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Critique

Eric Bibb « Migration Blues »

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La migration, voilà bien un thème actuel brûlant au cœur de toutes les tensions. En passant par la crise de l’accueil des réfugiés, le droit des étrangers ou les centres fermés, en Europe et ailleurs dans le monde, le sujet reste sensible et ne laisse personne indifférent. Face aux nombreuses réactions de replis sur la question, le bluesman de renommée internationale Eric Bibb (fils de Leon Bibb), installé en Suède, nous fait réfléchir avec son album baptisé « Migration Blues ».

Notre sexagénaire, se considérant lui-même comme un citoyen du monde, chante avec humanisme et positivisme le déracinement, et nous invite à plus de compassion envers les migrants. Ce mouvement migratoire actuel des réfugiés des pays en guerre du monde arabe et de l’Afrique vers l’Europe est ici comparé aux esclaves noirs fuyant la ségrégation et la misère. L’homme nous dit : « La peur et l'ignorance sont des problèmes bien plus que les étrangers. Les réfugiés sont le plus souvent des êtres humains courageux qui tentent d’échapper à l'horreur. Fuir la guerre et d'atroces souffrances a toujours existé dans le monde entier au cours des siècles. Tout cela me fait penser à la grande migration durant laquelle des millions d'Afro-Américains ont fui la ségrégation brutale et la misère du Sud rural pour les villes industrielles du Nord. Qu'il s'agisse d'un ex-métayer qui fait du stop entre Clarksdale et Chicago en 1923 ou d'un orphelin d'Alep dans un esquif empli de réfugiés, c'est toujours le blues de l'émigration ».

Notre chanteur et guitariste 12 cordes à résonateur nous fait prendre conscience qu’au regard de l’histoire, nous sommes tous en quelque sorte les descendants d’ancêtres émigrés.

La galette contient quinze morceaux personnels de blues roots épurés et originels, métissés d’accents gospel, soul, country ou folk. Les sons semblent évoquer le périple, le danger, l’inconnu, ou encore l’espoir d’un avenir meilleur. L’ensemble est enregistré avec deux musiciens invités de talent : JJ Milteau (harmonica) et Michael Jerome Browne (guitares, banjo, mandoline, triangle). L’ambiance musicale moite et rugueuse évoque le Deep South.

Les textes écrits par notre bluesman, habités, emplis d’émotion et porteur d’espoir, semblent intemporels. L’aventure commence avec une complainte rurale « Refugee Moan » qui retrace avec conviction ce que peut ressentir un être humain sommé de tout abandonner du jour au lendemain pour espérer des jours meilleurs. « Delta Getaway » raconte l’histoire d’un vétéran du blues parti vers Chicago. Puis, « Diego’s Blues » relate les travailleurs mexicains qui remplacent les africains dans les champs. Avec le titre « Prayin' for Shore », on rend hommage aux noyés en mer et on nous raconte comment un migrant à bord d’une petite embarcation guette avec inquiétude une terre d’accueil. On découvre aussi deux reprises : « Masters of War » de Bob Dylan qui s'en prend aux marchands d'armes et autres profiteurs des conflits, et « This Land Is Your Land » de Woodie Guthrie.

On termine l’odyssée avec deux morceaux moins sombres : l’instrumental « Postcard From Booker » qui célèbre la mémoire du guitariste chanteur Booker White (1909-1977) et « Blacktop », teinté de Gospel.

Toutes ces histoires poignantes et pleines de bonté, c’est aussi l’histoire du blues (le « Delta blues » du Mississippi), avec ses bluesmen afro-américains expatriés de leurs champs de coton vers les villes industrielles du Nord . Une profession de foi artistique, personnelle et généreuse, qui, en cette période troublée, fait du bien à entendre.

« Avec cet album, je souhaite nous encourager à garder nos esprits et nos cœurs grands ouverts sur la
détresse des réfugiés où qu’ils soient. L’histoire le prouve, chacun de nous descend de gens qui à un moment ou un autre ont été forcés de partir. » Eric Bibb

« Nous avons reçu le blues en héritage. Ça ne signifie pas qu’il faut le muséifier. La plupart des grands bluesmen furent des innovateurs en leur temps. Beaucoup étaient des migrants. Émigrer signifie prendre son futur à bras le corps. C’est une des leçons du blues, transcender le fatalisme et rendre le pessimisme positif. » JJ Milteau

À découvrir absolument !

Lépinois Céline