêle un peu dans les titres (vérifier, 12 au menu, 13 à l’écoute !). C’est qu’avant ça, notre homme reprenait « Singin’ in the Rain » en duo avec l’actrice Nora Arnezeder, balançait des « Eh toi ! » comme un chien fou et en sifflotant, se souvenait d’une fille comme d’un spectre (« Emilie ») et entamé un pas de danse en carré tout seul dans le brouillard (« Reste avec moi »). On lui pardonnera bien volontiers cette étourderie !

 

Yannick Hustache

 

 

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